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lundi, 21 septembre 2015

Rentrée littéraire

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Déjà l'automne et pourtant je retiendrais bien encore un peu l'aile diaphane de l'été et le plaisir d'habiter chaque jour, intensément libre.
Je suis rentrée à nouveau. Dans les cases d'un emploi du temps qui s'étale voluptueusement sur tous les jours de la semaine. J'ai retrouvé mes latinistes qui s'inquiètent du devenir du latin.
J'ai découvert de nouveaux élèves; parmi eux, ceux qui, comme chaque année, n'aiment pas lire, pas écrire et pour qui j'ai prévu un projet annuel d'écriture d'un roman épistolaire. Sans ceux-là, il serait soudain moins drôle d'être prof de lettres et de mots.
J'ai accueilli mes petits de 6ème qui la première fois qu'ils ont monté l'escalier jusqu'à ma salle 207 conjuguaient cocassement leurs pas mal assurés avec leurs épaules qu'ils portaient plus haut que d'habitude.

Je suis rentrée mais avec la ferme intention de ne pas finir l'année exsangue. J'ai élagué : pas de stagiaire, moins de stages à organiser pour les collègues; j'ai juste préservé celui consacré à la littérature jeunesse.

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Jeudi dernier, c'était jour de grève pour une cause perdue d'avance. NVB ne fera pas machine arrière sur la réforme du collège. Elle prend même un malin plaisir les lendemains de jour de grève à faire passer un décret ou à annoncer les nouveaux programmes. Nous n'avons plus voix au chapitre.
Aux cortèges des manifestants, j'ai donc préféré le silence de la Biquetterie. J'ai offert ma matinée à Otages intimes.  Lu d'une traite avec l'émotion d'une mère dont le fils veut, voulait, se demande s'il ne deviendrait pas photographe reporter de guerre.
Le lendemain, lorsque mon morveux m'a demandé s'il pouvait aller à une soirée, je lui ai donné mon accord à une condition : qu'il lise Otages intimes. Il a accepté en maugréant un peu. Aurait préféré un essai économique ou philosophique. J'ai hâte qu'il arrive à la dernière page.

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Samedi matin, après le marché et en attendant D. au Grain de Café, j'ai commencé Le voyage d'Octavio. Ce roman s'ouvre avec l'une des scènes les plus marquantes de la littérature. Octavio reçoit la visite de son médecin. Au moment de prescrire les médicaments, il se rend compte qu'il a oublié son ordonnancier. Il demande une feuille. Octavio n'en a pas. Il demande un bout de journal pour écrire dans la marge. Octavio n'en a pas. Tout son intérieur se résume à une table et une chaise. Le médecin écrit la liste sur le bord de la table, Octavio la recopiera dès qu'il aura trouvé un bout de papier. Le lendemain, Octavio s'entaille volontairement et profondément la main droite comme il a souvent vu son père le faire et charge la table sur son dos. En chemin, des vieux lui demandent de s'arrêter un peu pour jouer une partie de dominos sur sa table. Octavio le fait de bon coeur. Puis il reprend sa route jusqu'à la pharmacie. Là, il montre le bout de la table à l'employée. Est-ce le frottement du dos ou la partie de dominos, la liste des médicaments s'est effacée.
Je pense à N., H., Y. et C., tous dans ma classe de 6ème; tous dans la peur voire dans l'incapacité d'écrire ou de lire. Mes lettres et mes mots, quels chemins vais-je inventer pour qu'ils puissent les embrasser fièrement ?

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Dimanche après-midi avait presque le goût d'un jour d'été. Au creux d'heures laissées libres, je me suis blottie dans le hamac, à l'ombre du cerisier. Amours, lu d'une traite lui-aussi. L'enchevêtrement des corps de Céleste et Victoire comme une évidence irrépressible. 
Penser à demander à V. si elle a dans sa bibliothèque Pietra viva de la même Leonor Recondo.
Penser à garder tout au long de l'année ces temps coupés du monde pour y revenir plus sûrement.