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dimanche, 07 mai 2023

CHUt (11)

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Faut-il dire désépingler ou dépingler du linge accroché à un fil ?
Et pour un corsage ou même un corps, est-ce désagrafer ou dégrafer ?

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samedi, 06 mai 2023

CHUt (10)

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Quelle info était à la une des matinales ce matin sur France Culture ou Inter ? 
Je vous entends me dire avec assurance le couronnement du roi d'Angleterre. Je m'entends vous répondre ben non, perdu. 

Très loin des fastes qui endorment tout un peuple (ou presque), un îlot de résistance, Des bâtons dans les routes, s'est dressé à Léry dans l'Eure.  Objectif : contrer un projet autoroutier qui décimerait notre forêt. Une foule venue des quatre coins du pays a convergé vers cette zone à défendre. On est des milliers à se déployer en un cortège silencieux et respectueux sur les chemins forestiers. Objectif : mener des actions pour empêcher la coupe des arbres ou protéger voire inviter des espèces en voie de disparition. Comment s'appelle-t-il ce petit rongeur, entre muscadet et mascaret ? Les copines me répondent en choeur : le muscardin !

Lorsqu'on rejoint le champ de base, on croise la route joyeuse des clowns de la Maison de la Poésie, tout droit venus de l'île du Roi. L'une lance : jamais, on va pas se laisser mollir. J'accueille le slogan comme une ligne de vie. 

Aujourd'hui, je ne suis pas allée au CHU. Je t'envoie une photo de la première orchidée sauvage croisée dans la journée. Bientôt nous retournerons voir celles des coteaux d'Orival. 

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vendredi, 05 mai 2023

CHUt (9)

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Ah : deux lettres rencontrées chaque soir en descendant sous le pont Corneille. Lisez-les à voix haute, elles révèleront votre état intérieur, entre effroi et joie en passant par l'étonnement. 
Ce soir, je les ai vues comme un long éclat de rire : tu quittes le CHU lundi !

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jeudi, 04 mai 2023

CHUt (8)

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Nouvelle cartographie, ce matin. Je pars de la Métropole et longe la Seine jusqu'à l'Omnia pour voir L'Adamant. Un trajet sans tangente ni détours. Une ligne droite, des panneaux solaires de l'une aux panneaux de bois de l'autre. C'est si simple de faire entrer la lumière : il suffit d'incliner les panneaux à l'horizontale. 

L'itinéraire de l'après-midi m'est connu : je longe à nouveau la Seine entre les ponts Boildieu et Corneille, je photographie deux bittes d'amarrage marquées d'un 4 et d'un 5 puis remonte vers le CHU.

Je ne sais plus combien de fois les portes vitrées se sont ouvertes pour me laisser entrer. Autant de fois qu'elles se sont ouvertes pour me laisser sortir. Est-ce que je transforme un peu ce lieu à chaque passage ? Et lui me change-t-il en retour ?

Tout est en mouvement : mon corps dans la ville, le tien dans un lit. Pourquoi une situation même empesée par les années y échapperait-elle ? Les arbres me le rappellent qui  tout autour ne cessent de se métamorphoser.

Tu te rapproches du jour où tu sortiras. Je glisse autour de ton poignet, sur le code-barre de l'hôpital, un bracelet de turquoises pour t'accompagner sur ta dernière ligne droite. 

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mercredi, 03 mai 2023

CHUt (7)

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7ème jour
J'ai entendu parler d'un qui au 7ème jour avait fini son ample tâche et se reposait. On est moins rapide par les temps qui courent. Courir, tu n'en es pas là mais emporter ta perche et tes poches dehors, ça y est, tu le fais. On s'assoit sur un rebord face à des pavots jaunes. Ton jardin te manque. Tu aimerais voir tes jasmins se déployer, tes rosiers s'ouvrir. L'herbe n'a-t-elle pas trop poussé ? En attendant tu lis un bouquet impérissable : Hyacinthe et Rose de François Morel. 

Il y a un matin, il y a un soir. Je repars à pied. C'est en travaux autour du CHU. Il faut slalomer entre les barrières, la poussière et les trous. J'aime cet entre-deux avant les boulevards rectilignes. Je marquerai une pause au pied de l'arbre qui se remet d'une intervention chirurgicale. Comme chaque soir à la même heure depuis sept jours, je verrai apparaître une silhouette reconnaissable de loin. Iel est longiligne et avance d'un pas décidé. Une longue mèche cache le haut de son visage. Il y a dans son regard une impertinence fragile ou une fragilité impertinente, je ne sais. Iel semble s'être échappé d'une scène de Thomas Jolly ou d'un plan d'Almodovar. Et moi, ça m'apaise de le/la croiser dans cet entre-deux.

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mardi, 02 mai 2023

CHUt (6)

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Entre le champ de lin d'hiver qui libère enfin ses fleurs, prémices d'une marée bleue et la voie verte impassible, il y a eu la reprise des cours et un massage. Le CHU aujourd'hui n'a été que vocal : ta voix enjouée malgré tout qui s'échappe du bocal. 

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lundi, 01 mai 2023

CHUt (5)

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Pour la 5ème fois, je reprends la route jusqu'au CHU. Assez de jours pour dire que c'est devenu un rituel. Je croise les mêmes qui vont voir un proche, souvent le regard hagard ou triste.

Depuis le premier jour quand j'attaque la longue allée qui mène à la porte vitrée, je mets mes écouteurs et écoute Universo de Dom La Nena. Très fort. La contrebasse me porte vers le haut jusqu'au 2ème étage.

Pour la 1ère fois, je prends les escaliers (je les ai enfin trouvés). Sur une des marches est inscrit "un grand pas pour votre coeur". Mon grand pas à moi, c'est quand j'ouvre ta porte. Ta tribu est en train d'attacher au dessus de ton lit une cordelette et au bout de chaque minuscule épingle à linge, des photos prises cet été dans notre périple ami.es-randonnées : les Coquets, Le Fayet, Saint Jean de Bueges et Saint Etienne.

Tu me dis : tu crois que ça se fait ? F., l'aide soignante te le confirme. Tout se fait pour que tu ailles mieux au plus vite. Tout se fait pour qu'un jour nous remettions nos chaussures de rando et que nous parcourions à nouveau les chemins.

Ce soir, sur la route du retour, je me suis dit : la vie est en train de redevenir plus douce et moi plus légère.

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dimanche, 30 avril 2023

CHUt (4)

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16h
RDC, sens montée, fermeture des portes, (comment iras-tu aujourd'hui après une nuit chaotique ?), ouverture des portes, 2ème étage.
A droite deux fois, slalom entre les machines jusqu'au fond du couloir, chambre 213. 

Je toque, ouvre la porte : ça a presqu'une gueule de quotidien, ta tribu est encore là et ça rigole, en chaussettes assise à même le sol ou trônant sur des chaises. 
Tu es côté porte, prête à déguerpir quand on t'y autorisera.

Côté fenêtre, tu as une nouvelle coloc. Elle parle fort et en continu sans jamais écouter ni mari ni fils. Seule une chute de tension la mettra tout à l'heure en mode pause, quelques minutes.

J'aimais bien celle d'hier. Le premier jour, alors que j'arrivais, elle a lancé un "la salope" tonitruant. Elle injuriait une actrice d'une série de seconde zone à la télé, allumée en continu. L'infirmière qui n'avait pas réagi assez vite à son alarme rouge, le chauffeur de taxi qui avait un retard regrettable un jour de sortie, elle les accueillait en leur disant "panpan cucul ", geste à l'appui.

Tes poches se vident à la vitesse de 29 ml par heure, je crois : jaune fluo ultra vitaminé, blanc laiteux en guise de repas et acupan. 
Ce matin, on t'a dépansée (il ne reste plus que le grand pansement), tu me montres tes agrafes. Ça avance, jour près jour, inexorablement. Si rapidement. Tu as remis tes boucles d'oreilles arbre de vie. 
On regarde en partageant des écouteurs (toi l'oreille gauche, moi la droite ) le 4ème épisode de la série Dime quien soy
oui dis-le moi

20h
Pour la première fois, tu me raccompagnes jusqu'à l'ascenseur, slalom avec ta perche et tes poches dans le couloir, gauche deux fois. Je dépose un baiser sur ton bonnet orange.
2ème étage, sens descente, fermeture des portes, (estomac noué), ouverture des portes, RDC.

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samedi, 29 avril 2023

CHUt (3)

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ce soir-là
je laisse ma paume contre ta paume 
puis rentre me coucher pour décocher les pensées sismographes

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vendredi, 28 avril 2023

CHUt (2)

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ce jour-là
pour penser à ta longue immobilité au bloc
je suis parcourue par la nécessité de traverser la ville
je monte au panorama 
au-dessus des bruits
puis redescends en bord de Seine 
en-dessous des bruits

nulle part un vrai silence

je retourne dans ta chambre
ça bippe tous les quarts d'heure
je ne sais quelle route suivre
sur ton corps devenu parchemin
tu reviens de si loin

par la fenêtre on entend
un hélicoptère
aussi entêtant qu'un marteau piqueur
et les pétales tomber

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jeudi, 27 avril 2023

CHUt (1)

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Ils entrent dans le paquebot urbain
pour éviter le naufrage
ou rafistoler la fissure dans la digue

c'est un concentré d'humanité à la marge de l'humanité

l'abîmée, le froissé, la boiteuse, le pansé, la muette
tremblement secret
ta tête nue sous le turban
bouleversement profond

les courbés, presque tous

il te faudra beaucoup de patience à l'écart des mouvements du monde. Un jour viendra où tu ressortiras et tu seras kintsugi. 

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