Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 20 avril 2008

PARTIR

 

686239347.jpg

(Photo d'Anita)

Il est des départs qui nous rendent orphelins de toute une partie de l'Histoire de ce monde. Hier ce fut Senghor, aujourd'hui c'est Césaire.
Soleil cou coupé...

Partir.
Comme il y a des hommes-hyènes et des hommes-
panthères, je serais un homme-juif
un homme-cafre
un homme-hindou-de-Calcutta
un homme-de-Harlem-qui-ne-vote-pas

l'homme-famine, l'homme-insulte, l'homme-torture
on pouvait à n'importe quel moment le saisir le rouer
de coups, le tuer - parfaitement le tuer - sans avoir
de compte à rendre à personne sans avoir d'excuses à présenter à personne
un homme-juif
un homme-pogrom
un chiot
un mendigot

mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la
face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait
dans sa soupière un crâne de Hottentot?


Je retrouverais le secret des grandes communications et des grandes combustions. Je dirais orage. Je
dirais fleuve. Je dirais tornade. Je dirais feuille. Je dirais arbre. Je serais mouillé de toutes les pluies,
humecté de toutes les rosées. Je roulerais comme du sang frénétique sur le courant lent de l'oeil des mots
en chevaux fous en enfants frais en caillots en couvre-feu en vestiges de temple en pierres précieuses assez loin pour décourager les mineurs. Qui ne me comprendrait pas ne comprendrait pas davantage le rugissement du tigre.
Et vous fantômes montez bleus de chimie d'une forêt de bêtes traquées de machines tordues d'un jujubier de chairs pourries d'un panier d'huîtres d'yeux d'un lacis de lanières découpées dans le beau sisal d'une peau d'homme j'aurais des mots assez vastes pour vous contenir
et toi terre tendue terre saoule
terre grand sexe levé vers le soleil
terre grand délire de la mentule de Dieu
terre sauvage montée des resserres de la mer avec
dans la bouche une touffe de cécropies
terre dont je ne puis comparer la face houleuse qu'à
la forêt vierge et folle que je souhaiterais pouvoir en
guise de visage montrer aux yeux indéchiffreurs des
hommes


Il me suffirait d'une gorgée de ton lait jiculi pour qu'en toi je découvre toujours à même distance de mirage - mille fois plus natale et dorée d'un soleil que n'entame nul prisme - la terre où tout est libre et fraternel, ma terre.

Partir. Mon coeur bruissait de générosités emphatiques. Partir... j'arriverais lisse et jeune dans ce pays mien et je dirais à ce pays dont le limon entre dans la composition de ma chair : « J'ai longtemps erré et je reviens vers la hideur désertée de vos plaies ».

Je viendrais à ce pays mien et je lui dirais : Embrassez-moi sans crainte... Et si je ne sais que parler, c'est pour vous que je parlerai».
Et je lui dirais encore :
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n'ont point de bouche, ma voix, la liberté de celles qui s'affaissent au cachot du désespoir. »

Et venant je me dirais à moi-même :
« Et surtout mon corps aussi bien que mon âme, gardez-vous de vous croiser les bras en l'attitude stérile du spectateur, car la vie n'est pas un spectacle, car une mer de douleurs n'est pas un proscenium, car un homme qui crie n'est pas un ours qui danse... »

In Cahier d'un retour au pays natal, Aimé Césaire

mardi, 15 avril 2008

(CENT NOMS)

363884530.jpg

Photo de Matthieu

(L'internaute perspicace aura remarqué l'ombre que seul un soleil ensoleillé pour de bon peut projeter!)

Le Rhône ne ronronne pas. Bien trop occupé à charrier troncs et branches qu'il est. Comment pourrait-il aussi aspirer à être un fleuve paisible lorsque ses rives se gaussent de noms de lieux rivalisant avec Les Îles Indigo. Le long de la balustrade -serait-ce un établi?- ils sont tous vissés mais pas indévissables.  De quel atlas ont-ils tous dérivé? D'Homère à Artaud, quels imaginaires ont-ils balayé?

Loin

Samaitapa Soie d’eau Utopia Calypso Ouessant
Migravent Nuages d’eau
Des airs Désert Pays de Gaia
Abecca
Chapeaux vides Girafawaland
Thaïs Ptyx Légumophone
Sur quel air les fenouils et navets fredonnent-ils?
Pays des vieux papiers
Les troncs et les branchent venaient-ils de là?

Rien Nutopia
Et sur le même principe, nubuesque nuluberlu

Jardin du géant égoïste
Youchou UFFA Hooloomooloo
UFFA se prononce Oufa
Xiros Paflagonie
Petaouchnok Vemish
Oracle de la bouteille
Oog
Ombilic des limbes

Sans nom

Anonyme aussi celui qui a vissé incognito sa plaquette We are all haunted houses. Quels sont donc les esprits qui hantent nos esprits?

mardi, 08 avril 2008

CAROTTE, ÉCHALOTTE, HERBE ET NEIGE

451879736.jpg
Tous les matins, j'ai regardé par la fenêtre ma mère danser avec ses bâtons de pluie: elle levait les jambes puis les bras, telle une indienne indigotière.
Tous les matins je lui disais que cela ne marcherait pas, espérant que les voisins ne la verraient pas. Autrement, la honte, Hannah!
Résultat: hier matin, elle a enfin abandonné bâtons et parapluies. Certes, il ne pleuvait plus... il neigeait! Ma mère déprimait au bord de la fenêtre, le regard perdu. Moi, je l’ai remplacée dans le jardin non pas pour danser mais pour fabriquer un jardinier de neige.
Conclusion : le soleil est de retour aujourd’hui.