dimanche, 28 juillet 2013
Tangage et tangente.
En arrivant à Quinçay, j'ai posé mon sac dans la roulotte pendant que mes deux morveux s'installaient en face dans la maison en ossature bois. En trois temps et deux mesures, le quintet des cousins et cousines s'est reconstitué. Le soir, alors que le monde s'inclinait devant le râclement des grillons et des cigales, la terrasse s'est laissée bercer par les accordéons, ocarina, flûte traversière et guitare. Erev shel shoshanim. Flatbush valtz. Autant de temps qui remontaient. Quand tous ont quitté la table, je suis restée avec Dw. Et entre nous deux, la mémoire moirée.
Tard dans la nuit, parce que la parole ne peut s'épuiser en une seule soirée, j'ai regagné la roulotte et son étroite voûte en bois. J'ai ouvert les fenêtres aux quatre points cardinaux. Au loin, des orages lézardaient l'obscurité, en silence. J'ai cédé au sommeil. Vidée ou rassasiée, je ne savais plus trop.
Deux heures plus tard, des rafales de pluies propulsées par des vents bourrasqués ont traversé l'espace, entrant par l'est, sortant par l'ouest, se lançant aussitôt dans un demi-tour. La roulotte s'est mise à tanguer de droite à gauche, à bringuebaler d'avant en arrière. Dehors, le ciel avait allumé un néon violent et ininterrompu. Murs liquides et lumière aveuglante. Si j'avais eu la présence d'esprit de chercher quelque métaphore pertinente, le ventre d'une baleine m'aurait encore semblé réconfortant.
Au loin, très au loin, la maison en ossature bois. M'élancer sans réfléchir, espérer quand même l'égide de quelque divinité bienveillante, traverser la pelouse embarbouillée, pousser la porte-fenêtre, refermer la porte-fenêtre et me retrouver nez à nez avec ma morveuse, E. et Dw. Le chemin des dames, ça devait être quelque chose comme ça, en bien pire, a dit E. Il ne nous restait plus qu'à veiller, tous les quatre, sur le canapé, le temps que ça passe. E. a parlé de son prochain spectacle -c'est bien qu'un gars comme lui s'attelle à la guerre de 14, ses trous d'obus et de mémoire- de Gaston Couté et ses mangeux d'terre. Le temps est passé et avec lui, l'orage. J'ai repris le chemin de la Dame, sans me presser. Sur le plateau de la vieille table en bois de la roulotte, l'électrocardiogramme s'était apaisé.
13:14 | Lien permanent | Commentaires (21) | Tags : les mangeux d'terre, gaston couté, flatbush valtz, erev shel shoshanim, dw. | Facebook |