dimanche, 28 juin 2015
L'avoir dans l'os
Athènes, mai 2015
Nos cédilles et nos censures
nos cénures et nos cérambyx
nos certainement et nos cependant
nos cessez-le-feu et nos c'est-à-dire
innocemment
nous croyons partir en noces
ostensiblement
nous partons en os
10:52 Publié dans BAL(L)ADE, MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : os, noce, dw. | Facebook |
dimanche, 14 juin 2015
Pentsiki Vasiliki, 1922-1943
Athènes, mai 2015
Que restera-t-il de vous après le dernier grand saut ? Le béton d'une tombe, la poussière des os claquemurée entre les planches, une épitaphe inspirée peut-être et deux dates assurément puisque toute vie inéluctablement se retrouve coincée entre deux dates. Et puis l'oubli, quand le dernier à se souvenir de vous se laissera happer à son tour par le grand saut.
Il y a ceux aussi qui n'ont même pas connu les deux dates imprimées sur la pierre; accélération de la transformation en poussière et en cendre dans un camp d'extermination. Le seul numéro d'un matricule pour contrer le néant.
Enfin il y a ceux qui, morts dans un camp ou sur le champ de bataille, croisent longtemps après un écrivain. La Dora Bruder de Patrick Modiano, Le voyant de Jérôme Garcin ou le Jacob Jacob de Valérie Zenatti.
Au musée juif d'Athènes, je pensais à tout cela devant la carte d'identité d'une jeune femme, Pentsiki Vasiliki, fille de Ioannes et Sophia.
Dans ce regard encadré de deux tresses se dresse quelque chose d'effronté qui, du haut de ses vingt-et-un an, semble faire la nique à l'année 43. Elle vivait au 11 rue Spefsipou, dans le quartier Kolonaki, au pied de la colline de Lycabette.
11 rue Spefsipou, mai 2015
Au siècle dernier, le quartier de Kolonaki, avec ses rues à forte pente et éloigné du centre ville, ne devait pas avoir l'aspect huppé qu'il a aujourd'hui. J'aime à penser que les parents de Pentsiki y tenaient un modeste atelier de couture. Que le soir venu, après le passage du dernier client, ils ressortaient quelques coupons soyeux qu'ils n'avaient pas voulu vendre parce qu'un jour prochain ils les transformeraient en robe de mariée pour leur fille. J'aime à penser que Pentsiki était bien trop vagabonde en son corps pour accepter de s'établir avec un des partis que ses parents s'obstinaient à inviter pour shabbat.
J'aime à penser que le jour où ils sont venus arrêter Pentsiki, elle s'était levée tôt le matin et avait eu le temps de natter ses cheveux. Qu'elle avait ainsi fait la nique jusqu'au dernier moment aux molosses qui aboyaient leurs ordres, au wagon à bestiaux, aux ciseaux qui avaient fait leur sale ouvrage pour faciliter celui de la tondeuse.
J'aime à penser qu'un jour un écrivain réinventera l'existence de Pentsiki Vasiliki, fille de Ioannes et Sophia, née en 1922.
14:12 Publié dans ROMAN | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : dora bruder de patrick modiano, le voyant de jérôme garcin, jacob jacob de valérie zenatti, dw. | Facebook |