LA TOURNIQUETTE À VINAIGRETTE
mercredi, 24 juin 2009
Je me souviens qu' il fallait attendre le vendredi soir pour voir une émission littéraire.
Regarder Apostrophes c'était l'assurance pour moi de me coucher tard. Ma mère somnolait déjà dans le fauteuil tandis que mon père levait enfin le regard de sa pile de dossiers.
Je me souviens que la plupart du temps Pivot recevait une tablée d'auteurs et quand c'était jour de fête, il se lançait dans un tête à tête.
Je me souviens de la barbe hirsute de Soljenitsyne et des lunettes amusées de Duras.
Apostrophes a fait place à d'autres émissions: est-ce parce que se coucher tard ne dépend plus que de moi ou parce que j'ai beau sucer la madeleine sans qu'aucun charme n'opère, aucune ne m'a séduite. Trop de cire-godasses et repasse-limaces ou de chasse-filous. Je me contente de blogs dits littéraires. Je suis d'une ligne distraite Assouline, par contre j'aime que le blog de François Bon soit sous l'égide de Rabelais. La désillusion du dernier personnage de Mabanckou, Fessologue dans Black bazar, me convenait presque:
"Je n'avais pas entendu parler de cet écrivain avant. Moi je suis un type très prudent avec nos contemporains, je ne lis que les morts, les vivants m'énervent, ils m'agacent. Quand tu les vois à la télé ils te font des discours sur ce qu'ils écrivent et ils sont satisfaits comme s'ils avaient trouvé la pierre philosophale après avoir résolu la quadrature du cercle ou rempli le tonneau des Danaïdes. Alors que les morts, ils ont fait leur oeuvre, ils ont tiré leur révérence, ils reposent en paix dans des cimetières marins ou au pied des saules pleureurs, ils nous laissent dire ce qu'on veut sur ce qu'ils ont pondu parce qu'ils savent que tôt ou tard on sera obligés de les lire si on ne veut pas être traîtés de cancres par les beaux-parents au cours d'un dîner."
Pourtant, là, je ressors d'un drôle de bouillon: j'ai regardé quatre émissions dites littéraires à la file, un peu comme on rattrape d'un coup une saison entière d'une série culte. D@ns le texte, sur le site d'arrêt sur image, j'ai vu Michon qui toujours enveloppe son front de sa main droite pour trouver une réponse au plus juste et Lanzmann, le cou avalé par les épaules. Sur Le bateau libre, j'ai vu Philippe Grimbert et Gérard Genette: la présence de la table les garde plus immobiles, à moins que ce ne soit le roulis de la Seine?
Codicille, La mauvaise rencontre, Le lièvre de Patagonie, Les onze seront mes prochaines lectures car dans ces deux émissions pas d'éventre-tomates ni d'écorche-poulet, juste un espace où tentent de se cotoyer des impressions de lecture et des parcours d'écriture.
Le tonneau des Danaïdes continue de fuir et c'est bien comme ça.
2 commentaires
merci pour ces précieuses indications (que ferait-on sans éclaireur dans la jungle de ce qui se déverse autour de nous pour trouver les pépites ?)
AGAAGLA: la jungle qui se déverse entraîne dans son sillon les pépites.
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