Amorcer
dimanche, 07 janvier 2018
Les vacances touchent à leur fin. Une part de moi se laisse glisser avec délices dans cette dernière journée vide, l'autre part est déjà ailleurs, dans demain. Je me prépare à retrouver les gamins avec lesquels je chemine cette année. Dès 8h30, je les rejoindrai dans la cour de récréation - bonne année, m'dame - il me restera deux étages pour amorcer cette nouvelle année pour qu'elle soit bonne. Au moment d'ouvrir la porte de ma salle 207, je relirai l'affiche patafixée dessus - pour travailler ici, il n'est pas obligatoire d'aimer lire et écrire mais ça peut aider - les inviterai à entrer, les uns avec la gueule à la retourne, les autres pas encore réveillés mais tous, la poche arrière bombée d'un téléphone portable. Nous ne nous lancerons pas tout de suite dans notre séquence "Chute assurée", je leur parlerai d'abord de cette interview d'Alberto Manguel, je leur lirai sans doute ce passage :
" Vouloir que nous lisions tous, est-ce une utopie ?
La lecture s`acquiert par contagion et nous ne finissons pas tous malades. Pour tout lecteur il y a un livre, même si ce lecteur et ce livre ne se rencontrent pas toujours. Si l`on continue à voir la lecture comme quelque chose de sacré ou élitiste, comme quelque chose d`étranger à notre quotidienneté ou comme une nécessité, cela restera une utopie.
Voilà pourquoi il faut voir la lecture comme un acte de rébellion, si l`on transmettait cela aux jeunes, les choses seraient différentes. Il y a dans la jeunesse une impulsion de rébellion et de curiosité que les sociétés essaient en général de réprimer et si les jeunes veulent se rebeller ou s`opposer comme individus, la meilleure manière de le faire est de s`opposer aux valeurs du troupeau, de s`opposer à ce qui est facile, rapide, de savoir que la difficulté est un trésor précieux, que la pensée l`est aussi et qu`à travers tout cela ils trouveront une force par leur propre liberté et intelligence."
Oui, je leur lirai ce passage et leur souhaiterai à tous la morsure d'un livre telle qu'elle leur donnera une impulsion de rébellion, leur offrira le désir de se dresser dans cette nouvelle année...
4 commentaires
Je t'écris un commentaire un peu "profond", et on me dit qu'il y a une erreur. Sans doute suis destinée à n'écrire que du superficiel. ;-)
J'aime beaucoup ton billet. Crois-tu, et c'est une vraie question parce que je ne suis pas certaine d'avoir compris ce point, qu'il y a un livre pour chacun d'entre nous, et un seul? Et si oui, veux-tu dire ce livre qui fait de toi un lecteur parce qu'il a éveillé quelque chose en toi ou ce livre qui sera toujours pour toi un peu différent des autres (et dans ce cas, je ne suis pas sûre de savoir quel est ce livre pour moi).
"le désir de se dresser dans cette nouvelle année": c'est très beau, j'y repenserai sans doute souvent dans le courant de cette année.
Je crois qu'il y a un livre qui nous fait entrer en littérature. Pour moi, c'est Désert de Le Clézio. Après, on ne cesse de rechercher cette émotion première.
Si c'est le cas pour moi, c'est un peu triste parce que je suis incapable de savoir lequel c'est. Mais ce n'est pas grave, je garde plusieurs titres.
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