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lundi, 22 août 2016

Epoustsoufflant

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Petite pause dans mon carnet de voyage toscan pour saluer le départ de J. avec ses deux filles...

Ce matin, tu as pris la route, bien décidée à ne pas la rendre, du moins jusqu'aux causses. Ton éclat dans tes yeux et ta fierté quand tes mains se sont enfin posées sur le volant, je les imagine. Tu as sans doute jeté un coup d'oeil par la lucarne. Derrière toi, tout un début de vie et ton esprit nomade qui a si longtemps trépigné, qui n'en pouvait plus d'être assis. Tu l'as installé entre tes deux filles. Il t'a dit ça y est tu ne rêves plus, tu t'inventes. Oui je suis sûre que ce sont les mots qu'il a employés. Derrière toi aussi, ton camion circassien. Chaque recoin a été pensé, mesuré, bricolé pendant de longs mois : les lits, la cuisine, la douche, les étagères et même les toilettes sèches.  C'est désormais un studio ambulant.

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Jusqu'à ce vieux jean que tu as dû traîner les soirs de désespérance et les matins de lumière. Il est devenu vide-poche. Tu pourras y mettre tout ce qui n'est pas essentiel et garder le reste précieusement pour toi.

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Peu de gens savent ce que c'est de tout quitter. Les amis qu'il faut saluer avant le départ, avec un rhum qui a la force de l'appel de la vie. Les souvenirs à ranger dans les albums. Lesquels prendre, lesquels laisser ?

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Malgré tout, c'est un combat ordinaire qui t'attend. Celui que tu as choisi comme une évidence. Si certains en chemin trouvent que tout cela est mauvais genre, pense à leur offrir ton sourire et la certitude qui t'a mise sur la route ce matin.

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Demain, tu ne seras pas arrivée à Florac. Parce que ton camion a déjà beaucoup vadrouillé. Parce que tu prendras le temps pour passer d'ici à là-bas. Après-demain, peut-être. Peu importe, pourvu que jour après nuit, un vent époustsouffflant te porte.
Que la route te soit douce et légère...

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jeudi, 21 août 2008

JOURNÉE ORDINAIRE

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Après mes dernières tribulations, j'ai décidé ce matin en posant le pied droit au sol de vivre une journée ordinaire. Ne surtout pas céder à la tentation de lire Rien dire de Bernard Friot. Encore moins se soucier de l'orteil -pas le mien celui sur la couverture du livre que je ne veux pas ouvrir- qui émerge de la chaussette trouée pour me faire de l'oeil.
Aujourd'hui sera une journée tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Cela commence par un retour à la nature, courgettes folles et herbes hautes me voici!
Au bout de la rue, à côté de chez moi y a les voisins -jusque-là rien que du très normal- sauf qu'aujourd'hui les voisins ne le seront bientôt plus. Ils déménagent. Le camion est plein pour un dernier voyage, manque seulement la caisse de Miou. Enfin, la caisse est là mais pas le chat. Alors Thomas, le fils anciennement rasta et nouvellement philosophe-anarchiste, cherche Miou, le chat définitivement apolitique, pour le mettre dans la caisse. Je crois bien que le fils comme le chat ne sont pas pressés de quitter la bicoque au bout du chemin juste avant le champ pour un pavillon avec terrasse plein sud. Et  à le voir le fils sans le chat, le cheveu ras et la barbe près de la joue, la caisse à la main, il me fait penser au Marco de Combat ordinaire.

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Et d'un coup, ça me fiche le blues. J'aimais bien quand il passait: on s'asseyait dans la cuisine au dessus d'une bière ou d'une tisane -son clope roulé s'accomode de tout breuvage- parfois on refaisait le monde mais plus souvent on parlait d'écriture.
Mes velléités du jour, il ne leur en faut pas plus pour s'effondrer. Je me dis même que ce n'est pas ce matin que je rendrai les courgettes sages et les herbes rases. J'enfourche mon vélo, direction Poses. Là-bas, sur la Seine, il y a le barrage. Quand on s'aventure dessus, ça bouillonne jusqu'à l'étourdissement sous les pieds. Ca avale les tristesses et les colères avec fracas. Puis on finit toujours par arriver juste après, à l'écluse. Ce qu'on avait cru être la fin du monde s'apaise soudain. Les mouettes y paradent comme savent parader les mouettes, crânement. Les bruits s'économisent. Une péniche attend de passer sous les commentaires d'un grand-père averti. Pour ses petits-enfants, il manie le babord et le tribord avec facilité. Sur son avant-bras gauche, une sirène se prélasse. Celui-là me fait penser au planteur de clous de Combat ordinaire

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Aussi quand on engage la conversation et qu'il raconte les années passées comme batelier, des semaines sans mettre le pied à terre si ce n'est pour décharger, je souris à l'extérieur et à l'intérieur. Et sur le chemin du retour, je me dis même que Ce qui est précieux, ce sont peut-être bien Les quantités négligeables...