"Ne rien faire mais à fond : simplement vivre"*
mercredi, 10 août 2016
© Pili Vazquez, lo spettacolo della serata
San Gimignano, Juillet 2016
A l'approche de la fin d'après-midi, quand la canicule prévoit enfin de faire relâche, c'est le même rituel chaque jour recommencé sur la Piazza del Duomo. Sur les marches, les touristes s'attardent encore un peu à l'ombre. Finissent leurs glaces, reprennent une nouvelle gorgée d'eau tiède, ne monosyllabent plus que par intermittence. Regrettent d'avoir dépensé leur énergie si vite en arrivant le matin dans le village. Il faudra bien qu'ils se décident pourtant à retraverser la chaleur, à aller chercher leur voiture en contre-bas, à reprendre la route, rincés.
Sous la halle, juste à gauche, le spectacle est tout autre. Le lieu n'est pas interdit aux touristes mais il pèse là quelque accord tacite. Viennent s'y installer uniquement les habitués du lieu. Les femmes s'alignent tout au fond sur le banc de pierre trop haut, les pieds dans le vide. A les entendre reprendre leur conversation mise en suspens depuis hier, on pourrait penser qu'elles ne se sont pas vues depuis des semaines. J'imagine qu'elles prennent des nouvelles des enfants et petits-enfants des unes et des autres, parlent de celles qui sont absentes au rendez-vous. En vingt-quatre heures, il a dû se passer des micros événements d'une importance telle que chacun nécessite un récit circonstancié, amplifié, dramatisé. Quand le ton monte et le flot de paroles s'accélère, je regrette la pauvreté de mon Italien. Qu'est-ce qui fait soudain désaccord entre elles ? Une recette de focaccia morbida ? La dernière homélie du prêtre ? Leur mari ?
Tiens, justement, les maris ! Ils se tiennent loin de cette agitation. Chacun a pris sa chaise et l'a posée à la limite de l'ombre. Quatre chaises identiques, côte à côte. Assis là, ils laissent peut-être leur esprit vagabonder. Vers les touristes qui vont bientôt libérer la place. Vers hier, vers demain. Ou peut-être pas. Peut-être sont-ils là pour ne rien faire d'autre. Pour n'ajouter au bruit du monde qu'un peu de silence.
*Je rends à André Comte-Sponville ce qui appartient à André Comte-Sponville
3 commentaires
Simplement vivre, quand il fait si chaud, est déjà un exploit, ou presque.
Alors que faire sinon commenter, sans bouger, les minis chosettes de la vie....merci pour ce récit de la vie.
Tu féliciteras ta photographe pour moi, ses photos sont très belles. Tu lui a signé un CDI?
Félicitations transmises !
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