mercredi, 08 juillet 2015
Un petit vélo dans la tête
Athènes, mai 2015
Retour sur un enchaînement de jours.
Mardi 30 juin, direction le fin fond de l'Eure pour aller corriger une quarantaine de copies de brevet. Louviers-Gisors : une cinquantaine de bornes sous la canicule, pas de clim' dans la voiture. J'éprouve néanmoins de la tendresse pour les trente premières bornes. Trois mois plus tôt, D. avait choisi cette même route, plutôt que l'autoroute, pour nous emmener mon morveux et moi à Roissy. Nous nous envolions pour Athènes.
Les vingt dernières bornes, je passe en terre inconnue. Sur le siège passager, la carte vole au vent, pas de GPS dans la voiture. En revanche, j'ai la radio : Alexis Tsipras convoque un referendum pour le 5 juillet. L'air est soudain plus léger dans l'habitacle. Tsipras, c'est Prométhée qui refuserait de se laisser dévorer le foie jusqu'à la fin des temps.
Athènes, mai 2015
Dimanche 5 juillet, les Grecs ont dit "oxi" au plan d'austérité des vautours européens. Ça nous avait étonnés mon morveux et moi. Que les Grecs disent "oxi" pour dire "non" et pour dire "oui" disent "nai". On s'emmêlait un peu les pédales quand on voulait répondre en grec.
Cet "oxi" fait dérailler un système que les créanciers pensaient bien huilé. Cet "oxi" est un premier domino qui va en entraîner bien d'autres. Cet "oxi" est la fin d'un système.
Athènes, mai 2015
Lundi 6 juillet, premier jour des vacances. Je troque voiture sans options contre VTC. Entendez par là Voiture de Transport avec Chauffeur Vélo Tout Chemin. Direction la côte normande avec A. et N., deux fous du guidon, pour le plaisir de dérouler nos roues sur les routes.
Louviers - Dieppe, via Forges-les-Eaux : 110 bornes, sous la canicule, loin des bruits du monde. A., la carte sur sa sacoche avant, est notre GPS. J'éprouve de la tendresse pour chacun des kilomètres qui successivement reçoit nos coups de savate ou de pompe, nos discussions à bâton rompu ou nos pensées silencieuses. Je laisse mon esprit divaguer sur les dernières semaines : le jardin des possibles qui est redevenu lieu de partage, le spectacle vu à Vivacité, Marée Basse - deux comparses, hantés par le passé qui jouent avec le danger pour se persuader qu’ils sont bien vivants - de la compagnie Sacekripa. Ca s'écrit pas, ça s'écrie dans ma tête, tour de roue après tour de roue.
Nous finissons tard dans la nuit et la ligne d'horizon est notre ligne d'arrivée. Nous trouvons bien mieux que les galets de la plage comme matelas : une dizaine de planches de chêne devant le poste de secours reçoit nos corps fourbus, nous improvisons des oreillers avec nos sacoches et une couverture avec la voute étoilée.
Nous nous laissons bercer par la marée montante sans demander notre reste.
Le lendemain, au tout petit matin, le ciel est flamboyances exacerbées et mouvances sur palette de rouge, orange et violet.
Plus tard dans la matinée, le front de mer était à nouveau tiré au cordeau : de la ligne d'horizon à la ligne de notre matelas en passant par la ligne de galets.
Nous avons pris la route du retour en passant par le cimetière marin de Varengeville.
12:56 Publié dans BAL(L)ADE, EXPRESSIONS ITINERANTES | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : dieppe, athènes, marée basse, sacekripa, dw. | Facebook |