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mardi, 29 août 2017

La Toulousaine de Cirque et de Rue

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© Pili Vazquez
Aurillac, août 2017

Avant-veille du lancement du Festival des Arts de la Rue à Aurillac. Nous montons à l'espace Peyrolles. Le collectif La Toulousaine de Cirque est en train d'investir le lieu.  Ça s'agite calmement aux quatre coins, ça encolle des affiches, ça métamorphose des sacs poubelles rose en fleurs. Des palettes et des cagettes sortent d'un camion et s'amoncellent un peu plus loin. Le chapiteau, en cours de montage, impose ses rondeurs et ses diagonales à un mur à l'esprit rectangulaire. Tu le vois et ton œil pétille aussitôt derrière  l'objectif. Ça palabre, ça s'affaire en attendant la suite.
La suite, nous ne la connaissons pas encore. Nous ne savons pas qu'à La Toulousaine, on peut déranger un bout de pelouse - le faire sortir du rang -  pour l'ouvrir à un espace circassien pensé et dépensé dans les moindres recoins. Nous ne savons pas que ce qui nous attend trois jours plus tard sera si singulier, nous filera tellement le sourire qu'on repassera l'arche d'entrée en cagettes, le soir venu, en mode happyface.
Pour l'heure, ce qui nous attend est encore tout en vrac dans un caddie : SoliloqueS, Encore plus, Passe par la fenêtre et cours...

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dimanche, 13 novembre 2016

Une chambre en Inde

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Il est des semaines où je mettrais bien le monde en liste d'attente, je lui passerais en continu quelques notes de musique, de celles qu'on trouve invariablement sur les répondeurs des dentistes. Il est des semaines où se mettre heureuse et rire n'est plus aussi simple qu'enfiler un bon pull pour faire face aux jours de froidure. Ces semaines où le monde ne se pointe plus qu'avec sa gueule de chaos, mal peignée, mal grimée, mal au dedans, mal au dehors : un an depuis le Bataclan - comment avons-nous habité ces 365 jours? - quatre jours depuis Trump - qu'avons-nous fait de ces 96 heures ? -  et une petite moitié d'année avant les élections chez nous - qu'inventerons-nous durant ces 6 mois pour que ne pas ?
Alors, oui, mettre le monde en liste d'attente quelques heures et trouver un espace où se revigorer pour le penser autrement et s'emparer à nouveau du désir d'y retourner, résolument debout.

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Vendredi, nous avons pris Une chambre en Inde au Théâtre du Soleil. Tu n'y es jamais allée. Trente ans que j'y retourne pour m'y blottir comme en une matrice. J'ai la certitude de retrouver là la force originelle du théâtre : un espace poétique et politique, un espace où circonscrire la démesure du monde - les Grecs la nommaient l'hybris - un espace où se réfugier pour penser notre place dans la cité et dans l'Histoire, les jours où nous nous sentons les naufragés d'un fol espoir.

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C'est une chambre en Inde et par les fenêtres ce sont bien les bruits de l'Inde qui nous parviennent mais c'est surtout une chambre où déferlent l'Orient et l'Occident avec son cortège de terreurs et de chaos. Une chambre où s'invitent aussi Shakespeare, le Theru Koothu, Gandhi, Brecht et Chaplin. Un condensé d'humanité dans ce qu'elle a de plus terrible, de plus bouleversant. Et pour l'accueillir, coincée dans cette chambre, une troupe de théâtre  - son directeur Lear, désemparé par les attentats, s'est volatilisé - en quête de spectacle et le rire malgré tout, comme dernier rempart.

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© Pili Vazquez


"Il faut savoir être heureux si possible ! Le monde actuel n’a que faire de nos plaintes, de nos désenchantements, la nostalgie ne sert à rien et nous affaiblit. Nous avons voulu surmonter nos angoisses par le rire ! Pour parler de la peur que ce monde engendre, nous avons choisi le comique comme une sorte d’antibiotique. Nous voulons rire de nous-mêmes, rire de nos échecs et rire de nos peurs, ce qui ne veut pas dire en nier la légitimité. "
Ariane Mnouchkine, 30 août 2016

 

samedi, 20 août 2016

La città ideale

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Volterra, août 2016

La première chose que nous cherchons en arrivant à Volterra est le théâtre antique. Indiqué dès le parking, nous le trouvons sans peine. Au premier regard, il est évident que ce n'est pas un simple lieu archéologique. Quelque chose s'est passé là, la veille ou l'avant-veille. L'orchestra est remplie de chaises bleues et des tissus claquent au vent. L'air bruisse encore des applaudissements.
Ce n'est qu'arrivées sur la place principale que nous comprenons ce que nous avons manqué. Chaque année, se tient à Volterra, pendant une semaine, un festival de théâtre, le I teatri dell'impossibile. Il vient de s'achever la veille. Il ne nous reste plus pour nous consoler qu'à parcourir une exposition des affiches du festival depuis sa création. En remontant année après année, il est évident que ce n'est pas un simple festival de théâtre. Quelque chose se passe là qui rend au théâtre sa fonction antique : un lieu politique où interroger notre monde et notre manière d'appartenir au monde.
Je suis allée chercher sur la toile quelque site officiel et ai trouvé sur la page d'accueil ce texte :

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Volterra, août 2016

" Nous sommes figés et nous avons la sensation physique de tomber à la renverse. Nous ne croyons plus pouvoir faire quelque chose, nous ne croyons plus qu'il puisse y avoir une solution. (…) Avec le recul de quelques siècles, ce qui un temps était hérésie, est aujourd'hui devenu une évidence à nos yeux. Je sais que je suis un hérétique aux yeux de nombreuses personnes, mon hérésie est de croire aux potentialités transformatrices de l'homme, même à celles des hommes perdus. Un jour, même très loin, l'homme se libèrera des peurs et des liens qui le lient, qui l'emprisonnent. Je travaille en alimentant cette idée qui vient de si loin et va au delà de notre actuelle existence.
Armando Punzo
(...)

Sur nos scènes s'agitent beaucoup de nostalgie, de bonheur et de futur, mais ce dernier reste souvent piégé dans la langue du scepticisme. Le festival de cette année veut donc être, encore une fois, une œuvre dans son ensemble, au travers d'une symphonie de spectateurs, scènes, atmosphère, rencontres qui libèrent le sens de la possibilité de l'impossible, qui expérimentent une langue au travers de laquelle nous pouvons penser l'impensable. Mais comme l'Utopie est une notion dangereuse, parce que nous sommes victimes d’une déformation propre au XXème siècle, elle nous fait penser à ce qui ne pourra jamais exister, et non pas à ce qui existe encore, nous parlerons alors de Cité Idéale. Une figure lumineuse, une invitation à l'idéalisation, à concevoir des rêves plus ambitieux, des idées pour un modèle de civilisation qui vont au delà du temps et de l'espace.

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Volterra, août 2016

(…)
J'aimerais continuer le discours commencé avec Mercuzio non vuole morire et commencer ici, à Volterra, cette action déterminante. Avec la complicité de nombreux citoyens de tous âges concernés personnellement par ce chantier créatif, nous voulons nous demander pour quelle ville, quel homme, quel désir et quelle histoire il vaudrait la peine de se battre avec nous-mêmes et sur les scènes. Le cœur palpitant de la Cité Idéale est le théâtre, entendu comme lieu idéal de toute ville et de tous temps, le lieu de l'âme dans sa configuration concrète et visible; comme le dit Armando Punzo "le théâtre comme architecture concrète d'un espace impalpable, espace dans l'homme qui va contre toute logique du quotidien et qu’il faut cultiver et faire évoluer."*

Comment en le lisant, ne pas penser aux mois qui viennent et qui seront sous la bannière de promesses électorales?  Réussirons-nous à nous battre avec nous-mêmes pour inventer une nouvelle manière d'habiter le monde et transformer nos cités suspendues comme une épée de Damoclès en cités idéales où naîtront des idéaux et des rêves ambitieux?

* La pauvreté de mon italien ne m'aurait jamais permis de traduire ce texte. Merci à S. pour la diligence avec laquelle elle s'est attelée à la tâche et à P. pour sa relecture attentive.

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Volterra, août 2016

vendredi, 19 août 2016

La città del teatro

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Volterra, août 2016

Selon S., un voyage en Toscane doit passer par la case Volterra pour deux raisons. C'est une cité médiévale nettement plus belle que San Gimignano et y a été tourné un épisode de Twilight !
Volterra est certes une belle cité médiévale mais de là à détrôner San Gimignano dans mon coeur... Néanmoins, il faut passer à Volterra ne serait-ce que pour son théâtre antique qui accroche les rayons en fin de journée. Le théâtre est tellement présent dans cette cité - j'y reviendrai dans mon prochain billet - que lorsque l'on voit des vêtements de bure sécher aux fenêtres, on se demande si ce sont les dessous d'un ecclésiastique du coin ou le costume d'un acteur.

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© Pili Vazquez
Volterra, août 2016

Bonus tout spécialement pour S.
Ci-dessous la seule trace de Twilight à Volterra!

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© Pili Vazquez
Volterra, août 2016

lundi, 02 mai 2016

Terres de paroles 2016

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Terres de Paroles 2016, c'est fini pour cette année. J'aurais aimé avoir le temps d'écrire après chaque spectacle mais les journées ont été si pleines et les nuits si courtes que je n'ai pas réussi. Seuls Invisible sous la lumière et Juste avant que tu ouvres les yeux ont eu droit à leur billet. Il me reste la possibilité d'un inventaire pour tenter de rattraper tout le reste. Intitulons-le Souvenirs indélébiles et plaçons-y des fragments selon une chronologie approximative.

Souvenirs indélébiles

Eu, à la frontière de la Normandie
Entre les lignes de Tiago Rodrigues : un prisonnier du centre pénitencier de Lisbonne écrit à sa mère entre les vers de L'Oedipe Roi de Sophocle. Et ce retournement : ne plus dire "que peuvent encore apporter les tragédies grecques à notre monde" mais "notre monde est-il encore digne des tragédies grecques ?". 
Rouen,
Prix Terres de Paroles : Une forêt d'arbres creux d'Antoine Choplin et Jecroisenunseuldieu de Stephano Massimi
Le son du cor, les sons des corps sur scène, Au temps où les Arabes dansaient, des gens heureux et la roue qui tourne
Lecture à voix haute d'Antigone à Kandahar de Joydeep Roy-Bhattacharya. Deux lecteurs sur scène, un homme et une femme en jupe courte qui donne chair à cette jeune femme en burqa, venue chercher son frère tué dans une offensive lancée par les Américains.
Les tragédies grecques, encore une fois, les dieux de l'Olympe réduit à un seul dieu et les hommes qui se tuent au nom d'un hybris qui n'a pas changé depuis l'antiquité
Lillebonne, au coeur du théâtre Gallo-Romain
Pique-nique littéraire : on s'assied dans l'orchestra, sur des nappes, entre les lignes de Sur la lecture de Proust. Et on passe commande.

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© Pili Vazquez

Au menu, deux mises en voix et un plat de paroles. Je concède à ma nappée un texte local, Retour à Yvetot d'Annie Ernaux contre un plus lointain La route de Los Angeles de John Fante. Quant au texte de Lydie Salvayre, Quelques conseils utiles aux élèves huissiers, il fait l'unanimité.

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© Pili Vazquez

Après le repas, sieste littéraire. De transat à transat, Annie me lit Mémé de Philippe Torreton. A quand remonte la dernière fois où on m'a offert une aussi longue lecture ? Je me love dans ce moment comme on redescend en enfance.

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© Pili Vazquez

La journée et le festival prennent fin avec une dernière lecture à haute voix, Palmyre de Paul Veyne. Palmyre, la détruite, l'effacée, Palmyre qui était pourtant classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité, Palmyre renaît le temps de quelques pages dans les ruines du théâtre gallo-romain.

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samedi, 23 avril 2016

Juste avant que tu ouvres les yeux, Cie Ktha

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Après Eu et Louviers, direction Duclair pour le Festival Terres de Paroles. On y arrive avec le bac. L'agitation du quotidien est restée sur l'autre rive.
La soirée s'ouvre avec Juste avant que tu ouvres les yeux de la compagnie Ktha. A Louviers, je suis déjà montée dans le camion gradin et je n'ai pas résisté au désir de récidiver.

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Juste avant que tu ouvres les yeux, c'est un long travelling-arrière dans les rues à 3,5 km/h. Ce sont trois acteurs qui nous suivent, les yeux dans les yeux, avec une étonnante interrogation : "qu'est-ce qu'il se passe dans ma tête pendant les neuf minutes qui séparent la première et la seconde sonnerie du réveil ?"
C'est étonnant d'avoir vécu autant d'années sans jamais m'être posé cette question, sans jamais m'être arrêtée sur ce moment particulier où, alors que je suis tirée du sommeil malgré moi, les premières pensées affluent.
Juste avant que tu ouvres les yeux, c'est une invitation à ne pas commencer la journée comme la précédente et comme la suivante, c'est une invitation à ne pas s'asseoir toujours au même endroit dans sa baignoire, à ne pas se savonner en commençant inévitablement par la même partie du corps.
Juste avant que tu ouvres les yeux, c'est une invitation à être debout, nuit et jour.
(En italique, quelques phrases notées au fil de la déambulation dans un carnet...)

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Alarme, peut-être qu'il n'y a aucun lien avec pleurer
Tu as peur de la pression qui monte sans jamais sortir
Prends dans les neuf minutes le courage de faire, pas seulement de dire, de faire
Se souvenir que tu as le choix
pas la douleur dans la poitrine qui te dit quoi faire

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Tu prends le temps de sentir la douceur, juste d'être
Tu te dresses avec le sourire qui reste
Quand tu ouvres les yeux, tu as le ciel au-dessus de toi, en vrai

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Sur la route du retour, je me suis arrêtée longuement pour regarder la lune au-dessus des arbres en fleurs. Silence et incroyable douceur dans l'air.
Juste avant que je ne ferme les yeux, j'ai pensé au lendemain, à cet entre deux alarmes. Prendre le temps de sentir la douceur. Prendre juste le temps d'être.

dimanche, 20 mars 2016

L'évidence

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Suspension, Athènes 2015

L'évidence
sur mon vélo
au si petit matin
quand le soleil lâche l'horizon
comme une lune rousse
l'évidence
alors que la canopée
quadrille encore le ciel

fait la fière
fait la morte
mais déjà
le tremblement intérieur
l'évidence
les premières fleurs
qui se demandent si
leur impatience
n'est pas trop visible

les vies dansent
entre précipice
et lame de fond
les vies dansent
s'embrassent
jusqu'à l'improbable
les vies dansent
sur un pixel démultiplié
en averses de pétales
en éclosions de gouttes

Vu hier soir à l'Arsenal, Pixel de la Compagnie Käfig. Envie de danser jusqu'au bout de la nuit pour que ne cesse pas l'enchantement.


samedi, 04 octobre 2014

Le 6ème jour

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Le 6ème jour, Compagnie L'Entreprise

Ce matin, je me suis levée en même temps que le lustre du jour. C'est le 6ème jour de la semaine, rien ne presse. Assise dehors, dos au mur, j'écoute cet instant d'automne qui porte en lui un curieux printemps. Mes pensées se faufilent vers le spectacle d'hier, le premier de la saison au Cirque Théâtre d'Elbeuf.
Décider d'en laisser une trace ici et avoir peur de tirer un faux fil. Bannir les adjectifs "superbe, magnifique, grandiose, émouvant" et douter de pouvoir trouver le mot juste pour autant.

Sur scène, une table massive aux pieds démesurés. Un clown-ange, ni homme ni femme, mais à coup sûr poème, y déballe sa sacoche: des pochettes et des pochettes pleines d'une conférence à venir. Mais au commencement, la parole n'est pas. Seul est le geste. Malhabile et maniaque tout à la fois. Aussitôt, des flots de rires surgissent que plus rien ne peut endiguer, si ce n'est la nécessité de reprendre son souffle.
Puis la voix du clown-ange s'élève, venue de loin, rauque et étonnée. Elle s'élance dans une lecture hésitante et jubilatoire du premier chapitre de la Genèse, jour après jour. Toute surprise de l'audace du gars -comprenez l'Eternel- qui s'est lancé dans une entreprise si démesurée. Jusqu'au 5ème jour, la voix achoppe inévitablement sur le verbe "constater". C'est donc en d'irrésistibles bégaiements et éructations que Dieu "constate" l'état d'avancement de sa création. Et on se dit que cela était bon.
Quand vient enfin le tour du 6ème jour, on sent bien que la machine pourrait s'emballer. Or ce n'est pas à un emballement qu'on assiste mais bien plus à un retour au tohu-bohu originel. Les papiers de la conférence prennent le feu et l'eau. L'homme ne sera jamais constaté...
Dans le public, le rire a cédé la place à l'émotion. Les uns et les autres, renvoyé à notre propre aventure humaine. Au moment de franchir le seuil de la salle, je me suis dit que c'était sans doute là que tout se jouait: avoir l'audace de "constater" jour après jour sa propre vie.

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samedi, 28 juin 2014

Nous ne sommes pas des marionnettes

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Hier soir, coup d'envoi de la 25ème édition du festival des arts dans la rue, Vivacité. Au-dessus de nos têtes, la menace d'un ciel orageux. Au sol, les grondements des intermittents du spectacle. Dans l'entre-deux, Les Grandes Personnes de Boromo. J'aurais voulu un tremplin pour me jucher sur leurs épaules et m'enivrer à pleins poumons du rythme des balafons et djembés. De là-haut, cela doit frapper comme une évidence: nous ne sommes pas des marionnettes!

 

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samedi, 21 juin 2014

Que vive l'intermittence pour que vive la culture!

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La semaine dernière, c'était le retour d'un des rituels de fin d'année: assister à la présentation des saisons 2014-2015, celle de la Scène Nationale de Louviers, celle du Cirque Théâtre d'Elbeuf.
Scène Nationale de Louviers: tout y semblait normal. Longue litanie des spectacles à venir, sans même un mot pour l'onde de mécontentement des intermittents qui dehors s'élevait en continu. Déconcertant. La soirée devait s'achever autour d'une représentation d'H6M2, la version d'Henry VI de Shakespeare  par la Piccolia Familia condensée sur 6m2. La troupe réduite à quatre acteurs nous a laissés prendre place sur les bancs disposés dans le parc. L'expression de leur visage détonnait avec la bouffonnerie qu'ils s'apprêtaient à jouer. Quand le silence dans les rangs s'est fait, une voix s'est élevée, celle de Jeanne d'Arc, pour annoncer qu'ils étaient en grève. Grève des intermittents du spectacle. L'enjeu est d'autant plus grand qu'ils sont attendus au 68ème festival d'Avignon pour jouer l'intégralité de la pièce, soit dix-huit heures de spectacle. Si ce festival a bien lieu, plus que jamais politique et poétique se rencontreront sur scène.

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Cirque Théâtre d'Elbeuf: avant même de présenter la nouvelle saison, le Directeur dit son soutien au mouvement des intermittents en ces temps où la culture est mise à mal. Plusieurs fois dans la journée, il donne la parole à son armée de l'ombre, ses techniciens-intermittents du spectacle. Ils ne veulent pas prendre en otage la troupe de la Tohu, venue de Montréal, mais sont solidaires du mouvement de grève.
Sur l'affiche de la saison 2014-2015, un homme court dans les airs, prenant son élan de livre en livre. Le chemin est instable et fragile.
La journée s'est achevée avec Attrape-moi de la Flip FabriQue. Sur le mur de fond de scène, la troupe avait tracé à la craie: de quoi sont faits les liens qui lient les gens entre eux? En ces temps d'incertitude, de crise, d'individualisme, nous pourrions tous nous soumettre à cette question: de quoi sont faits les liens qui me lient aux autres?

samedi, 03 mai 2014

Macbeth au Théâtre du Soleil

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Le Théâtre du Soleil: depuis presque trente ans, je vais y réchauffer mon imaginaire et mon appartenance au monde. De L'indiade ou l'Inde de leurs rêves aux Naufragés du fol espoir, en passant par les Atrides, Le Tartuffe, Tambour sur la digue, Le dernier caravansérail et Les Ephémères, ce sont autant d'éblouissements, de fils d'Ariane dans le dédale de ma mémoire. C'est là que j'ai grandi, contre vents et marécages.
Aller au théâtre du soleil, c'est à chaque fois une aventure recommencée. Hier, donc, nous avons quitté tôt la Normandie après avoir attrapé D. pour qui c'est la 1ère fois. Nous avons filé sur Paris sans encombre, remonté laborieusement le périphérique sud jusqu'à la porte de Vincennes, gagné le bois du même nom, hésité quelques secondes à un carrefour pour finalement retrouver nos traces laissées quatre ans auparavant.
Devant le théâtre, les marronniers sont en fleurs, au-dessus de la porte, trois mots qui ici sonnent vrais, "liberté, égalité, fraternité" et le banc de pierre qui continue de se réchauffer au soleil. Nous y avons attendu l'étape suivante: l'arrivée du tableau arborant  le plan de la salle et autocollants correspondant à chaque place. Je ne me souviens plus comment cela a été possible mais je me suis retrouvée la 1ère à choisir. Sans hésitation aucune, j'ai opté pour H14, H15 et H16, juste au-dessus de la rampe d'accès des acteurs. D., amusée, m'a fait remarquer que je ne pourrais pas dire que je n'avais pas l'embarras du choix...

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A 18h30, Ariane Mnouchkine a ouvert les portes du théâtre. Cette heure qui précède la représentation est à chaque fois comme un prologue à la pièce.

 

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Découvrir le hall -pronaos conviendrait mieux- et ses nouvelles peintures murales -des affiches polyglottes de représentations de Macbeth et un immense portrait de Shakespeare-, y boire un verre de vin, s'approcher de la troupe qui sous les gradins finit de se préparer.

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Derrière le voile, l'odeur qui flotte dans l'air est inchangée: effluves de poudre de riz et flagrances d'étoffes épicées.

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Puis le moment est venu de nous asseoir à nos places de choix, au-dessus de la rampe d'accès des acteurs. H14, H15, H16. La première existait bien, les deux autres avaient été transformées en un espace de travail. Ariane Mnouchkine , un bloc note et un antique téléphone devant elle, s'apprêtait à vivre cette 3ème représentation de Macbeth comme un nouveau filage. Elle nous a proposé de nous laisser de la place sur sa banquette en nous précisant que ce n'était pas le meilleur endroit. Elle allait faire du bruit. D. était hilare. Effectivement, c'était des places de choix!
(...)
Tard dans la nuit, c'était presque ce matin, nous avons regagné la Normandie. Encore toutes éblouies par un Macbeth à la fois contemporain et atemporel. Nous demandant déjà quand nous allions y retourner.
Cet après-midi, immobile dans cet entre-deux, encore dans hier et pas tout à fait dans aujourd'hui, je suis allée sur le site du théâtre du soleil, pour vous ramener les mots d'Ariane Mnouchkine.
"En montant Macbeth, il ne s’agit pas de faire un constat apocalyptique passif. Le dévoilement est déjà un combat, il nous faudra la patience, la force, l’humilité, le courage de chercher, de comprendre, de mettre le mal sur le théâtre, en musique, en rythme, en spectacle. Il faudra ouvrir le personnage aux spectateurs comme on dissèque un poisson pourri... Comme quand Molière monte Tartuffe, il écrit Tartuffe pour que cela ne soit plus, et c’est effectivement, je crois, dans cette pièce qu’il va le plus loin dans sa réflexion sur le mal. Montrer les choses, c’est déjà les changer. Les cacher, c’est refuser de les voir changer."

Revue de presse
Une journée au soleil avec Ariane Mnouchkine
De levers de soleil en levers de rideau, cinquante ans d'Ariane

 

jeudi, 03 avril 2014

HEROS

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Mercredi 2 avril

Hier, il y eut le passage d'un portefeuille de Vincent Peillon à Benoît Hamon. On verra bien quels seront l'audace et le courage de ce nouveau ministre...

Hier, il y eut surtout le passage d'Oedipe Roi de Sophocle à Wadji Mouawad.

Avant tout, je dois avouer ici que je suis une spectatrice de tragédies grecques intolérante.  Je suis prête à aboyer à la plus petite apparition de médiocrité sur scène. Je ne pardonne rien et n'attends que l'excellence et le brio. On ne touche pas impunément à des textes d'une telle grandeur pour se contenter d'une pâle copie de ce qui devait se faire à Athènes, il y a vingt-six siècles.
Ainsi, il y a plus de vingt ans j'ai quitté au bout d'un quart d'heure un Oedipe Roi grotesque et insipide joué à la Comédie Française -que j'ai regretté de ne pas savoir siffler, le pouce et l'index outrés, posés sur les lèvres!- et suis retournée soir après soir, puis des samedis entiers voir Les Atrides de Mnouchkine à la Cartoucherie.
Hier, dès les premières minutes, j'ai eu cette certitude que Sophocle aurait applaudi devant une telle réappropriation de la violence et de la beauté de son texte.
« Sophocle, c'est un vertige. Un souffle puissant. Une matrice de la littérature occidentale. Je souhaitais le monter dans son entièreté, car j'aime les aventures fleuves qui charrient avec elles marécages et beauté, paysages, eaux pures et eaux sales, férocité, émotions et catharsis. »
Et la fulgurance de la mise en scène: Oedipe qui nous regarde de bout en bout sans jamais s'abaisser, dans sa démesure, à un face à face avec les autres personnages, Jocaste promise à un suicide certain qui entre en scène la corde au cou, le choeur antique réduit à deux chanteurs et cet immense panneau noir en fond de scène qui peu à peu descend puis se décompose au fur et à mesure que la vérité éclate.

Ce billet semble fait de bric et de broc et le mot passage aurait presque l'air d'un lien surfait. Une deuxième citation de Wadji Mouawad réussira-t-elle à lier le tout?

"Tous les héros ne cessent de claironner leur vertu et sont pourtant rattrapés, à la fin (...) Le héros tragique agit avec démesure en pensant qu'il est un dieu.
Il s'agit de “connaître” sa mesure : si tu penses que tu es un dieu, c'est démesuré. Si tu crois que tu n'es rien, c'est sous-évalué. Entre le rien et le dieu, où es-tu, toi ?"

samedi, 23 novembre 2013

Que reste-t-il d'un spectacle...

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Samedi 16 novembre, Cirque Théâtre d'Elbeuf: Opus, Compagnie Circa et Quatuor Debussy

 

 

Article-denis-lavant.jpgMardi 19 novembre, Théâtre les Chalands: Faire danser les alligators sur la flûte de pan, Denis Lavant

 

 

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Jeudi 21 novembre, le Moulin: Enzo Enzo chante Marie Nimier

Semaine spectaculaire de soir en soir et cette interrogation inévitable: que reste-t-il d'un spectacle après qu'on l'a vu? Des images fugitives, des tremblements intérieurs, des émerveillements bouche bée et soi devant la scène à nouveau vide, soi peut-être transformé, un je-ne-sais-quoi d'imperceptible. On en parle avec ceux qui étaient dans la salle. L'indigence des mots mais l'étincelle nouvelle allumée dans le regard.
On aimerait trouver des verbes si puissants qu'ils se feraient chair pour une fois. On les placerait ici et apparaîtraient alors quatorze corps désarticulés jusqu'à l'invraisemblable et un quatuor, Louis-Ferdinand Céline, celui de Voyage au bout de la nuit et celui de Rigodon, et une femme pétillante qui laisse sa voix glisser sur les mots d'une autre femme...

mercredi, 13 novembre 2013

Henry VI, François et les autres

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« C’est un apaisement d’avoir dans nos cités ces espaces noirs vides et silencieux d’où la création peut jaillir. C’est un espoir d’y voir se rassembler le public, tous les publics qui constituent le temps d’une représentation une communauté éphémère. Le théâtre rassemble parce que la culture est un bien commun. En ces temps douteux de division, le théâtre devient un endroit de résistance et une preuve rassurante de l’intelligence et de discernement citoyen. »

ou encore

"Monter Henry VI c'est donc, je le crois interroger notre époque par ce qui serait son origine en assistant à l'abandon par l'Homme d'un monde de valeurs communautaires pour un monde individualisé. Sous la plume Shakespearienne, dans la peinture de la lutte pour le pouvoir, on peut déceler, en germe, les attitudes fallacieuses des factions politiques, la perversion de la subordination, le mépris grossier à l'égard des femmes, l'étouffement de la vertu par l'ambition et finalement ... la violence mais aussi la tristesse du chacun pour soi." Thomas Jolly, à propos d'Henry VI

Toute coïncidence ou ressemblance avec des personnages réels n'est ni fortuite ni involontaire.

dimanche, 10 novembre 2013

Henry VI de Shakespeare par la Piccola Familia

henry vi, thomas jolly, piccola familia
copyright Nicolas Joubart

Hier nous avons quitté la Biquetterie à l'heure où la nuit a une grande marge devant elle et où le jour ne sait pas encore quelles teintes il déclinera. Nous avons traversé le duché de Normandie et une partie du duché de Bretagne. Arrivée à Rennes à 9H.
Ce samedi 9 novembre, nous l'avions programmé de longue date. Depuis septembre, nous avions réservé nos places au TNB pour aller voir Henry VI de Shakespeare, mis en scène par Thomas Jolly. Pour percevoir un tant soit peu l'impatience qui nous rongeait, songez à votre série préférée: vous venez d'apprendre qu'une nouvelle saison serait programmée deux mois plus tard.
Nous avions vu les épisodes 1 et 2 d'Henry VI lors de leur création à Cherbourg, en janvier 2013. Nous les avions revus le mois suivant lorsque la troupe s'était installée à Louviers. Ensuite, nous avions dû nous résoudre à attendre que l'épisode 3 soit créé, en compagnie d'Henry VI menacé par la sombre vengeance du duc d'York et la reine Marguerite portant le fruit de ses amours adultères. Quant à Gloucester et Bedford, ils n'étaient plus de la partie: ils avaient rendu un dernier souffle mémorable à la fin de l'épisode 2. Cela dit en passant, Môôôsieur William, vous auriez pu faire quelque entorse à l'Histoire d'Angleterre et garder ces deux-là plus longtemps sur scène en prévision du jour où ils seraient interprétés avec une telle maestria par les acteurs de la Piccola Familia!

henry vi, thomas jolly, piccola familia

Samedi 9 novembre, TNB de Rennes, de 11h à minuit, Henry VI, épisode 1, 2 et 3
Les portes s'ouvrent tôt. L'impatience et l'excitation sont tangibles dans la salle. Avec le public est rentrée l'odeur des galettes-saucisses qui cuisent dehors en prévision du premier entracte. Pour tromper le temps qui ne veut pas accélérer son cours, je lis la présentation de la pièce par Thomas Jolly: Henry VI relate la lente dégénérescence du monde. Shakespeare la traduit en basculant petit à petit du registre flamboyant de la comédie à celui crépusculaire de la tragédie. La mise en scène suit cette courbe descendante en s'appuyant sur une alliée rare et précieuse au théâtre: la durée. On entre dans Henry VI en plein jour, on en sort au creux de la nuit. Les premiers mots de la pièce le commandent: "Cieux, tendez-vous de noir! Jour, fais place à la nuit!"
Pour parler de ce qui s'est passé après, de 11h à minuit, je sais déjà que les mots vont faire défaut: un éblouissement permanent entre rires et larmes, les mille facettes d'un kaléidoscope concentrées en un plateau de scène, le temps arrêté, suspendu, la disparition du jour et de la nuit et soudain le rideau noir qui tombe non pour signaler un nouvel entracte mais bien pour la dernière fois. Prolonger les applaudissements le plus longtemps possible, jusqu'à ce que les paumes supplient de les prendre en pitié, espérer qu'en entendant ce crépitement de joie et d'émotion, la troupe comprendra quel miracle elle venait de nous offrir.

henry vi, thomas jolly, piccola familia

L'intégrale d'Henry VI - épisode 1, 2, 3 et 4- sera jouée cet été au festival d'Avignon. Nous devons donc nous résoudre à attendre que l'épisode 4 soit créé en compagnie de la reine Marguerite plus farouche qu'une Amazone et son indécis époux. Quant au duc d'York, il n'est plus de la partie. Il a rendu son âme et sa tête à la fin de l'épisode 3.

vendredi, 08 novembre 2013

Vortex, Compagnie Non Nova

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VORTEX n.m. lat. vortex, icis m. Tourbillon creux qui apparaît dans un fluide en écoulement

Vortex, Compagnie Non Nova, Cirque Théâtre d'Elbeuf, du 7 au 9 novembre 2013
La scène est encerclée de ventilateurs. A un point du cercle, un être, énorme, difforme, tout de noir vêtu, affublé des signes distinctifs de l'homme invisible -chapeau et bandelettes sur le visage- se tient à genoux; toute son attention est accaparée par des sacs en plastique, de ceux qu'on ne vous donne plus que rarement à la caisse des supermarchés: il les découpe avec minutie, agence les morceaux. De là où je suis assise, les morceaux assemblés deviennent des marionnettes étêtées au phallus démesuré. Une fois l'ouvrage fini, il lance  les sacs au centre du cercle tourmenté par les souffles. Les plastiques restent quelques secondes avachis avant de se gonfler, de prendre forme et vie: c'est soudain un ballet insoumis d'êtres légers qui cherchent la verticalité et l'ayant atteinte regagnent le sol aussitôt.
Puis l'être se débarrasse, s'extrait de ses couches: il abandonne aux vents sa mue noire avant d'entreprendre avec elle une danse érotique, un combat, la scène devient arène. Il se vide de boyaux en plastique et d'un gigantesque placenta qui cherchent à leur tour la verticalité. L'être difforme se volatilise d'enveloppe de substitution en enveloppe de substitution et la peau apparaît enfin, celle d'une femme.
Un spectacle qui a imprimé pour longtemps la rétine de ma mémoire.

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mardi, 15 octobre 2013

... et ne pas descendre.

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Monter dans un train et laisser défiler l'arrêt où l'on avait prévu de descendre et tous les suivants. Se demander ce qu'on fera quand le terminus sera annoncé par le chef de gare.
En attendant, écouter Patrice Chéreau parler de sa mise en scène de l'Elektra de Richard Strauss dans Square. Le laisser conclure. Ce métier me rend incroyablement joyeux et vivant tous les jours. Ne pas empêcher les lèvres de sourire quand Vincent Josse, Cassandre malgré lui, lui rétorque: "c'est une belle fin".
Prévoir d'écouter samedi soir l'Atelier sur France Inter.

mardi, 08 octobre 2013

Prendre le train

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Je me souviens que, quand ce matin, j'ai entendu à la radio que Patrice Chéreau était passé hors champ hier, j'ai pensé, élargissez le cadre pour qu'il y entre à nouveau,
Je me souviens avoir vu L'homme blessé dans une salle versaillaise et que c'était délicieux de s'asseoir sur cette antinomie-là,
Je me souviens que La reine Margot m'a laissée de marbre,
Je me souviens qu'après avoir vu Son frère -je ne sais plus dans quelle salle- j'ai lu tous les romans de Philippe Besson,
Je me souviens que souvent j'ai confondu les deux, Patrice Chéreau et Patrick Pineau,
Je me souviens avec une grande précision de Dominique Blanc et Pascal Greggory dans sa mise en scène de Phèdre,
Je me souviens avoir longtemps recherché cette émotion-là, après, au théâtre,
Je me souviens que comme Kubrick il avait voulu réaliser un film sur Napoléon et avait fini par y renoncer,
Je me souviens que, quand j'ai entendu que Patrice Chéreau était sorti de scène, j'ai espéré que serait quand même joué en mars à l'Odéon Comme il vous plaira, en un dernier hommage.

En attendant le mois de mars.

mardi, 27 août 2013

Qu'a fait

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Paul Cézanne, La femme à la cafetière

Cela pourrait être un billet sociologique ou balzacien. Partant du tableau de Cézanne et rassemblant toutes les cafetières croisées dans mes pérégrinations estivales, je me demanderais, en physiognomiste balbutiante, ce que la cafetière raconte de ses propriétaires.

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Cela sera surtout le signe que l'été s'achève et que je ne peux plus longtemps ignorer, sous peine de faire preuve d'indécence, ma table de travail. Me remplir d'abord une tasse d'un café bien fort, lire les programmes des théâtres de Louviers, d'Elbeuf et des Chalands, me dire que ce sera à nouveau une bonne année, appeler le théâtre de Rennes pour réserver deux places en novembre pour aller voir Henry VI mis en scène par Thomas Jolly, cycles 1 et 2, m'entendre dire que les réservations ne sont pas ouvertes avant octobre, le noter sur mon agenda.
Me resservir une tasse de café, trier quelques cours de l'année dernière, me rapprocher inexorablement de mon bureau, prendre une feuille blanche, la doubler d'une page word tout aussi blanche, donner corps et encre aux projets. Dans une semaine, ce sera reparti.

 

dimanche, 07 juillet 2013

Silembloc Cie fait son cirque autobloquant.

viva cité, silembloc cie

Avec son festival des Arts de la Rue, Viva Cité, le week-end dernier avait déjà un air de vacances. Un air de pause aussi avant la folle semaine qui attendait de l'autre côté. L'année dernière, j'avais choisi au hasard de mes déambulations d'assister à tel ou tel spectacle. Cette année, s'il y avait bien une troupe que je ne voulais pas manquer, c'était Silembloc Cie.

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 Faut dire que D. -souvenez-vous, c'est elle qui pousse des "oh" et des "ah" au cirque théâtre d'Elbeuf- est la mère du gars aux dreadlocks ci-dessous et que ça faisait quelques temps qu'elle m'en parlait, de la Silembloc Cie et de leur spectacle Cirque autobloquant. Sans pousser de "waouh". Avec cette modestie toute particulière qu'ont les mères quand elles parlent de leur rejeton et qu'elles ne veulent pas qu'on les soupçonne d'être des inconditionnelles dépourvues de toute capacité de jugement.

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 Silembloc Cie, c'est un musicien et son bric à brac d'objets qui soudain ont trouvé sur leur chemin un destin musical.

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Silembloc Cie, ce sont trois circassiens: une clown qui claquette, un jongleur qui déjoue la mécanique du rebond, un équilibriste qui, si l'homme n'avait eu qu'une main pour se déplacer, se serait trouvé très à son aise.
Cirque autoblocant: c'est une machine parfaitement huilée par ces quatre-là et des grincements. C'est une histoire déployée sur scène et pas une parole échangée. Je n'ai pas peur de dire - après tout je ne suis soumise, moi, à aucun devoir de réserve maternelle- que Tati et Keaton se seraient sentis chez eux.

viva cité,silembloc cie

Quand la dernière porte de leur placard -de quel vestiaire sans fenêtres et aigri par des odeurs tenaces de sueur avait-il été sauvé?- s'est refermée, j'ai applaudi à tout rompre. J'ai regardé D. et j'ai poussé un "waouh".

P.S.1: Les carnets de la Silembloc Cie, c'est ici
P.S.2: les trois dernières photos ont été réalisées par mon morveux...

mercredi, 19 juin 2013

Résister par l'équilibre.

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Hier, moiteur accablante qui rend tout mouvement gourd. Lourdeur du corps. Déposer le poids chez D., boire un litre de képhir et s'embarquer pour le cirque théâtre d'Elbeuf. Au programme, la présentation de la saison 2013-2014. Sur l'affiche, un éléphant immobilisé dans un équilibre improbable semble suspendu au fil de sa mémoire.
Pendant la présentation des spectacles à venir, D. s'exclame et s'enthousiasme. A chaque "oh", je prends la mesure de mon inculture. Je n'ai aucun repère, rien à quoi me raccrocher; aucun nom d'artiste évoqué n'éveille en moi le moindre souvenir. Les images de mon fils jonglant à tour de bras avec tout ce qui lui tombe dans la main ne m'aident pas plus. Je me sens comme un Sarmathe qui soudain aurait été propulsé à Rome, un jour de grande festivité. Terra incognita.
J'irais bien tout voir. Je sélectionne en fonction du niveau sonore des "ah" de D.: Morsure, Vortex, Opus, Klaxon, Extrémités, Clockwork et Acrobates.
La semaine prochaine, c'est la présentation de la saison théâtrale de la Scène Nationale d'Evreux-Louviers. Terra cognita. De l'un à l'autre, il ne me restera plus qu'à trouver un savant équilibre sur mon calendrier pour l'année à venir.


jeudi, 12 avril 2012

Aujourd'hui ils vont bien ensemble.

366 réels à prise rapide,le mariage de figaro,ruy blas

11/366
Hier matin, j'ai abandonné mon morveux, après lui avoir extorqué deux bisous, au pied d'un car qui les conduirait, lui et ses quarante-neuf congénères en Andalousie.
L'après-midi, rendez-vous était pris avec ma morveuse et son binôme
au grain de café: le patron y gratte sa guitare et nous décortiquons des textes, bac blanc français oblige; la correction de mes brevets blancs attendrait. Au programme, la tirade de Ruy Blas aux ministres "intègres" et conseillers "vertueux":
"Soyez flétris, devant votre pays qui tombe,
Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe !
– Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur.
L'Espagne et sa vertu, l'Espagne et sa grandeur,
Tout s'en va."
Oh tchatcha, Mnouchkine aurait pu le griffoner sur une banderole celui-là d'extrait.
Puis le fameux monologue de Figaro dans Le mariage de Figaro:
"Noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! Qu'avez-vous fait pour tant de biens ? Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus : du reste, homme assez ordinaire ! tandis que moi, morbleu ! perdu dans la foule obscure, il m'a fallu déployer plus de science et de calculs pour subsister seulement qu'on n'en a mis depuis cent ans à gouverner toutes les Espagnes"
Les bachelières se prennent au jeu, tirent des fils, hasardent des hypothèses et boivent des chocolats chauds. Entre Victor Hugo et Beaumarchais, est venu se glisser un couple espagnol sur la table d'à côté. Ils webcament avec leurs compatriotes tandis qu'à l'autre bout Ruy Blas fait ses adieux à la Reine.


Ils allaient si bien ensemble mes hasards hispaniques d'hier. Les écrire me permet d'attendre calmement en ce petit matin, le texto du morveux qui va bien finir par indiquer qu'ils sont enfin arrivés à bon port, lui et ses congénères...

samedi, 10 mars 2012

AH LES BEAUX JOURS!

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Mon dernier billet
était-il prémonitoire de ma propre disparition des îles indigo? Coupée du désir d'écrire. Mots absents pour retranscrire des jours dont j'aurais voulu garder traces et cartes. Exilée, donc, j'ai lu L'ignorance de Kundera, ai vu les séries-graphies d'Ernets Pignon-Ernest sur le mur de Gaza, hommage à Mahmoud Darwich.

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Ai vécu la guerre de cent ans pendant une dizaine d'heure dans un théâtre à l'italienne à Cherbourg, Henry VI par la Piccola Familia. Suis devenue figurante l'espace d'une soirée pour cette même troupe.
Quand ont sonné les trentes ans de la disparition de Perec, j'ai cherché des destinations en "a" pour abolir le silence: cela aurait pu être Valparaiso ou Casablanca, cela fut les Calanques de Marseille à Cassis. Le pied a retrouvé la terre, le clavier retrouvera sans doute ses lettres...

piccola familia, henry VV, perec, les calanques

lundi, 06 septembre 2010

MADEMOISELLE SCARAMOUCHE

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Que c’est bon, oublieuse des slogans peints ce matin sur un drap de lin, oublieuse des manifs de demain,  que c’est bon de se glisser dans ce roman de cape et d’épée. L’espace d’une après-midi, se laisser engloutir dans une époque où les improvisations de la commedia dell’arte rivalisent avec le théâtre de Molière,  où l’héritière des mousquetaires s’appelle Scaramouche. A chaque page sa péripétie, en une machine bien rodée.  Il faudra bien quelques dei ex machina pour que tout se dénoue.  Qu’importe !

Juste envie de vous le dire, juste envie d’y retourner.

A chaque jour suffit sa peine…

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mercredi, 21 octobre 2009

BOUVARD ET PECUCHET

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Après une journée passée sur les ponts -de pierre ou d'Europe et je passe sous silence les averses soudaines et à répétition- l'envie me prend de vous parler de la lecture à haute voix entendue hier soir. J'aime bien dire "haute voix" et non "voix haute". Au-delà de toute idée reçue, on pressent le livre tourneboulé, mastiqué et fait sien.
Bouvard et Pécuchet, donc, lu par Patrick Pineau et Hervé Briaux. Ces deux-là étaient comme larrons en foire sur scène. Flaubert, ils s'en étaient déjà approchés l'année dernière avec la correspondance mais là il y avait de la jubilation dans leurs mains qui se frottaient avant de repartir le long des pages.
Je n'avais pas ouvert ce livre depuis les années fac, j'en avais oublié combien il était drôle. L'avais-je seulement perçu? Bouvard et Pécuchet ou comment épuiser deux vies en des chantiers toujours recommencés. Et puis le roman qui s'achève, inachevé et nos rires frustrés de devoir en rester là. Le mot de la fin, Pineau l'a placé dans la dernière phrase d'un roman lu le matin même, écrit à la hâte sur une feuille devenue moite depuis, peut-être comme un viaduc à ce qui précédait:
"On peut tout te prendre; tes biens, tes plus belles années, l'ensemble de tes joies, et l'ensemble de tes mérites, jusqu'à ta dernière chemise -il te restera toujours tes rêves pour réinventer le monde que l'on t'a confisqué."
L'attentat, Yasmina Khadra

samedi, 15 décembre 2007

JOJO, MULTI-RÉCIDIVISTE!

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Cet après-midi encore, haut perchée sur ses talons, paradant sans fin en des robes impudentes, avec ce quelque chose de fatal et brisé qu'ont les femmes dans les films de Cassavets, elle débouchait sur scène. Cantatrice ratée, lorsqu'elle a chanté "I'm so pretty, so charming" j'ai entendu "so chaplin": c'est dire le burlesque du personnage ou avouer mon niveau d'anglais...

Cet après-midi encore, elle était mère de Jojo, autant dire distributeur automatique de gifles bonnes et carabinées, de claques beignes et torgnoles, dans Jojo, le récidiviste.

Quand, le soir, Delphine Lamand est apparue dans l'amphi, elle aurait pu se fondre parmi mes étudiants: pour nous parler de son travail d'actrice et d'assistante du metteur en scène, elle a juste pris avec elle ses couettes échevelées et ses gestes effrontément enthousiastes.

Jojo le récidiviste, ce fut d'abord la rencontre de deux Jo: Joseph Danan, l'écrivain et Joël Jouanneau, le metteur en scène. Pas le même passé de gifles entre ces deux-là.

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" Moi à la différence de Jojo, j'étais un enfant sage, trop sage peut-être. (Aïe, je sens les parents qui remuent.) Et ma mère, je le jure, ne m'a jamais donné la plus petite gifle (mon père non plus, d'ailleurs). J'ai une hypothèse: c'est que les bêtises je ne les faisais pas, parce que la gifle, je me la donnais moi-même avant de les faire" Joseph Danan

« Enfant, je me demandais si c’était ma joue gauche qui désirait recevoir la paume de la main de ma mère, ou si ce n’était pas plutôt la paume droite de sa main qui était irrésistiblement attirée par ma joue. La réponse se trouvant dans la gifle, je la recherchais au quotidien. Je suis aujourd’hui à peu près convaincu que nous avions trouvé là le sentier interdit de notre « je t’aime » journalier. La lecture de Jojo le récidiviste m'a donc réjoui au point même de penser que Joseph Danan l'avait écrit pour moi. » Joël Jouanneau

Le texte de Danan est la pièce de théâtre la plus surprenante que je connaisse à ce jour: ni dialogues, ni didascalies, juste un enchaînement de séquences où invariablement Jojo se joue avec jubilation des interdits. Presque tout aussi invariablement et sans joute, vient le moment où le morveux tendra sa joue à la gifle-claque-beigne-torgnole maternelle.

Sur scène, au lever du rideau, cela donne un chaos organisé, un tohu-bohu soigneusement rangé, un capharnaüm rigoureusement empilé de part et d'autre de la scène. Soyez les bienvenus dans la chambre de Jojo, joyeuse anarchie, à l'image de la pièce. Au fond de ce décor, une porte, dressée comme limite entre l'imaginaire enfantin et la désillusion frustrée de l'adulte.

Le bric à brac se réveille à l'apparition des maîtres de jeu, Jojo et son copain, il sort de son mutisme. Et en une heure, cette pièce quasi muette rend hommage au trio Chaplin, Keaton, Tati. On y parle comme dans Les vacances de Monsieur Hulot, on se dandine et on y trébuche à la Charlot et on se désarticule et on chute de gag en gag à la Keaton.

Pas étonnant que les gazous au final entonnent le dernier chant polyglotte des Temps modernes.

Au final, on en vient à se demander ce que deviendrait ce Jojo entre les mailles du filet gouvernemental: délinquant bon à recycler?  Et si on y voyait plutôt de la graine de Jouanneau?

 

 

 

18:25 Publié dans THEÂTRE | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jouanneau, jojo |  Facebook |