Evidence étiologique
vendredi, 14 juin 2013
A une semaine de l'été, vous vous demandez encore où est passé le printemps. Explication.
Hier matin, 9h30, je me poste dans le couloir qui longe ma salle pour accueillir mes biobios de 6ème. J'aime ce rituel, les saluer l'un après l'autre -le pas encore réveillé, l'enthousiaste, le qui traîne ses baskets pas lacées, la sérieuse, le qui déborde déjà d'énergie, la souriante, le grincheux- avant d'embarquer pour deux heures de cours. Y. s'est placé le dernier de cet hétéroclite défilé. Le cheveu est en bataille ou plus exactement en débandade, le regard d'habitude malicieux derriere les lunettes prendrait bien la poudre d'escampette. Madame, hier mes parents ne se sont pas mis d'accord pour savoir chez qui j'allais dormir. J'ai passé la nuit chez ma grand-mère et je n'ai pas mes affaires. Je ne sais pas à quel supplice- celui de Tantale ou de Sisyphe- il pensait que j'allais le condamner. Je l'invite à entrer et à s'organiser avec son binôme.
Au programme du jour, nous poursuivons notre découverte des Métamorphoses d'Ovide avec le mythe de Déméter qui hurle son désespoir depuis que sa fille Perséphone a disparu, enlevée par le dieu infernal, Hadès. Elle affame la Terre comme dernier recours devant l'insupportable. Zeus est contraint d'arbitrer pour retrouver le calme. L'arbitrage est frileux: il ne peut remonter l'enfant à la surface; elle a mangé sept grains de grenade sur les rives du Styx. Elle passera donc six mois dans les entrailles de la Terre -l'automne et l'hiver- et six mois auprès de sa mère -le printemps et l'été.
Dehors, une pluie incessante frappe les carreaux et l'horizon est imperturbablement gris. Le mythe fait réagir: que fabrique donc Perséphone cette année? Aurait-elle oublié de remonter? Il n'en faut pas plus à Y. pour retrouver toute sa malice et s'exclamer: votre Perséphone, elle a décidé de rester aux Enfers; elle en a ras-le-peplos de la garde alternée.
21 commentaires
Les contes et les mythes nous en avons souvent des adaptations en live au sein de nos classes dans les tranches de vie de nos ados :(
L'avantage, Y n'oubliera jamais qui est Perséphone :)
Y. était déjà un fin connaisseur de mythe.
on peut penser que le mythe est toujours actuel, confronté aux exigences des administrations et autres avatars dits modernes.
La crise, serait-ce un coup de Déméter?
Que Perséphone ne reste pas trop longtemps aux enfers, sans quoi nous y descendrons pareillement, pour y trouver la chaleur...
Je ne suis pas sûre qu'il fasse spécialement chaud dans les Enfers antiques...
En exclusivité pour les îles Indigo, un message de Perséphone, capté sur son i-phone : "G été retard D par D pb de cirque culasse ion..."
Charon vieillit: il ne réussit plus à assurer le passage.
Bien dit !
Perséphone entre mère et mari a sans doute autre chose en tête.
Ah, les p'tits mômes trimballés d'une case à l'autre pour "leur bien". Perséphone est syhonnée.
siphonnée, pfff!
@ Tania et Zoé:
Question: que peut bien avoir en tête quelqu'un de siphonné?
C'est toujours épatant de réussir un ancrage direct dans le vécu des élèves comme tu l'as fait pour Y. Il s'en souviendra certainement ! (et moi aussi...)
En l'occurrence, Y. s'est chargé tout seul de jeter l'ancre dans le mythe.
Un arbitrage frileux, des enfants divisés, où se cacher?
Merci de mentionner les sept grains de grenade qui m'ont fait faire des recherches fort intéressantes sur ce fruit (arbre en fleur en ce moment ici) et sa symbolique.
Un grenadier en fleurs près de chez toi? Une photo s'impose!
Ok, je sors avec mon appareil.
Et profites-en pour prendre en photo les pieds de tomate.
C'est fait, viens chez moi.
il faut changer les codes de la société qui ne fonctionne pas mais il faut l'oser et les transitions sont difficiles.
Oser créer quelque chose de nouveau sans peur.
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