Aujourd'hui de l'eau.
lundi, 10 décembre 2012
254/366
Hier matin, à l'heure où le regard ne voit pas encore clairement ce que le pied fait, je suis partie courir. J'aime par dessus tout cette heure où le monde et les colères somnolent encore. Parvenue en haut des côteaux, j'ai contemplé la lune qui renâclait à laisser sa place. Elle voulait encore un matin se mesurer à celui qui déjà embrasait la vallée avec une douce insolence. Quelques mésanges, sur leur branche gelée, se marraient de cette lutte toujours recommencée. La Seine s'est immobilisée, comme tous les matins, pour accueillir le dernier reflet de l'une et le premier rayon de l'autre. Dans mon I-machin, c'était un air marin qui se jouait de mes écoutilles: François Busnel, dans Le grand entretien, recevait Michel Butor pour Le long de la plage, recueil à quatre mains avec le pianiste Marc Copland.
Je n'ai pas trouvé trace du poème sur la toile. Je le retranscris ici, en espérant ne pas avoir trop malmené le vers. Vous pouvez aussi l'écouter ici, il se niche entre la 16ème et la 17ème minute.
Air marin
La vague dit à la vague
Recouvre-moi
Je m’assèche
Je ne trouve plus mes algues
Je ne racle que gravier
Encore une autre après toi
Je retrouve ma vigueur
Et m’enfonce en l’océan
L’épave dit à l’épave
Unissons nos abandons
Dans tes bols de porcelaine
Je verserai mon porto
Et l’ivresse des poissons
Communiquera nos plaintes
Aux ermites des récifs
10 commentaires
Se relayer et s'épauler, la nature nous fait la leçon.
Quel superbe billet Bacchante, admiration. Tiens je m'en vais le relire encore une fois.
Pendant que les oiseaux se marrent ici, passe une belle journée!
Il ne nous reste plus qu'à apprendre à regarder la nature.
belle journée à toi aussi, Colo.
Butor écrit souvent avec des plasticiens : peintre, photographe, sculpteur, etc. Le problème, c'est que ces livres d'artiste sont, par définition, très rares et très chers...
Pas celui-là!
Tes deux premières phrases sont très belles...
merci...
recouvre-moi.. comme c'est tendresse
Tendresse aussi, le porto versé dans les bols de porcelaine.
Lumineuse insolence du soleil. À te lire, je crains l'insolation.
Il y a cinq minutes, j'écoutais Charles Mingus. Maintenant Albert Ayler. Je pivote sur mon siège pour atteindre Le Dictionnaire : il n'y a qu'un rapport poétique entre soleil et insolence. C'est beaucoup.
Un rapport poétique vaut bien un rapport étymologique.
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