Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 02 avril 2016

Les Ogres, Léa Fehner

110649-1.jpg

Les Ogres sont troupe de théâtre itinérant, ça monte le chapiteau en musique, ça le remballe sur un coup de gueule. Ils sont Rabelais et Fellini réunis pour un même festin et le soir jouent Tchekhov. Les Ogres avalent les routes, l'amour, les peurs, la joie et les chagrins de la même façon, en appuyant à fond sur la pédale. Leur existence, c'est un cirque, c'est un cirque-théâtre en continu. Les ogres dévorent la vie à pleines incisives, en se marrant, en criant, en pleurant, en buvant; ça bouillonne, ça enfle et ça explose de rire. Puis se serrent dans les bras, pour dissimuler leurs blessures et leurs failles, avec indulgence et déjà se bidonnent et badinent.
On en sort tout abasourdi, épaté, éberlué, époustouflé. Les rues de la ville sont soudain trop silencieuses, trop lentes, trop mortes en cette fin de journée. On voudrait leur insuffler le rythme des Ogres, se prendre par la main, se mettre à courir et gueuler dans le mégaphone ses joies, ses attentes et la vie qui va fort.

mardi, 15 octobre 2013

... et ne pas descendre.

patrice chéreau.png

Monter dans un train et laisser défiler l'arrêt où l'on avait prévu de descendre et tous les suivants. Se demander ce qu'on fera quand le terminus sera annoncé par le chef de gare.
En attendant, écouter Patrice Chéreau parler de sa mise en scène de l'Elektra de Richard Strauss dans Square. Le laisser conclure. Ce métier me rend incroyablement joyeux et vivant tous les jours. Ne pas empêcher les lèvres de sourire quand Vincent Josse, Cassandre malgré lui, lui rétorque: "c'est une belle fin".
Prévoir d'écouter samedi soir l'Atelier sur France Inter.

mardi, 08 octobre 2013

Prendre le train

582557-patrice-chereau.jpg


Je me souviens que, quand ce matin, j'ai entendu à la radio que Patrice Chéreau était passé hors champ hier, j'ai pensé, élargissez le cadre pour qu'il y entre à nouveau,
Je me souviens avoir vu L'homme blessé dans une salle versaillaise et que c'était délicieux de s'asseoir sur cette antinomie-là,
Je me souviens que La reine Margot m'a laissée de marbre,
Je me souviens qu'après avoir vu Son frère -je ne sais plus dans quelle salle- j'ai lu tous les romans de Philippe Besson,
Je me souviens que souvent j'ai confondu les deux, Patrice Chéreau et Patrick Pineau,
Je me souviens avec une grande précision de Dominique Blanc et Pascal Greggory dans sa mise en scène de Phèdre,
Je me souviens avoir longtemps recherché cette émotion-là, après, au théâtre,
Je me souviens que comme Kubrick il avait voulu réaliser un film sur Napoléon et avait fini par y renoncer,
Je me souviens que, quand j'ai entendu que Patrice Chéreau était sorti de scène, j'ai espéré que serait quand même joué en mars à l'Odéon Comme il vous plaira, en un dernier hommage.

En attendant le mois de mars.

dimanche, 29 septembre 2013

Poussière d'étoile

poussière d'étoile.jpg

Ce matin, en préparant mes cours pour les Biobios, j'ai recherché sur la toile un texte d'Hubert Reeves, Terre planète bleue. De fil en touche de clavier, je suis tombée sur une conférence de l'astro-physicien. Il y avait encore de la place dans l'amphi, je m'y suis assise et je l'ai écouté de bout en bout.
Ce n'était pas vraiment une conférence -les intervenants y sont trop souvent cérémonieux et sententieux- mais plutôt une bal(l)ade pétillante au milieu des interrogations métaphysiques de Woody Allen: Qui sommes-nous? D'où venons-nous? Où allons-nous? Que mangeons-nous ce soir? Dans une demi-pénombre -de celles qu'apporte le début de la nuit et qui rendent à la parole sa densité, - il nous a menés de la 1ère poussière d'étoile à la peut-être extinction de notre espèce. Juste avant que la lumière ne soit à nouveau, il a conclu par ces mots: " L’important ce n’est pas d’être optimiste ou pessimiste, c’est d’être déterminé".
En quittant l'amphi, j'ai repensé au documentaire de Patricio Guzman, Nostalgie de la lumière.

 

mercredi, 29 mai 2013

Vapotage et pierre de patience ou comment conclure sur Etonnants Voyageurs

1057535-affiche-du-film-620x0-1.jpg

Etonnants voyageurs, Lundi 20 mai, après-midi, cinéma Le Vauban, "Dire la guerre"
Après deux jours de festival, nous savions que si nous voulions avoir l'assurance d'assister à cette rencontre autour de Syngué Sabour en présence d'Atik Rahimi, il fallait renoncer à toute tentation de fin de matinée, entamer le pique-nique et la file d'attente dans un même élan joyeux, dès midi. Pour poursuivre la rencontre du matin "Croire en l'histoire", j'ai lu, assise à même le sol, La chambre de veille de François Hartog. Rapidement le hall d'attente s'est révélé trop étroit.
Dans la salle de cinéma, l'éclairage intimiste empêchait toute tentative de lecture. Pour veiller une deuxième heure, j'ai observé mes voisins, les qui parlent fort, les qui trouvent l'attente longue, les qui se plaignent des bourrasques de vent, les qui supportent les précédents en silence et surtout les qui mériteraient qu'on leur ponde une loi rien que pour eux: deux gougnafiers, père et fils -l'un fumeur repenti et l'autre trop jeune pour avoir besoin de se sevrer ou alors de sa tétine ou du sein maternel- ont sorti leur cigarette électronique et se sont mis à tirer là-dessus -j'ai appris ce matin que cela s'appelait "vapoter"- tout en cherchant à imprimer à leur visage la sagesse du vieux marin aguerri qui enfin s'octroie quelque indicible plaisir en fumant sa pipe. J'ai bien failli combattre les volutes au caramel ou à la fraise par quelque fleur de pays, parole de fumeuse.
Tout cela me ferait presque perdre le fil de mon billet. Syngué Sabour, donc. Le roman m'avait profondément marquée et je me méfie toujours de ces adaptations pour le grand écran: elles touchent à mon cinéma intérieur, pire encore, elles l'effacent irrémédiablement. Celle-là fera exception. Peut-être parce que, dans ce cas-là, le réalisateur est aussi l'écrivain, et qu'il avait conscience que le second devait trahir le premier pour pouvoir relever le défi. 
 

mercredi, 22 mai 2013

Etonnants Voyageurs (2)

affiche2-c6990.jpg

Etonnants voyageurs, samedi 18 mai, matinée
A peine le programme des trois jours en main et déjà cette frustration toujours recommencée, année après année: impossible d'être à la fois au Palais du Grand Large et dans une des salles intra muros. Ne pas penser à tout ce qu'on ne pourra pas voir, entendre; se décider pour un lieu.

Théâtre Chateaubriand, Regards sur la guerre
Je renonce donc à ouvrir le festival avec une table ronde et littéraire et m'engouffre dans deux documentaires.
Cinq caméras brisées
s'ouvre sur cette constatation amère du palestinien Emad Burnat: son premier fils est né en 1995 avec les accords d'Oslo, son dernier fils, en 2005 dans des temps d'incertitude -indécent euphémisme. Alors il filme. Il filme son fils qui grandit, son village, Bil'in, qui rapetisse, le mur qui s'élève pour protéger la colonie juive voisine, ses oliviers qui brûlent, la révolte des uns et la vie qui se fraye malgré tout un chemin. Il filme pour transformer sa colère en quelque chose d'utile. Cinq caméras plus loin -toutes ont été brisées par des soldats israéliens- cette certitude: il filme pour guérir de ses blessures.

Irak, l'ombre de la guerre d'Anne Nivat : je retiens de ce documentaire un plan sur l'Euphrate dans la douceur poussiéreuse d'une fin de journée. Au milieu, un homme nage à contre-courant. Pour le reste -qu'est devenu l'Irak, dix-huit mois après le départ des Américains, grands importateurs de démocratie devant l'Eternel?-  l'omniprésence de la réalisatrice à l'écran et sa voix-off en continu sont autant d'ombres portées sur ceux qu'elle interroge. Une heure plus loin, cette pensée d'un Irakien: l'Inde a eu Gandhi, l'Afrique du Sud, Mandela et l'Amérique, Martin Luther King. Lui attend un Gandhi-Mandela-King pour le Proche-Orient... 

mardi, 23 avril 2013

Mémoires

P1080661.jpg

Mémoire: n.f. du latin memor, oris "qui se souvient"

Ai vu hier un film splendide que j'avais trouvé sous L'Arbre à Palabres: Nostalgie de la lumière de Patricio Guzman. Dans le coin le plus aride de notre planète bleue, le désert d'Atacama, des astronomes scrutent un ciel transparent pour retrouver l'histoire intacte de nos origines. Le calcium présent dans les étoiles est identique à celui qui structure notre squelette, apparu après le bing-bang.
Au pied des observatoires, des Chiliennes, inlassablement, cassent la croûte de sable, à la recherche de leurs proches disparus sous la dictature de Pinochet: la sécheresse du désert a momifié les restes humains. La quête de ces femmes n'a jamais croisé celle des astronomes.
Le film se referme sur ces mots: "Je suis convaincu que la mémoire a une force de gravité. Elle nous attire toujours. Ceux qui ont une mémoire peuvent vivre dans le fragile temps présent. Ceux qui n'en ont pas ne vivent nulle part."

Ai lu hier que le C.A.P.E.S. de Lettres Classiques venait d'être rayé des concours de l'Education Nationale. Enterré, envoyé ad patres. Allez donc lire ou relire la juste colère d'une douzaine de membres du jury sur le site du Monde: Langues anciennes, cibles émouvantes. Qu'ils ne s'inquiètent pas trop cependant: les fossoyeurs du ministère ont oublié que la mémoire a une force de gravité. Elle nous attire toujours...

samedi, 23 février 2013

Aujourd'hui musique.


330/366
D'habitude quand les quatre morveux de la biquetterie se mettent à écouter en boucle la même chanson qui sévit sur toutes les ondes et à l'entonner en choeur à tout bout de champ de la cuisine, de la salle de bain et d'une conversation, je finis par sortir le drapeau blanc ou mes albums de Ferré, Brassens et Barbara. One day fait exception.
Hier, en regardant Camille redouble de Noémie Lvovsky, j'ai fredonné Une petite cantate au-dessus d'un juke box -le bistrot qui nous servait de Q.G. après le lycée en possédait un à l'identique- et l'improbable One day au bord d'une piscine dans les années 80.

lundi, 18 février 2013

Aujourd'hui sonnerie.

DSC00002.jpg

325/366
La pancarte déclenche plusieurs interrogations. Pourquoi ne pas avoir réparé la sonnette plutôt que de graver son dysfonctionnement? Admettons que cela convenait aux habitants de cet appartement et qu'ils n'avaient nulle intention de la réparer, pourquoi l'avoir indiqué, alors? Enfin, est-ce parce que le mot sonnette contient déjà un "ne" que le graveur n'a pas jugé utile d'inscrire "sonnette ne marche pas"?

Hier, le soleil donnait à la journée un air de printemps. Nous avons pris les vélos pour rejoindre Louviers par la voie verte déserte. Le grand forum projetait une dernière fois Alceste à bicyclette. Le scénario brinquebale quelque peu mais qu'importe, Luchini lisant Le Misanthrope, tantôt Alceste, tantôt Philinte au fin fond de l'île de Ré met en sourdine tous les autres bémols.
Retour en fin d'après-midi par la même voie verte soudain surpeuplée de familles à pieds ou à patins, de couples tirés par un chien ou poussant la poussette. Au milieu de toute cette humanité s'adonnant à la balade dominicale, il a fallu slalomer et nos ombres envoyées loin sur l'asphalte précédaient le son grippé de ma sonnette.
Une fois retrouvé le silence de la Biquetterie, nous avons lancé Dans ma maison: Luchini dans le rôle de Germain Germain, professeur de français qui façonne la plume d'un de ses élèves.
Dans la dernière demi-heure, on a frappé au carreau: les amis qui avaient décidé de faire un crochet par chez nous savent bien que c'est ainsi qu'on manifeste son arrivée. Seul le livreur occasionnel laisse son étonnement sur l'avis de passage dans la boîte aux lettres: "pas de sonnette?".

mardi, 31 juillet 2012

Aujourd'hui juste un seul mot.

la-jetee-chris-marker.jpg
121/366
La jetée

mercredi, 23 mai 2012

Fragment d'aujourd'hui dont Hitchcock aurait fait un film.

44.jpg

North by northwest
52/366

mercredi, 25 août 2010

DES HOMMES ET DES DIEUX

des hommes.jpg

Evreux aussi boude la rentrée pour l'instant, toute à ses sorties qu'elle est. De cette semaine d'avant-premières, je retiendrai Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois. Primé à Cannes, d'aucuns disent même qu'il aurait pu recevoir la palme. Un film contemplatif qui retrace les derniers jours de ces moines de Tibéhirine décapités -par des terroristes islamistes, par l'armée?- en 1996 dans une Algérie démembrée par le chaos. 
Ici, la parole ne se fait pas chair inutilement, la caméra suit longtemps avec une douceur silencieuse cette communauté d'hommes blottie au creux de l'Atlas. Les journées rythmées par la prière et les chants, le travail de la terre, l'aide aux plus démunis. Des hommes fraternels jusque dans le respect du dieu de leurs frères musulmans.
Quand les fracas de l'horreur montent, surgissent
les doutes et avec eux la liberté pour chacun de partir. Au delà des peurs, tous feront le choix de rester.
Des scènes alors inoubliables, les frères rivalisant par leurs chants avec le tohu-bohu de l'hélicoptère survolant le monastère,  ce dernier repas silencieux au rythme du Lac des cygnes de Tchaïkovski, les visages serrés au plus près parce qu'il faudra les laisser s'éloigner sur cette ultime route calfeutrée par la neige.
En rentrant du cinéma, j'ai fait route avec Lambert Wilson -Frère Christian dans Des hommes et des dieux-  invité de Jardins secrets sur France Culture.

lundi, 25 janvier 2010

TOUT SEUL

Couverture_bd_2749304296_tout_seul.jpg

Dans l'océan, il y a un rocher. Sur ce rocher, un phare. Dans ce phare, un homme. La ritournelle s'arrêtera là parce que dans l'homme cinquante ans de solitude s'entrechoquent, à ce qu'on raconte, une vie à tourner en rond sur son caillou, sédentaire malgré lui, rien d'autre. Du monde il ne connaît que le chalutier qui le ravitaille, l'écume et ce que les vagues lui apportent comme objets malmenés. Il ne se montre pas, on le dit monstre. Son nom, même les mouettes l'ont oublié, là-bas, tous l'appellent Tout Seul. Ce qu'il fait de ses journées, personne ne s'est jamais posé la question. C'est pourtant bien, les premières planches tournées, ce qui intrigue. Comment interpréter ces BOUM! qui s'échappent de la tour de pierres? Dans un tête à tête muet avec son poisson -j'allais dire rouge mais aucune certitude à ce sujet lorsque toutes les cases se déclinent entre le blanc et le noir- Tout Seul lance son unique livre, un dictionnaire, sur sa table, l'index pointe alors au hasard un mot, une porte ouverte au-delà de l'horizon.
Etonnant de finir la journée avec cette bande dessinée alors qu'elle avait commencé avec l'avant-première du film émoustouflant de Tony Gatlif sur la déportation des Roms, Libertés. A la genèse de ce film,  le destin d’un dénommé Tolloche. "Interné à Montreuil-Bellay, il réussit à se faire libérer après avoir acheté, par l’intermédiaire d’un notaire, une petite maison à quelques kilomètres de la ville. Incapable de vivre entre quatre murs, il reprit la route pour retourner dans son pays d’origine, la Belgique. Il fut arrêté dans le Nord et disparut en Pologne avec ses compagnons d’infortune”
Taloche et Tout Seul, tout les sépare et pourtant une rage unique à se rouler par terre, se couvrir d'humus et regarder le balancement des arbres pour l'un, à jeter son dictionnaire pour obliger le monde à se dire pour l'autre.

 

samedi, 22 août 2009

ÉVÉNEMENTS (2)

conc.jpg
Que fait un réalisateur lors d'une avant-première pendant que son film est lancé  en pâture au public?
Pour ce qui est de Jacques Audiard, je n'en sais rien. Il n'est venu qu'après, derrière ses lunettes noires accompagnés de cinq gardes du corps acteurs. Ca avait intérêt à tourner rond autrement aux quatre coins d'Evreux qu'on allait l'retrouver éparpillé par petits bouts façon puzzle notre Ciné Zénith.
Pour ce qui est de Radu Mihaileanu, il est venu saluer avant, l'air goguenard, proposant de gagner du temps en enclenchant le débat sur le champ et de voir Le concert ensuite. Il a remercié ses acteurs, son producteur, ses parents mêmequesanstoutcemondelàilnauraitpaspufairesonfilm. D'ailleurs son père, il l'avait amené... Méfiez-vous de l'amour filial de cet homme-là: c'était pour nous le confier le temps de la projection. Si le film ne nous enthousiasmait pas, nous pourrions toujours nous en prendre à lui, l'unique responsable, il  n'était après tout pas obligé de lui donner la vie.
Hier soir, je me suis dit qu'il ne manquait plus que vingt-quatre marches à mon cinéma...
Post-scriptum: M. Mihaileanu père était aux anges après la projection.

09:22 Publié dans FILM | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : radu mihaileanu |  Facebook |

jeudi, 20 août 2009

ÉVÉNEMENTS

prophète.jpg

ÉVÉNEMENT n.m. du latin e-venio "sortir" "avoir un résultat" "se produire", construit sur le modèle d'avènement du latin ad-venio "se produire, arriver"

Pourquoi le français en épuisant le verbe latin "venio" a-t-il oublié de construire un substantif pour indiquer qu'il ne se passe rien, que rien ne vient, quelque invénement ou nonvénement? Quant au mot événement, il m'a toujours semblé engoncé dans son double accent aigü que j'avais longtemps ignoré -évènement- jusqu'à ce qu'un prof à l'université -engoncé lui dans son costume de défenseur de la langue française- m'ait fait remarqué mon crime. Lu dans mon Bob ce matin que depuis 1979 la double graphie a été admise par l'Académie...

Évènements donc cette semaine dans les salles obscures de l'Eure avec la programmation de onze avant-premières en présence des réalisateurs. Pour Un prophète de Jacques Audiard, j'ai abandonné mes îles et mes pois chiches à la canicule et j'ai plongé dans le milieu carcéral, cette autre petite chienne. Le film s'ouvre sur l'enfermement du jeune Malik el-djebena. Six ans de peine et jamais nous n'en saurons plus sur le délit commis. Tout est à venir: pour survivre, il devient à coup de meurtre et de serpillère l'esclave d'un parain d'un clan de détenus corses, César Luciani. Et l'on cherche en quoi celui que la caméra dès le premier plan avait désigné comme un prophète en est un. Pas de Dieu, juste un fantôme à la veine jugulaire tranchée qui expire par cet orifice improvisé sa fumée de cigarette. Pas de prophétie, juste une vision prémonitoire de cerfs. Pourtant, on assiste de permission en retour en taule à son avènement. Le film se ferme sur sa sortie modeste et triomphale de prison, sur un air de l'opéra de quat'sous de Kurt Weill, l'opéra des gueux.
Un film-évènement...

 

 

samedi, 14 mars 2009

MORCEAU CHOISI

souvenir.jpg
Photo du bout de la mémoire
de Matthieu

Rien ne distingue les souvenirs des autres moments. Ce n'est que plus tard qu'ils se font reconnaître à leurs cicatrices.
Chris Marker

 

 

jeudi, 12 juin 2008

CRAPAUD ET OGRESSE

oreillers.jpg

Quelle saison était-ce donc hier soir? 23h, sortie de cinéma, le jour n'a pas envie de remballer si tôt et il persiste encore quelques instants.  On en oublierait presque d'allumer les phares au moment de reprendre la route. Quelques minutes avant, c'était encore -déjà- l'hiver, quelque part entre le 23 décembre et le 1er janvier.

Conte de Noël...

Le corps, plusieurs jours, a rechigné à aller voir un tel titre et l'été qui est à portée d'ongles. Il se doutait bien -Rois et reines- que ce ne serait pas Il était une fois et Ils eurent beaucoup d'enfants et vécurent heureux. Qu'a donc lu Desplechin avant de tourner son dernier film? On veut bien croire qu'il y eut un roman La greffe mais alors juste pour la genèse car toujours ce qui se trame et se détrame dans cette épopée en huis clos, ce sont les mythes, premières expirations littéraires -tout s'y joue en condensé concentré de la violence de la condition humaine- et Desplechin n'en finit pas d'y revenir. La mémoire s'épuise à tirer tous les fils, on croit pouvoir se poser sur une strate et déjà une autre se découvre. En une version courte, faux semblant du conte, cela donnerait:

Il était une fois Abel et  Junon qui eurent quatre enfants: Joseph, mort à six ans faute d'une greffe de moëlle, Elisabeth la seconde, promue donc au rang d'aînée très jeune, Henri conçu parce qu'on espèrait que sa moëlle serait compatible et Yvan, fragile et optimiste benjamin.

Mais les cartes sont brouillées et les dés pipés. Abel, drôle de patriarche hilare devant sa face de crapaud -cacherait-elle un prince?- n'a pas de Cain. Par contre entre l'aînée -telle une Antigone qui n'en finit pas d'enterrer son frère mort- et le cadet se joue une guerre fratricide où faute de tuer on bannit. Et puis, il y a la mère et le rejet de ce fils inutile, Henri. L'on pense à Junon et sa haine pour cet enfant de Jupiter qui n'est pas le sien, Hercule. D'ailleurs Henri se plaît à s'imaginer le fruit d'amours extraconjugales. Hercule meurt brûlé par la tunique enduite du sang du centaure Nessos. Dans Conte de Noël, Junon risque de mourir brûlée de l'intérieur si son corps rejette le don de moëlle d'Henri. Elle aussi est atteinte d'une leucémie et pour se sauver l'ogresse est prête, en une dévoration symbolique du fils haï, à reprendre ce qu'elle a mis au monde.

Conte de Noël au printemps, la neige a la chaleur de la plume échappée lorsque violemment l'oreiller se répand.