dimanche, 30 avril 2023
CHUt (4)
16h
RDC, sens montée, fermeture des portes, (comment iras-tu aujourd'hui après une nuit chaotique ?), ouverture des portes, 2ème étage.
A droite deux fois, slalom entre les machines jusqu'au fond du couloir, chambre 213.
Je toque, ouvre la porte : ça a presqu'une gueule de quotidien, ta tribu est encore là et ça rigole, en chaussettes assise à même le sol ou trônant sur des chaises.
Tu es côté porte, prête à déguerpir quand on t'y autorisera.
Côté fenêtre, tu as une nouvelle coloc. Elle parle fort et en continu sans jamais écouter ni mari ni fils. Seule une chute de tension la mettra tout à l'heure en mode pause, quelques minutes.
J'aimais bien celle d'hier. Le premier jour, alors que j'arrivais, elle a lancé un "la salope" tonitruant. Elle injuriait une actrice d'une série de seconde zone à la télé, allumée en continu. L'infirmière qui n'avait pas réagi assez vite à son alarme rouge, le chauffeur de taxi qui avait un retard regrettable un jour de sortie, elle les accueillait en leur disant "panpan cucul ", geste à l'appui.
Tes poches se vident à la vitesse de 29 ml par heure, je crois : jaune fluo ultra vitaminé, blanc laiteux en guise de repas et acupan.
Ce matin, on t'a dépansée (il ne reste plus que le grand pansement), tu me montres tes agrafes. Ça avance, jour près jour, inexorablement. Si rapidement. Tu as remis tes boucles d'oreilles arbre de vie.
On regarde en partageant des écouteurs (toi l'oreille gauche, moi la droite ) le 4ème épisode de la série Dime quien soy
oui dis-le moi
20h
Pour la première fois, tu me raccompagnes jusqu'à l'ascenseur, slalom avec ta perche et tes poches dans le couloir, gauche deux fois. Je dépose un baiser sur ton bonnet orange.
2ème étage, sens descente, fermeture des portes, (estomac noué), ouverture des portes, RDC.
21:54 Publié dans CHUt | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
samedi, 29 avril 2023
CHUt (3)
ce soir-là
je laisse ma paume contre ta paume
puis rentre me coucher pour décocher les pensées sismographes
14:20 Publié dans CHUt | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
vendredi, 28 avril 2023
CHUt (2)
ce jour-là
pour penser à ta longue immobilité au bloc
je suis parcourue par la nécessité de traverser la ville
je monte au panorama
au-dessus des bruits
puis redescends en bord de Seine
en-dessous des bruits
nulle part un vrai silence
je retourne dans ta chambre
ça bippe tous les quarts d'heure
je ne sais quelle route suivre
sur ton corps devenu parchemin
tu reviens de si loin
par la fenêtre on entend
un hélicoptère
aussi entêtant qu'un marteau piqueur
et les pétales tomber
13:39 Publié dans CHUt | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
jeudi, 27 avril 2023
CHUt (1)
Ils entrent dans le paquebot urbain
pour éviter le naufrage
ou rafistoler la fissure dans la digue
c'est un concentré d'humanité à la marge de l'humanité
l'abîmée, le froissé, la boiteuse, le pansé, la muette
tremblement secret
ta tête nue sous le turban
bouleversement profond
les courbés, presque tous
il te faudra beaucoup de patience à l'écart des mouvements du monde. Un jour viendra où tu ressortiras et tu seras kintsugi.
13:01 Publié dans CHUt | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
mercredi, 26 avril 2023
Patauger ou potager
Les jours qui viennent sont gigantesques
il nous faudra convoquer
des pas immenses pour les traverser
en rester à cette évidence
et refuser de patauger dans demain
Aussi suis-je allée dans mon potager
retrouver la terre et son silence
après des jours balayés par les vents et les marées
J'y ai entrepris un boulot de titan ou de fourmi
arracher le liseron qui partout pointe
comme s’il était en terre conquise
l'extirper jusqu’à la racine
du moins m'en suis-je persuadée
Geste après geste
j’ai pensé à l’une des Danaïdes
vous choisirez celle que vous voulez :
à un remplissage de seau
s'est-elle dit
cette fois-ci l'eau ne fuira pas ?
Geste après geste
j'ai pensé à Sisysphe
vous et moi penserons au même :
à une poussée de rocher
s'est-il dit
cette fois-ci, il tiendra en équilibre tout là-haut ?
13:50 Publié dans MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
mercredi, 19 avril 2023
Biffure 156
Un tranquille, L'aître Saint Maclou, avril 2023
Intranquille
je cherche à faire la paix
avec moi-même et le fatum
pour réapprendre le soleil qui se lève
les échecs surmontés
ma main dans la tienne
Biffure de la page 173 de Soleil amer de Lilia Hassaine
14:11 Publié dans BIFFURES | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook |
mardi, 04 avril 2023
Merci pour tout, M. Pennac
M. Pennac,
Quand nous nous sommes engagées en 2023, nous savions sans en avoir encore la certitude. Nous savions que cette année allait rimer avec effroi et désarroi. Début janvier, les résultats sont tombés et c'était vertigineux. Ce n'était plus seulement pour les autres, c'était là, invisible, mais bien là. Dans des moments comme ceux-là, j'ai perdu mon humour et ai levé un poing désemparé vers l'univers : tu fiches quoi ? L'univers est resté silencieux. Bien sûr. J'ai vu celle que j'aime enchaîner les scanners, le verdict, les chimios et les cheveux qui tombent. Jour après jour, je l'ai vue avancer avec courage. C'en était impressionnant. Où trouvait-elle cette élégance ?
Jour après jour, je me suis vue devenir accompagnante. Rien ne nous prépare à le devenir. Il faut improviser avec les mots, les façonner en encouragements et affronter ses peurs. De celles qui vous attendent le soir et vous font douter de votre propre force jusqu'au lendemain.
Ces soirs-là, M. Pennac, je trouvais refuge. Refuge dans la saga Malaussène. J'ai tout relu. Du bonheur des ogres aux Fruits de la passion. C'était ma bouffée d'oxygène et mon sourire. J'ai continué avec les tomes suivants. Du Cas Malaussène au Terminus. Merci pour tout, M. Pennac, la vie foutraque, l'accumulation d'emmerdes au-delà du raisonnable et vos personnages dans des impasses sans issue mais qui s'en sortent. On ne meurt jamais pour de vrai chez vous. Bien sûr.
Vous savez, aujourd'hui, le chemin va être encore long mais le printemps est presque de retour. Il fait encore très froid la nuit mais cet après-midi, le cerisier de Montmorency a laissé sa première fleur s'ouvrir et bientôt vont apparaître les roses trémières.
Vous savez, mon amoureuse, elle a la trempe de votre Julie, elle vous épaterait.
Bien à vous, M. Pennac et à votre bande de Belleville.
P.S. : au fait, en février, quand il a fallu que je choisisse une page pour le concours de lecture à voix haute de la Grande Librairie, j'ai proposé à mes élèves l'incipit de La fée carabine. R., qui a été élu par la classe, a lu avec une tel humour la traversée reptante (vous aimez bien ce mot M. Pennac) de la plaque de verglas à forme d'Afrique qu'il a été sélectionné pour la demi-finale. Merci encore.
20:45 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : daniel pennac, cerisier | Facebook |