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samedi, 05 décembre 2015

Du souffle dans les mots (5)

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Nikhil Chopra, inside out
Follia continua !, Cent quatre, Paris

5ème jour du calendrier du "pendant"

Peut-être un jour tout fondra
goutte à goutte
comme ces icebergs devant le Panthéon
qui décapsulent des bulles
d'un air vieux de dix mille ans
Peut-être un jour tout s'effacera
trait à trait
chacun de nos écrits
chacune de nos pensées
Ce jour-là tous les dieux que nous avons inventés
tremperont-ils un trait dans une goutte
pour écrire une nouvelle histoire ?

Rapport parlementaire, Eric Chevillard, in Du souffle dans les mots
" (...) Mais je ne suis pas venu pour vous menacer, Grand Sachem, Votre Honneur, Très Saint-Père, pardonnez-moi, je ne suis pas encore au parfum de toutes vos simagrées, votre présence excite plutôt les réflexes défensifs de ma glande anale, Mesdames, Messieurs, Sérénissime Altesse, je me défends plutôt, je ne vous menace pas, vous n'avez pas besoin de notre rostre ni de nos griffes pour vous déchirer de haut en bas. je vous dois cette justice : vous toussez avec nous dans le nuage produit par votre cerveau en surchauffe. Vous avez mis le feu au ciel, la banquise se défait, nous dérivons sur cet iceberg qui ne sera bientôt plus assez gros pour rafraîchir votre whisky. Chacune de vos Seigneuries crache plus de fumée qu'un volcan et vous avez le front de justifier vos éradications en nous traitant de nuisibles ou de parasites ! Or qui est le plus contagieux, dites-moi ? Nous mourrons de vos grippes, la tremblante de l'homme nous décime sur nos cimes. Mesdames et Messieurs, vos mains sont d'implacables cisailles, des faucilles, camarades, la forêt recule quand vous apparaissez : vous lui faites peur ! Le désert progresse sur vos talons, vous semez du sable derrière vous pour retrouver le chemin de votre maison vide, de votre jardin mort, de votre solitude. "

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vendredi, 04 décembre 2015

Du souffle dans les mots (4)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris


4ème jour du calendrier du "pendant"
Hier, je suis partie bosser à vélo. Sur la voie verte, le long de l'Eure, la route file entre brumes et lever de soleil. Je me suis surprise à penser à ce jour où l'indemnité vélo ne serait plus en mode rétropédalage et à cet autre jour où il n'y aurait plus d'indemnité vélo parce que tout le monde serait contraint d'aller à vélo sur son lieu de travail.

Aux enfants, Marie Desplechin, in Du souffle des mots

"Chers amis de sept à dix-sept ans, chers amis,
Ce discours s'adresse aux enfants et aux adolescents, à eux d'abord, et même à eux seulement. Après tout, la plupart des gens qui prennent des décisions aujourd'hui seront morts ou dans un sale état quand les conséquences du changement climatique se feront sentir. Je veux dire : quand ça va chauffer pour de bon. Les vieux ont fait de bonnes choses, l'imprimerie, les droits de l'homme, le vélo, les vaccins, le cinéma, la contraception, l'internet, bravo, très bien. Mais compte tenu de l'état dans lequel ils vont laisser la planète en partant, ils devraient évaluer courageusement ce qu'ils ont fait, pas fait, et ce qu'ils ont laissé faire. Ils devraient faire preuve d'un peu de modestie. Parce que franchement, il n'y a pas de quoi se vanter. Personnellement, je ne serai pas choquée qu'on accorde demain le droit de vote à des enfants de sept ans. Ce sont eux qui vont boire la tasse."

(L'intégralité du texte est à écouter sur Fictions / Vie Moderne)

marie desplechin aux enfants, follia continua, cent quatre

mercredi, 02 décembre 2015

Du souffle dans les mots (2)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris

2ème jour du calendrier du "pendant"
Ce midi dans ma boîte aux lettres, j'ai trouvé l'enveloppe plastique "urgent élection". L'état d'urgence, décidément s'infiltre partout. Deux fois plus de feuilles que de partis. Je franchirais presque le pas pour nommer ce fatras de papiers et ses guirlandes de slogans à deux euros pour un monde meilleur "prospectus". La seule chose qui me retienne est l'étymologie même du mot "prospectus" : voir en avant. Non, l'aveuglement de cette paperasse et ses promesses qui rejouent l'éternel refrain d'un monde sécurisé ou écolo ne peut même plus s'appeler prospectus.
Toujours ce midi, j'ai lu ceci : le maire de Béziers prévoit de monter sa propre milice pour protéger sa ville.

Chaos primitif, Boualem Sansal, in Du souffle des mots
"Pour avoir longtemps vécu dans un environnement fortement dégradé, je parle là d'un état de guerre civile d'une effroyable barbarie aggravée par une gouvernance criminelle et des complicités contre nature qui font les dessous des relations internationales, avec ce que cela apporte de douleurs, de questionnements et de colères, je sais qu'il y a pire que la guerre elle-même, c'est l'effondrement de la morale et des valeurs qui portent la société, changement que l'on voit venir, s'enraciner en un rien de temps, puis se généraliser avec brutalité, contre lequel on veut encore se défendre mais en vain. Un à un et tous ensemble, on est happé par ce trou noir qui se déploie autour de nous en même temps que la guerre gagne et réduit le monde à sa plus simple expression, un chaos primitif où la violence des hommes vient ajouter au déchaînement des éléments."

(L'intégralité du texte est à écouter sur Fictions / La vie moderne)

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mardi, 01 décembre 2015

Du souffle dans les mots (1)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris

Ca y est. Nous y sommes. Vous avez dépavoisé vos profils facebook. Le drapeau français n'est plus votre seconde peau. Vous avez hésité à le remplacer par le drapeau malien. Pas d'application proposée. Il est des priorités même sur les réseaux sociaux.
Vous vous demandez comment habiter cet après. Vous serez peut-être allés boire un verre en terrasse, vaillamment, ou alors vous aurez pris un billet pour un concert, héroïquement, ou bien encore déposé une paire de chaussures, Place de la République, résolument.
Le soir de retour chez vous, le soir de retour chez moi, nous nous sommes retrouvés, il faut bien l'avouer, le coeur décousu : les actes symboliques deviennent si dérisoires face à l'ampleur de ce qu'il faut accomplir. Nous tendons une oreille aux discours politiques calamistrés, espérant quelque réconfort, alors même que nous savons qu'ils ont renoncé depuis longtemps aux utopies qu'ils énoncent, l'oeil ému. Des millions sont versés à l'Armée tandis que l'Education et la Culture deviennent des parents encore plus pauvres.
Hier, de passage à Rouen, j'ai fait un crochet par l'Armitière. J'y ai cherché un livre pour m'accompagner dans cette traversée du désert parce que je persiste à croire que la littérature fait battre bien mieux le coeur du réel qu'une BFM TV en boucle. J'y ai trouvé Du souffle dans les mots. Trente textes de trente écrivains qui cherchent, en un parlement sensible,  à édifier un lieu bon où vivre ensemble, un eu-topos.
En lisant un premier texte, j'ai eu envie d'ouvrir sur mes îles un calendrier du "pendant*". Pendant les onze jours de la COP21, je déposerai donc ici un extrait.
*Je croyais gamine que le fameux calendrier était celui de "l'avant".

Mardi 1er décembre
Le Barrage, Maryline Desbiolles, in Du souffle dans les mots
"Je pense aux chantiers des hommes, à nos chantiers arrogants, désespérés, magnifiques, et qui sont notre chair comme les lieux qu'ils bouleversent. Je pense tout en même temps à notre démesure, nos aveuglements, nos surdités, à l'attention constante et extraordinaire qu'il faut porter au monde pour ne pas que les désastres, ces désastres résistibles, nous prennent par surprise, dans nos lits, comme de petits enfants dans leur vêtement de nuit. Je pense à ce travail d'attention, de connaissance, à ce  travail qui est le nôtre désormais, dont chacun de nous a la charge, et je ne pense pas à lui comme un acte de contrition mais comme un immense chantier, arrogant, désespéré, magnifique."

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