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dimanche, 07 avril 2019

Les confidences de Marie Nimier

marie nimier

 C'est un peu comme si vous alliez à une séance chez votre psy, à ceci près que jamais vous ne voyez son regard et elle le vôtre. C'est un peu comme si vous alliez à confesse, à ceci près que vous ne vous confessez pas mais vous confiez, que vous n'avez pas dix Ave Maria à réciter à la sortie mais sans doute l'envie étonnée de dire Ave Marie !  De toute façon, le titre Les confessions n'était plus libre.
Et Les confidences est un mot tellement plus doux pour dire cette écrivaine qui, dans un appartement meublé a minima -deux chaises, une table, un philodendron sur parquet flottant et une patère- reçoit, les yeux bandés, des anonymes venus là pour raconter remords et regrets à vif que le temps n'a su apaiser, rêves et fantasmes.
Matière vive récoltée jour après jour. Puis ruminée.
"Faut-il vraiment que j'avale toutes ces choses qu'on me raconte ? Et non seulement que je les avale, mais que je les rumine pendant la nuit ? (...) L'écrivain tient de la vache. Combien d'heures lui faut-il pour métamorphoser un carré de prairie en un litre de lait ? Passer du solide au liquide, du vert au blanc... Dans sa grande lenteur, la vache tourne et retourne sa langue. Écrire est une histoire de temps. "
J'ai lu Les confidences, l'une après l'autre. Avec lenteur. M'obligeant à n'en découvrir qu'une par soir, à laisser la gorgée de lait se transformer en moi pendant la nuit. Et au réveil, toujours cette interrogation : si j'étais allée dans l'appartement meublé a minima, qu'aurais-je raconté ? Hier, j'ai tourné la dernière page. Ce matin, je me suis dit que, oui, c'est sans doute cela que j'aurais tenté de dire : l'émotion abrupte et à vif, l'été dernier au Bout du Monde, devant un colosse blanc, la tendresse contenue dans ses mains enveloppant celles de sa fille et leurs regards à tous deux portant loin. Le tremblement de mes mains, ce jour-là.

 

11:29 Publié dans ROMAN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie nimier |  Facebook |

lundi, 13 août 2018

Totems

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Totem et totem
Le Havre, août 2018
© Marie Nimier

En souvenir d'une journée que M. avait appelée "Les filles à la plage". Cela aurait pu être aussi "Jour de fête". Nous retrouvions deux amies syriennes, R. et D. installées depuis peu au Havre.

C'était déjà la limite du jour, quand nous sommes arrivées au bout du monde, fourbues. Nous venions de loin.

Du MuMa et ses créatures nées de l'écume et des rêves. De la côte que nous avions longée sous un ciel gris laiteux. De la digue que nous avions empruntée alors qu'une tempête mettait fin à ces jours de canicule : plus rieuses que les mouettes en troupeau sur les galets qui attendaient que le grain passe, si légères que les bourrasques qui faisaient gémir les mâts comme un choeur tragique auraient pu nous emporter mais nous avions tenu bon pour atteindre l'équilibre improbable d'un éléphant sur un homme. Du silence de l'église St Joseph où pour échapper quelques minutes au boucan du vent, alignées sur les strapontins nous avions improvisé un concert de vocalises entrecoupées de fous-rires. Du bistrot où nous nous étions réfugiées pendant qu'une pluie lourde recouvrait le bitume et que les éclairs découpaient les nuages.

Oui de tout cela nous venions, quand nous sommes arrivées au bout du monde, à la limite du jour.

La ville était loin derrière nous, le vent, la pluie et l'orage aussi. Il ne restait plus que la falaise abrupte, le roulement des galets sous l'écume et un colosse blanc.

Était-ce la tendresse contenue dans ses mains enveloppant celles de sa fille ou la force de son regard guettant ceux que la mer pourrait déposer sur le rivage mais nous nous sommes tues. Notre folle journée soudain suspendue. Il y avait dans cette crique quelque chose de sacré ou de profondément humain. Nous nous sommes assises et longtemps nous avons regardé au loin en silence, sous la protection du colosse blanc.
Avant de repartir, R. qui avait traversé montagnes et mers, bravé les dangers qui font le quotidien des migrants, a déposé une pierre sur un des cairns. A mon tour, j'ai déposé une pierre pour qu'un jour de grand vent, la sienne ne rejoigne pas les flots et ne s'éloigne de nos rives.

jeudi, 17 août 2017

Biffure 25

tu me vertiges.jpg

Ségrie Fontaine, août 2017

le bonheur
de nos mains qui ne se quittent plus
raconter
il y a des mots
j'ai envie de les dire
dans des carnets
à tisser

Mots rescapés des biffures de la page 154 de Les inséparables de Marie Nimier

06:26 Publié dans BIFFURES, ROMAN | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marie nimier |  Facebook |

mardi, 15 août 2017

Biffure 23

anse st martin.jpg

Anse St-Martin, août 2017

Qui sait
son chemin ?
On perd
l'égarement

bleu nuit
regarder longtemps
la diagonale
des migrations
à l'intérieur
comme si...

Mots rescapés des biffures de la page 11 de La plage de Marie Nimier