Du souffle dans les mots (1)
mardi, 01 décembre 2015
Follia continua !, Cent quatre, Paris
Ca y est. Nous y sommes. Vous avez dépavoisé vos profils facebook. Le drapeau français n'est plus votre seconde peau. Vous avez hésité à le remplacer par le drapeau malien. Pas d'application proposée. Il est des priorités même sur les réseaux sociaux.
Vous vous demandez comment habiter cet après. Vous serez peut-être allés boire un verre en terrasse, vaillamment, ou alors vous aurez pris un billet pour un concert, héroïquement, ou bien encore déposé une paire de chaussures, Place de la République, résolument.
Le soir de retour chez vous, le soir de retour chez moi, nous nous sommes retrouvés, il faut bien l'avouer, le coeur décousu : les actes symboliques deviennent si dérisoires face à l'ampleur de ce qu'il faut accomplir. Nous tendons une oreille aux discours politiques calamistrés, espérant quelque réconfort, alors même que nous savons qu'ils ont renoncé depuis longtemps aux utopies qu'ils énoncent, l'oeil ému. Des millions sont versés à l'Armée tandis que l'Education et la Culture deviennent des parents encore plus pauvres.
Hier, de passage à Rouen, j'ai fait un crochet par l'Armitière. J'y ai cherché un livre pour m'accompagner dans cette traversée du désert parce que je persiste à croire que la littérature fait battre bien mieux le coeur du réel qu'une BFM TV en boucle. J'y ai trouvé Du souffle dans les mots. Trente textes de trente écrivains qui cherchent, en un parlement sensible, à édifier un lieu bon où vivre ensemble, un eu-topos.
En lisant un premier texte, j'ai eu envie d'ouvrir sur mes îles un calendrier du "pendant*". Pendant les onze jours de la COP21, je déposerai donc ici un extrait.
*Je croyais gamine que le fameux calendrier était celui de "l'avant".
Mardi 1er décembre
Le Barrage, Maryline Desbiolles, in Du souffle dans les mots
"Je pense aux chantiers des hommes, à nos chantiers arrogants, désespérés, magnifiques, et qui sont notre chair comme les lieux qu'ils bouleversent. Je pense tout en même temps à notre démesure, nos aveuglements, nos surdités, à l'attention constante et extraordinaire qu'il faut porter au monde pour ne pas que les désastres, ces désastres résistibles, nous prennent par surprise, dans nos lits, comme de petits enfants dans leur vêtement de nuit. Je pense à ce travail d'attention, de connaissance, à ce travail qui est le nôtre désormais, dont chacun de nous a la charge, et je ne pense pas à lui comme un acte de contrition mais comme un immense chantier, arrogant, désespéré, magnifique."
1 commentaire
Et bientôt, nous remiserons aussi nos vertes vertueuses bannières, replierons les ailes de nos moulins à vent et nous donnerons rendez-vous – en débardeur et espadrilles – à la COP22.
Les commentaires sont fermés.