Prisons, Ernest Pignon-Ernest
samedi, 01 mars 2014
Juste avant les vacances, j'ai trouvé dans mon casier une feuille. "Exposition Prisons d'Ernest Pignon-Ernest à la galerie Lelong", qu'elle disait la feuille. F. l'y avait glissée. Il sait que depuis que j'ai rencontré l'artiste à Etonnants Voyageurs, je n'ai de cesse d'interroger ses passages sur les marches et sur les murs -ceux de Naples, de Palestine et de Charleville. Il sait aussi que je rêve de me retrouver face à un mur qui porterait encore l'un de ses papiers collés.
En parcourant la feuille, j'ai pesté, ragé. C'était à portée de TGV, deux ans plus tôt.
En 2012, à Lyon, Ernest Pignon-Ernest a investi la prison Saint-Paul désaffectée avant qu'elle ne devienne une université: « La prison Saint Paul n'est pas une prison ordinaire. Barbie y a sévi. Jean Moulin, Raymond Aubrac, de nombreux résistants y ont été emprisonnés. Avant que la transformation des lieux en campus ne provoque une amnésie collective, j’ai tenté d’y réinscrire par l’image le souvenir singulier d’hommes et de femmes, célèbres ou inconnus, qui y ont été torturés ou exécutés. Dans différents lieux, couloirs, cellules, je me suis efforcé d'inscrire leur visage, de stigmatiser les lieux avec le signe de l'humain."
Il ne me restait plus qu'à aller voir quelques traces à la Galerie Lelong, donc, juste en-dessous du parc Monceau. C'est tout propre par là-bas. A se demander comment les passants font pour passer sur les trottoirs sans laisser la plus petite trace, ne serait-ce celle d'un espoir ou d'une attente.
Au 1er étage de la galerie, une fois abstraction faite de tout le reste -les cadres, les verres, un guide, des acheteurs potentiels- le face à face reste saisissant.
Les dessins d'un grand drapé accroché aux barbelés à Lyon, déroulé le long du mur, ici.
Sur un autre mur, l'esquisse du corps drapé en un ecce homo réinvesti...
Et surtout les yoyos, "bouteilles de plastique qu'avec l'aide d'une ficelle, les détenus tentent de faire passer, en les balançant de fenêtre à fenêtre, d'une cellule à l'autre. Messages, café, cigarettes, shit, autant de bouteilles à la mer le plus souvent prises dans les barbelés où elles pendent comme autant d'ex-voto qui n'ont plus rien à espérer."
Au 1er étage de la galerie, une fois abstraction faite de tout le reste, le face à face reste pétrifiant.
Nota bene: les citations d'Ernest Pignon-Ernest sont extraites du "catalogue" de l'exposition.
11 commentaires
E P E je me souviens de sa commémoration de la commune. un artiste exigeant, en phase avec son temps et la mémoire des combats que par ailleurs on tente de faire oublier.
Oui, ses géants de papier sur les marches du Sacré Coeur.
Je l'ai entendu interviewé par la précieuse Katleen Evin http://www.franceinter.fr/emission-lhumeur-vagabonde-ernest-pignon-ernest
Cet homme si talentueux est d'une modestie adorable.
Merci Zoë pour le lien. Je file écouter.
beaucoup de force
Force de la mémoire et de la culture conjuguées.
Combien de mots faudrait-il pour dire tout ce que ces dessins, en une minute, nous crient? Pétrifiants, oui, quel talent!
Tu comprends combien grand est mon désir d'en croiser un, sur un mur et non dans une galerie.
C'est le portrait de Rimbaud par Ernest Pignon-Ernest qui est cette année l'image du "Printemps des Poètes".
A voir ici : http://www.printempsdespoetes.com/
Oui, d'ailleurs, il faut que je commande des affiches!
Magnifique. Comme j'aurais aimé voir cette exposition. C'est fascinant. Merci.
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