LA FILLE DES BATAILLES
jeudi, 24 janvier 2008
La fille des batailles, François Place, Casterman
La fille des batailles : acheté à Montreuil, dédicacé, vite, trop vite puis déposé sur une étagère. Je le gardais pour un jour vide de tout le reste, un jour silencieux.
Le vent m’a soufflé des rumeurs à son sujet. On la dit muette, abandonnée « par une de ces épouvantables tempêtes que l’automne envoie pour annoncer l’hiver ». J’ai coupé court aux bruits, ne pas en savoir plus.
Repousser le moment de sa lecture de quelques heures encore, regarder Andréi Roublev de Tarkovski. Y rencontrer une fille muette, éphémère reine tatare, un vieux fou de dessin et son vœu de silence et un tout jeune fondeur de cloche peut-être muette elle-aussi.
Puis tourner la première page, se laisser saisir, déserter le maintenant pour le siècle du roi Soleil et l’ici pour là-bas. Mais, en matière de repères spatiaux , texte et images malmènent le lecteur, lui demandent de lâcher prise: de Vaudaran dans le Midi –et ce nom-là, l’unique nom propre de l’album, sonne trop vrai pour l’être- jusqu’au Nord, l’errance repassera toujours par l’auberge Le soleil d’or, « en un grand déménagement immobile».
Le soleil d’or, c’est là que la fille muette rejetée par la mer a trouvé tendresse et identité. Garance, c’est ainsi que se nommera la Sarrasine à la peau sombre, un nom aussi rouge que son turban. Cette couleur sera un des fils de l’album : rouge l’écharpe du Seigneur qui a jeté un dévolu obsessionnel sur elle, rouge le tambour de son fiancé Bastien, rouge sa tenue de bagnard.
Mais ce qui frappe le plus à la lecture de La fille des batailles, c’est le silence. De page en page, de tableau en tableau, des fragments de vie entrecoupés d’ellipses - la rencontre de Bastien et Garance, le lien indéfectible qui les unira au-delà de la guerre et du bagne, la perpétuelle menace du Seigneur- se déroulent. De page en page, tous les personnages sont privés de parole, pour la simple et bonne raison que le narrateur se garde bien de la leur confier. À trois reprises, le texte disparaît pour laisser place à trois illustrations en double-page : se dessinent alors les batailles de Bastien, la guerre, l'arrestation mouvementée, l'embuscade de la délivrance, en un grand tohu-bohu silencieux. Au cœur de ces morceaux de silences, les seuls bruits du texte que j’ai entendus sont les battements des cœurs du jeune tambour et de Garance.
Le vent m’a soufflé des rumeurs à son sujet. On la dit muette, abandonnée « par une de ces épouvantables tempêtes que l’automne envoie pour annoncer l’hiver ». J’ai coupé court aux bruits, ne pas en savoir plus.
Repousser le moment de sa lecture de quelques heures encore, regarder Andréi Roublev de Tarkovski. Y rencontrer une fille muette, éphémère reine tatare, un vieux fou de dessin et son vœu de silence et un tout jeune fondeur de cloche peut-être muette elle-aussi.
Puis tourner la première page, se laisser saisir, déserter le maintenant pour le siècle du roi Soleil et l’ici pour là-bas. Mais, en matière de repères spatiaux , texte et images malmènent le lecteur, lui demandent de lâcher prise: de Vaudaran dans le Midi –et ce nom-là, l’unique nom propre de l’album, sonne trop vrai pour l’être- jusqu’au Nord, l’errance repassera toujours par l’auberge Le soleil d’or, « en un grand déménagement immobile».
Le soleil d’or, c’est là que la fille muette rejetée par la mer a trouvé tendresse et identité. Garance, c’est ainsi que se nommera la Sarrasine à la peau sombre, un nom aussi rouge que son turban. Cette couleur sera un des fils de l’album : rouge l’écharpe du Seigneur qui a jeté un dévolu obsessionnel sur elle, rouge le tambour de son fiancé Bastien, rouge sa tenue de bagnard.
Mais ce qui frappe le plus à la lecture de La fille des batailles, c’est le silence. De page en page, de tableau en tableau, des fragments de vie entrecoupés d’ellipses - la rencontre de Bastien et Garance, le lien indéfectible qui les unira au-delà de la guerre et du bagne, la perpétuelle menace du Seigneur- se déroulent. De page en page, tous les personnages sont privés de parole, pour la simple et bonne raison que le narrateur se garde bien de la leur confier. À trois reprises, le texte disparaît pour laisser place à trois illustrations en double-page : se dessinent alors les batailles de Bastien, la guerre, l'arrestation mouvementée, l'embuscade de la délivrance, en un grand tohu-bohu silencieux. Au cœur de ces morceaux de silences, les seuls bruits du texte que j’ai entendus sont les battements des cœurs du jeune tambour et de Garance.
En somme, qui est-elle, la fille des batailles ? Séraphine, qui a été conçue au beau milieu des batailles, ou sa mère qui sa vie durant a mené des batailles pour rejoindre Bastien ? Qu’importe du moment que l’album se ferme enfin sur un naufrage en carton pâte et que Séraphine, grimpée sur les planches, puisse porter la parole des sans-voix.
12 commentaires
Cet album, je l'ai reçu en cadeau ce Noël (tu peux bien deviner qui me l'a offert...) et comme il promettait du bonheur, je l'ai réservé pour un peu plus tard. Quand j'ai eu lu tous les livres, je l'ai repris, et je l'ai savouré. Il trône en devanture de ma bibliothèque, je le vois d'ici avec son titre en grandes lettres rouges, et je me dis soudain que Garance est un très beau prénom...
AGAAGLA: Garance et Les enfants du paradis de Carné...
Je me suis laissée porter par la plume de François Place, de mot en illustration, s'en mettre plein les yeux pour un délicieux voyage.
J'ai également beaucoup aimé ce livre, à tel point que c'est celui que j'ai choisi pour le présenter au concours du CRPE (pour être instit)...je vais donc tenter de l'explorer à fond !! si vous avez des pistes n'hésitez pas à m'écrire car votre article me donne déjà quelques idées !!
AMANDINE: au contraire, c'est ta lecture de l'album que j'aimerais lire...
pour l'instant je n'ai pas eu le temps de m'y plonger vraiment car on prépare surtout les écrits...donc je m'y met petit à petit !!
je vous tiendrai au courant de l'avancée de mon exposé
AMANDINE: Avec plaisir...
Tentant.
dégoutée...ma prof de français m'a conseillé de ne pas choisir cet album pour le concours...(alors qu'elle adore François Place !!) mais apparemment il est trop compliqué pour du primaire...oui même au CM2...
c'est dommage pourtant j'étais prête à le défendre !!
donc voilà je vais devoir en faire mon "deuil"...car c'est dur de renoncer à présenter un album auquel on s'est attaché...
Je suis bien contente... certaines rencontres ne sont sans doute pas fortuite. Je me promène cet après midi au grès des mots, moment de détente savoureux quand soudain j'entends de nouveau parler de ce francois Place. Il faut absolumment que je trouve un de ses albums à me mettre sous la dent.
Mais comme un conseil en vaut bien un autre, pour une couleur bleue, je conseille baiser de cinéma d'Eric Fottorino où le bleu est un fil de peluche, de lumière. Ce n'est pas un album de jeunesse mais un roman où l'adulte devenu, éperdu et perdu se penche sur l'enfant qu'il était...Bonne lecture et merci encore pour tous ces textes et ces précieux conseils.
MYRIAM: tu me confierais ton baiser de cinéma si je ne le trouve pas à la médiathèque aujourd'hui?
territoire fragile du même auteur se laisse aussi découvrir
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