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samedi, 06 octobre 2018

Racines barbares

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Aujourd'hui je me suis affairée sous le soleil. C'était, dans l'air chaud, un étonnant mélange de bruits de printemps - les enfants attroupés dans la rue comme en ces jours de juin où la lumière s'allonge et avec elle le temps - et de couleurs d'automne - les feuilles du figuier chargé de fruits, qui jaunissent.

Aujourd'hui je me suis affairée sous le soleil, ai récolté des figues pour le chutney, des olives pour l'apéro dans dix semaines, de la rhubarbe et des poires pour une compote ce soir.

En fin d'après-midi, quand tout a été mis en pot ou en bol, oubliant les cours à préparer pour lundi - je pouvais bien moi aussi me sentir comme en juin malgré la lumière qui rétrécissait déjà avec assurance- je me suis installée sur ma terrasse avec deux livres arrivés récemment à la biquetterie : La pharmacie des moines - C. me l'a apporté lors de son dernier passage en précisant hilare "c'est un truc pour toi, ça !" - et L'encyclopédie du jardin conseillée par A. cet été et récupérée il y a quelques jours seulement parce qu'en réimpression.

Je les ai feuilletés, avec nonchalance, au hasard des plantes et épices rencontrées dans la journée : coriandre, poivre, rhubarbe, gingembre ... Mais en quelques pages, j'ai eu l'impression d'être une olive qu'on aurait plongée dans de l'eau pour quinze jours avant de l'enfermer dans un bocal de saumure pour huit semaines : hermétiquement lisse avec quelques bulles d'air accrochées à la surface. Soudain étrangère à ma propre langue - limbe folique, siccatif au 3ème degré, emménagogue, orthopnée, fomentation, scrotule, ascaride - en apnée étymologique, ne retrouvant la terre ferme et civilisée qu'avec le mot rhubarbe, de rheu "racine" et barbarum " qui vient du pays des Barbares".

Aujourd'hui j'ai eu à faire à une langue étonnante comme un attroupement d'enfants dans la rue en plein automne.

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