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dimanche, 22 mai 2016

Étonnants Voyageurs (2) : Penser l'Autre

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© Pili Vazquez

A regarder la Fondation Vuitton sous toutes ses soudures, on se laisserait presque séduire. Vaisseau marin ou spatial, tout de verre, elle ne cesse de se refléter elle-même, réécriture contemporaine du mythe de Narcisse. A l'intérieur, par un jeu de miroirs, c'est face à leur propre reflet aussi que les visiteurs se retrouvent.
Sur le site officiel, léché comme une vitrine ou réfléchissant comme un miroir aux alouettes, on s'enorgueillit du défi relevé : "D'une esquisse initiale crayonnée sur la page blanche d'un carnet, au nuage transparent posé à la lisière du Jardin d'Acclimatation dans le Bois de Boulogne, Franck Gehri a eu pour ambition de concevoir à Paris un vaisseau magnifique qui symbolise la vocation culturelle de la France. Faiseur de rêve, il a imaginé un bâtiment unique, emblématique et audacieux. Respectueux d'une histoire ancrée dans la culture française du XIXe, il ose les prouesses technologiques du XXIe, ouvrant la voie à des innovations fondatrices."
En voilà du beau discours qui à coup d'oxymore tente de blanchir une page de la mémoire collective !

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Samedi 15 mai, Étonnants Voyageurs, Auditorium, Penser l'Autre avec Pascal Blanchard et Didier Daeninckx

Pascal Blanchard et Didier Daeninckx, ces deux-là n'ont de cesse de gratter la page blanchie de la Mémoire Collective pour faire apparaître le palimpseste. (ci-dessous quelques notes prises ce matin-là)
La matinée a commencé par la projection du court-métrage Exhibitions de Rachid Bouchareb. (en descendant sur le lien précédent, vous trouverez le court-métrage dans son intégralité.)

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Du début du XIXe jusqu'à la fin des années trente, ce sont plus de huit cent millions de visiteurs occidentaux qui se rendent dans des villages itinérants, des zoos humains ou au Jardin d'Acclimatation de Paris pour découvrir près de trente mille exhibés importés des quatre coins du bout du monde : on y exhibe l'Autre, on fabrique du Sauvage sur mesure voire des Monstres. Au passage, on devient raciste en toute impunité, par un beau dimanche ensoleillé tout en pique-niquant avec les mômes. Ceux qui ont vu ces zoos humains ne voyageaient pas et pourtant ce sont ceux-là même qui ont écrit un discours sur l’Autre et fabriqué une culture bâtie sur Tarzan, Jules Verne et Tintin au Congo. Tout cela fait partie d'une vaste propagande coloniale et européenne qui permet de légitimer le rapt de terres. Depuis la nuit des temps, tous ceux qui ont eu entre leurs mains la puissance et le pouvoir ont exhibé l’Autre pour mieux le dominer.

L'histoire des colonies ne s’est pas arrêtée le jour où la dernière d'entre elles a été rendue à son indépendance. Nous sommes les héritiers de cette histoire mais nous n'en possédons pas forcément les clés de décodage. Croire que l’Histoire va passer sans que nous prenions le temps de la déconstruire est une erreur. Elle reviendra un jour à la surface. Il est nécessaire de déconstruire ces images en commun -exhibeurs et exhibés- sinon elles auront une valeur hallucinante pour un Dieudonné, pour des Djihadistes. 

Ces zoos humains ont été possibles parce que les visiteurs payaient leur billet, la Fondation Vuitton installée en toute impunité dans le jardin d'acclimatation sur un cimetière humain -des os humains, ceux de dix-huit corps d'exhibés ont été retrouvés lorsque la terre a été creusée pour les fondations et jamais il n'a été envisagé de suspendre ou déplacer le chantier- est possible parce que les visiteurs payent leur billet, ignorants souvent ce qui s'est passé là. Seule une petite pancarte posée à la demande de Blanchard et Daeninckx rappelle qu'un jour il nous faudra bien nous pencher sur cette page effacée plutôt qu'en des miroirs narcissiques ...

lundi, 16 mai 2016

Étonnants Voyageurs (1)

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De retour du Festival Étonnants Voyageurs. Je me sens fourbue comme après une longue marche. Me dépouiller de la fatigue, retrouver le silence et le vide après ces jours emplis de paroles et voir ce qu'il reste; ce quelque chose qui me permettra d'observer le Monde résolument autrement, au-delà de la fermeture des frontières et des esprits, qui fera que mon pas sur les chemins ne sera plus tout à fait le même...

dimanche, 02 juin 2013

Le monde qui vient

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Petit matin enfin printanier. Rondeurs du jour. Café pris sous le premier rayon de soleil tombé non loin du cerisier de Montmorency. Je parcours mon carnet Etonnants Voyageurs. Série de notes éparses depuis quatre ans. Cette interrogation toujours recommencée autour des pouvoirs de la littérature à dire et à changer le monde.

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Penser à dire à l'Ours que la dernière page est noircie d'une pensée d'Atiq Rahimi. "En changeant du monde nous finirons bien par changer le monde. La littérature est le pouvoir des mots contre les mots du pouvoir, aujourd’hui plus que jamais on a besoin de la littérature parce que toutes les idéologies n’ont su défendre ou changer le monde."
Lui suggérer de me préparer un nouveau carnet pour 2014...

mercredi, 29 mai 2013

Vapotage et pierre de patience ou comment conclure sur Etonnants Voyageurs

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Etonnants voyageurs, Lundi 20 mai, après-midi, cinéma Le Vauban, "Dire la guerre"
Après deux jours de festival, nous savions que si nous voulions avoir l'assurance d'assister à cette rencontre autour de Syngué Sabour en présence d'Atik Rahimi, il fallait renoncer à toute tentation de fin de matinée, entamer le pique-nique et la file d'attente dans un même élan joyeux, dès midi. Pour poursuivre la rencontre du matin "Croire en l'histoire", j'ai lu, assise à même le sol, La chambre de veille de François Hartog. Rapidement le hall d'attente s'est révélé trop étroit.
Dans la salle de cinéma, l'éclairage intimiste empêchait toute tentative de lecture. Pour veiller une deuxième heure, j'ai observé mes voisins, les qui parlent fort, les qui trouvent l'attente longue, les qui se plaignent des bourrasques de vent, les qui supportent les précédents en silence et surtout les qui mériteraient qu'on leur ponde une loi rien que pour eux: deux gougnafiers, père et fils -l'un fumeur repenti et l'autre trop jeune pour avoir besoin de se sevrer ou alors de sa tétine ou du sein maternel- ont sorti leur cigarette électronique et se sont mis à tirer là-dessus -j'ai appris ce matin que cela s'appelait "vapoter"- tout en cherchant à imprimer à leur visage la sagesse du vieux marin aguerri qui enfin s'octroie quelque indicible plaisir en fumant sa pipe. J'ai bien failli combattre les volutes au caramel ou à la fraise par quelque fleur de pays, parole de fumeuse.
Tout cela me ferait presque perdre le fil de mon billet. Syngué Sabour, donc. Le roman m'avait profondément marquée et je me méfie toujours de ces adaptations pour le grand écran: elles touchent à mon cinéma intérieur, pire encore, elles l'effacent irrémédiablement. Celle-là fera exception. Peut-être parce que, dans ce cas-là, le réalisateur est aussi l'écrivain, et qu'il avait conscience que le second devait trahir le premier pour pouvoir relever le défi. 
 

dimanche, 26 mai 2013

Etonnants Voyageurs (4)

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Etonnants voyageurs, Lundi 20 mai, salle Mauperthuis, "L'avenir du roman"

"Si tout n'est pas signe et système de signes, il y a de l'indicible. Et c'est même parce qu'il y a de l'indicible qu'il y a littérature. C'est parce qu'il y a indicible qu'il y a humanité, qu'il y a accueil de l'Autre. Si tout était dicible, transparent, échangeable, tout serait dit depuis longtemps et nous n'en ferions pas tant d'histoires. Mais justement, les histoires, nous n'arrêtons pas, en tout lieu, dans toutes les cultures, depuis le commencement des temps d'en raconter, d'en écrire avec une telle obstination qu'il faut bien supposer à cette manie quelque impérieuse nécessité. Pour approcher l'indicible, le faire affleurer, nous reconduire à son mystère, nous sommes, pour reprendre la belle expression de Nancy Huston, une espèce affabulatrice.
Ne craignons pas d'affirmer que le poème en nous, le foisonnement de nos fictions est ce qui nous reconduit à l'essentiel dans le chaos des temps présents"
C'est par ces mots que Michel Le Bris a ouvert la conférence "L'avenir du roman".  L'intégralité de la conférence est ici.


vendredi, 24 mai 2013

Etonnants Voyageurs (3)

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Etonnants voyageurs, samedi 18 mai, après-midi,"Les écrivains contre la censure"

Censure: du lat. censura, charge du censeur à Rome, puis jugement sévère.
Il y avait foule pour cette rencontre. Ce n'était pas une table ronde mais l'expérimentation d'une nouvelle disposition: seul Boualem Sansal se tenait sur l'estrade et dans le public une vingtaine d'auteurs était prête à intervenir sur le thème de la censure.
Force est d'admettre que pour les auteurs originaires d'un pays soumis à la censure, il fut simple de témoigner. Restaient les autres qui eux-aussi voulaient avoir voix au chapitre. Sorj Chalandon s'est lancé dans un développement sur l'auto-censure journalistique, ne surtout pas laisser parler ses émotions dans ses articles même lorsqu'il se trouve sur un front de guerre. Serge Bramly a vanté les bienfaits de la censure en France qui a le mérite de montrer les barrières à transgresser.
Tout cela a fini par faire réagir Atik Rahimi, sans doute sa pierre de patience avait atteint ses limites: "chez moi, tout le monde se bat pour ce qu'il ne possède pas alors qu'ici on se plaint de cette liberté..."

Le texte d'ouverture de Boualem Sansal
L'intégralité de la rencontre

mercredi, 22 mai 2013

Etonnants Voyageurs (2)

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Etonnants voyageurs, samedi 18 mai, matinée
A peine le programme des trois jours en main et déjà cette frustration toujours recommencée, année après année: impossible d'être à la fois au Palais du Grand Large et dans une des salles intra muros. Ne pas penser à tout ce qu'on ne pourra pas voir, entendre; se décider pour un lieu.

Théâtre Chateaubriand, Regards sur la guerre
Je renonce donc à ouvrir le festival avec une table ronde et littéraire et m'engouffre dans deux documentaires.
Cinq caméras brisées
s'ouvre sur cette constatation amère du palestinien Emad Burnat: son premier fils est né en 1995 avec les accords d'Oslo, son dernier fils, en 2005 dans des temps d'incertitude -indécent euphémisme. Alors il filme. Il filme son fils qui grandit, son village, Bil'in, qui rapetisse, le mur qui s'élève pour protéger la colonie juive voisine, ses oliviers qui brûlent, la révolte des uns et la vie qui se fraye malgré tout un chemin. Il filme pour transformer sa colère en quelque chose d'utile. Cinq caméras plus loin -toutes ont été brisées par des soldats israéliens- cette certitude: il filme pour guérir de ses blessures.

Irak, l'ombre de la guerre d'Anne Nivat : je retiens de ce documentaire un plan sur l'Euphrate dans la douceur poussiéreuse d'une fin de journée. Au milieu, un homme nage à contre-courant. Pour le reste -qu'est devenu l'Irak, dix-huit mois après le départ des Américains, grands importateurs de démocratie devant l'Eternel?-  l'omniprésence de la réalisatrice à l'écran et sa voix-off en continu sont autant d'ombres portées sur ceux qu'elle interroge. Une heure plus loin, cette pensée d'un Irakien: l'Inde a eu Gandhi, l'Afrique du Sud, Mandela et l'Amérique, Martin Luther King. Lui attend un Gandhi-Mandela-King pour le Proche-Orient... 

mardi, 21 mai 2013

Etonnants Voyageurs

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Quitter la Bretagne cette nuit à 3h , arriver en Normandie à 6h, se pointer au collège à 8h. Ne plus être tout à fait sûre d'avoir passé trois jours à St Malo pour le festival Etonnants Voyageurs. Profiter d'une heure de trou pour venir au moins l'écrire ici. A suivre...

jeudi, 07 juin 2012

Aujourd'hui orgueil.

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Patrick Chamoiseau, Etonnants voyageurs, 2012

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Je trouverai d'ici peu les lignes pour vous parler de cet oiseau de Cham, de son empreinte à Crusoé. Dans le blanc qui me sépare de ce désir, sa réflexion sur l'orgueil de la langue...

Qu'est-ce que l'orgueil de la langue?
C'est quand on est pris dans un lexique admis, imposé ou précieux. La langue perd son orgueil quand elle est récapitulée, c'est-à-dire quand on peut y mettre librement des termes de toute époque, de toute origine, et quand elle est habitée par d'autres langues. De ce point de vue, le choc pour moi, petit créole, est aussi venu d'écrivains comme Rabelais... ou San Antonio. Ils secouaient, inventoriaient et mettaient le français à l'oral.
Libération, 21 mars 2007

mardi, 29 mai 2012

Aujourd'hui bijou.

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Parmi tous les livres que j'ai ramenés de St Malo, s'il en est bien un qui est un petit bijou c'est L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet de Reif Larsen. L'auteur m'était inconnu jusqu'à ce wek-end et pour cause c'est son premier roman. Je l'ai écouté lors d'une table ronde où s'était instauré un dialogue avec François Place sur le thème des cartes de l'imaginaire. L'auteur de l'Atlas des géographes d'Orbae a dit l'aimantation du voyageur pour les trop pleins ou trop vides de la carte, et à l'écouter on se doute bien que les terrae incognitae ne sont pas révolues, lovées dans ces espaces oubliés de l'oeil scrutateur du satellite. Reif Larsen, lui, se réjouit que toute carte ou tout roman soit confronté à son propre échec, celui de dire le monde. On se doute bien que cette quête de la carte et du roman parfait toujours remise sur l'établi ne l'accable pas, loin  de là.
A peine la table ronde finie, je me suis empressée d'aller chercher L'extravagant voyage; de François Place, je ne peux plus rien acquérir, j'ai déjà tout.

366 réels à prise rapide, françois place, L'extravagant voyage du jeune et prodigieux T.S. Spivet, reif larsen


J'ai mis une pause dans ma folle journée de samedi -la rencontre suivante pouvait bien attendre- et suis partie m'absenter au bord du port. On sait dès la première page que ce livre est un trésor, mêlant le récit de T.S. Spivet, enfant prodige de douze ans, passionné par la cartographie, ses cartes et ses dessins. J'en ai presque oublié le festival Etonnants voyageurs.

Aujourd'hui, je vous promets que la journée fut longue, je n'aspirais qu'à deux choses: croquer mon morceau de réel à prise rapide et me replonger dans le roman.
Un bonus offert par Colo, ici.

lundi, 28 mai 2012

Aujourd'hui prise entre les deux.

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François Place, Le secret d'Orbae

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Aujourd'hui, journée dans l'entre deux. C'est la fin du festival Etonnants Voyageurs. Retour prévu à la biquetterie en fin de journée. Demain je vous raconterai des bijouxes et quelques caillouxes découverts là-bas...

dimanche, 27 mai 2012

Aujourd'hui beaucoup trop de.

366 réels à prise rapide,étonnants voyageurs,françois place,chamoiseau
François Place, le secret d'orbae

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Beaucoup trop de lieux
,
Rotonde Surcouf, Salle Maupertuis,
Ecole Nationale Supérieure Maritime,
Auditorium, Théâtre Chateaubriand,
Maison de l’Imaginaire, Escale,

Beaucoup trop de rencontres programmées,
Dans la beauté et la sauvagerie du monde
Conscience métisse, pensée nomade
Chamoiseau, une œuvre-monde
La natte des poètes
Coureurs de mondes
Bruce Chatwin : la sagesse du nomade

Et moi qui ne suis qu’une piètre voyageuse
soumise à cette obligation de n’être que dans un lieu à la fois...

 

samedi, 26 mai 2012

Aujourd'hui, une pensée sauvage.

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François Place, Le secret d'orbae

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Je suis partie dans la nuit pour St Malo. Chaque année, c’est un rituel. Le week-end de la pentecôte rime avec le festival Etonnants Voyageurs.
Le thème, cette année : images du monde qui vient. Trois jours pour interroger notre appartenance au monde, au-delà des frontières et des murs. Trois jours pour se perdre sur des terrae incognitae. Là-bas, je suivrai des sémaphores, François Place – à qui je dois le nom et la bannière de mon blog- et
Paolo Rumiz, dont la marche rythme l’écriture, à moins que ce ne soit le contraire…

 

samedi, 31 décembre 2011

TREIZE A LA DOUZAINE!

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Découpage de Maurice Pommier

Les mauvaises langues et dentiers mal embouchés combleront sans nul doute les points de suspensions par un dicton faisandé -les poules mangeront du renard, le jour où elles auront des dents- et n'attendront rien de plus des jours à venir.
Qu'à cela ne tienne, à la marge ou à la page de ces certitudes qui toujours font ronronner le monde en rond, je nous veux des rives et des dérives, des rêves et des grèves, des fleuves et des effluves, des emblèves et des emblaves, des alternatives collectives et coopératives, des qui-vive et des qui ravivent, et surtout des terres-neuves...

dimanche, 19 juin 2011

ETONNANTS VOYAGEURS (2)

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La dent enragée de ce matin m’apporte la capacité du silence. La peau aime, au-delà du nerf exacerbé, cette possibilité de se retrouver. Au bout de mes doigts vers le clavier, d’étonnants voyageurs demandent le passage, ils se disent de ceux qui dans un salon de poètes sous lambris se mettraient bien à péter. Dimanche, ils étaient au rendez-vous, salle Maupertuis, point de decorum en ce lieu-là. Il y eut la verve de Jean-Pierre Verheggen, tout nourri de sentences comme le Japonais l'est d'haïkaï. Il s'est bal(l)adé, hilare entre le subconscient et le sud qu'on sent. A tel point qu'il devient difficile de retranscrire ses propos, ça vire et ça volte-face à tout bout de chant -voilà que je m'y mets aussi! Et les mots qui rapent de Rouda, caché à l'ombre des brindilles et les rêves dans la tête d'Amkoullel l'Enfant Peul qui demain existeront ailleurs. Ce jour-là, mots et rêves se sont accordés à la guitare d'Elie Guillou "qui vaut ce qu'il veut et qui prend la place qu'il se donne."

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Ils étaient tous alignés, salle Maupertuis. Et à l'ultime extrémité de cette brochette poétique, Jean-Pierre Siméon. Son nom ne vous dit peut-être rien mais il a rendu vos printemps poétiques...

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J'ai mastiqué de toutes mes dents -alors je le pouvais encore!-, avec délectation sa "parole debout", dissonnante au milieu du grand bavardage universel, sa volonté d'affranchir la langue en un bras d'honneur à tous les asservissements...




mardi, 14 juin 2011

ETONNANTS VOYAGEURS (1)

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Blottie dans l'entre-deux d'un retour du festival Etonnants Voyageurs à St Malo et de la reprise des cours, je cherche à m'assurer que tout le vu, l'entendu, l'écouté, le tressailli, le tremblé, l'effleuré, l'indicible, l'impensable pendant ces trois jours ne s'est pas dispersé sur le chemin du retour. Déjà ma peau laisse filer de ses sillons les traces des trois tampons EV, reçus chaque matin à l'entrée du Grand Large. La douche de tout à l'heure finira l'ouvrage des embruns d'hier.
Ce matin,  mes plis et mes replis sont emplis de fragments comme autant de forces de tremblement.  Un capitaine, sur le fleuve Congo, qui attend que le moteur de son rafiot, surchargé d'hommes en partance, obtempère. Les murs d'Ernest Pignon-Ernest. Une montée vers la montagne Kaïlash en un chemin où la semelle salue la pierre. Des nuages apportant la nuit. Le bras d'honneur des poètes à l'aspiration au Même, à la rapine de la terre et au Tout unitaire et les cris de c'est assez de Jean-Pierre Verheggen...

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Rouda et Amkoullel l'enfant peul


jeudi, 04 juin 2009

BENOTRUS (2)

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Michel Onfray, Etonnants voyageurs 2009

Dans le ventre* du philosophe

Cet homme-là est entré dans le festival Étonnants Voyageurs par la cuisine. Invité par Ollivier Roellinger, il est venu parler de L'université populaire du goût, Celui-là cultive son jardin non pas en Candide effrayé par le monde -pauvre Candide, où aurait-il trouvé refuge aujourd'hui?- mais en démosophe  -le néologisme s'impose à nouveau puisque la langue française ne connait que démagogue. Il réfléchit encore et encore le lien social, sans jamais oublier qu'agriculture et culture ont la même racine dans la même terre.
Simplement délicieux d'écouter cet homme-là, assise au milieu de tant d'autres...
Lorsque la rencontre a pris fin**, je suis sortie du chapiteau, estomaquée. Mais déjà, l'espace qui me séparait du lendemain matin s'annonçait inconfortable. Il me faudrait aller à 9h à l'hôtel Chateaubriand: en compagnie de sept autres inconnus , petit déjeuner avec Michel Onfray, ainsi en avaient décidé mes amis... Il faut dire que depuis ce fameux été où France Culture a commencé à retransmettre ses cours sur la contre-histoire de la philosophie, je ne cesse de leur en parler.
Que trouverais-je à dire, à lui demander? La tasse de café serait tremblotante, c'est sûr et la tartine aurait du mal à passer. Même Ollivier Rollinger s'était posé cette question. Il s'en était bien sorti en l'interrogeant sur ce qu'il pouvait bien y avoir dans l'assiette de Nietzsche. La question semblait anodine, la réponse fit rire mais il a aussi ajouté que
le philosophe est tout entier dans ce qu'il mange.
Le moment venu, les uns ont commandé un café, d'autres un thé. Mais ce matin-là, le ventre du philosophe a donné l'hospitalité à un chocolat chaud, "comme un moment de régression" dixit homo.

*:lu dans Le magnétisme des solstices, ce soir, que Michel Onfray avait une sainte -décidemment j'accumule les mots qui fâchent- horreur de ce terme.
**l'intégralité de ce qui a été dit ce jour-là est à la portée de vos oreilles par .


mardi, 02 juin 2009

BENOTRUS (1)

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Photo de Moucheron

J'ai voulu tout d'abord appeler ce billet MALOTRUS, parce que, revenant du festival Étonnants Voyageurs à St Malo, pour le plaisir du rapprochement incongru de deux mots, pour vous parler de ces auteurs rencontrés là-bas, de ces empêcheurs de tourner en rond. Je me suis alors penchée sur l'étymologie du dit mot. Malotru vient de male astrum, qui est sous l'influence d'un mauvais astre. Or mes malotrus à moi  -Chamoiseau, Glissant, Mabanckou, Onfray par ordre alphabétique d'apparition- ont ceci en commun qu'ils sont tous nés sous une bonne étoile: créateurs de nouvelles terrae incognitae, ils combattent les systèmes de penser et les pensées de systèmes, ils éveillent en nous une capacité d'indignation. Aussi, je n'ai su résister au plaisir du néologisme BENOTRUS.
La semaine dernière, mes élèves réfléchissaient sur les grandes découvertes qui siècle après siècle ont repoussé toujours plus loin les frontières des terrae incognitae. Les satellites ont pris le relais des caravelles de Cristobal Colomb et de l'astrolabe de Magellan, repoussant l'invisible de ce monde dans les profondeurs des fonds marins -allez donc retrouver avant trente jours une boîte noire en ces lieux-là...
De retour de St Malo, j'ai parcouru ma journée en me rappelant ces mots de Chamoiseau: le lieu ce n'est pas la nation, la terre natale, le lieu c'est ce qu'on recueille de notre fréquentation du monde en l'élaboration d'une géographie intime...

lundi, 11 mai 2009

DÉCADE (2)

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Photo de Moucheron

Ce matin, la Biquetterie s'est vidée. La seule à venir s'inscrire dans ce silence est l'hirondelle qui, après deux jours d'absence, a repris ses voyages dans l'entrée de la dépendance. Dans le jardin, des vêtements herbent depuis samedi. L'humidité de la rando en canoé a séché, remplacée par celle des ondées et des rosées de deux nuits. Tout à l'heure, je  mettrai une machine à laver en route.
Près du muret, oubliés ou laissés là comme ultimes traces de la fête, un pot de plastique noir cisaillé, une bêche, des algues séchées: à la place des deux plants d'arbres à papillons qui mettaient gravement en péril l'écosystème de mon biotope -dixerunt Christine, une amie cent pour cent bio et Christophe, un botaniste averti- plastronne désormais une spirée. Tout à l'heure, je songerai à choisir un emplacement pour la wistaria sinensis et le virbunum.
Pour l'instant, le couvercle du ciel bas et lourd me garde un peu coupée de ce début de semaine. Lorsque le soleil percera, des fragments d'images s'échapperont sans doute par la brèche. Il me faut tenter de les fixer avant.
Samedi soir, ils étaient presque tous là, famille et amis, de ceux qui me connaissent depuis quatre décades jusqu'à ceux qui m'ont aidée à fermer la trentaine avec sérénité. Et avec eux, la génération suivante qui a valsé autour de la table de ping-pong jusque tard dans la nuit sous l'oeil impassible du fidèle réverbère, tiré un feu d'artifice lorsque l'éclairage public  a laissé place à l'obscurité et entonné un "joyeux anniversaire" à la guitare, au trombonne à coulisse et à la flûte traversière à plus d'heure.
Ils avaient pensé à la tarte au citron, au Bonnezeaux et à la Kriek à la cerise comme son nom l'indique. Sous le papier crépon du premier cadeau sont même apparus deux tablettes de Galak et trois carambars au carambar, les vrais quoi. Je ne passerai pas sous silence le regard ahuri de Christine. Eh oui, cela fait partie de mon pourcentage non-bio auquel se rajoute la clope roulée à la fleur de pays.
Aujourd'hui, j'ai une certitude: à l'impossible je continuerai de les tenir tous. J'en rêvais, ils l'ont fait. J'en suis encore toute estopatée, époustourdie, émerluée.

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Dessins d'ours gris

Il est un lieu où souvent mes roues de vélo me transbahutent. A Poses, au brouhaha du barrage succède le monde ralenti de l'écluse. Le pont vibre au passage des péniches et des pousseurs. Combien de fois me suis-je dit qu'un jour j'aurai l'audace de sauter sur l'une d'entre elles, chargée de sable pour rejoindre la capitale? Plus besoin de m'inscrire à un stage pour le saut de l'ange et un grand merci à môôssieur Erik, batelier sur la Seine qui, un jour prochain, me prendra à son bord.
Le ferai-je avant ou après l'autre truc impossible qu'ils ont mis en place? Que vaut-il mieux? De la volupté avant et de l'hédonisme après ou le contraire? A Saint-Malo, pour le festival Etonnants Voyageurs ils m'ont conviée et à un petit déjeuner avec Michel Onfray, ils m'ont inscrite!

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Autant d'occasions de mettre un peu plus de centimètres carrés du monde sous mes semelles...