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mercredi, 16 mars 2011

LA TERRIENNE

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Terrienne, Jean-Claude Mourlevat, Gallimard

 

Quand on lit le dernier roman de Mourlevat, on se surprend à l’aimer, la terre, malgré tout, malgré ses tsunamis, malgré ses centrales nucléaires qui risquent de flancher à tout moment, malgré l’air qui menace de devenir irrespirable.

Quand on a lu Terrienne, on ne transpire plus, on ne respire plus de la même façon: cela ne se peut plus. Cela fait un bruit particulier à chaque passage, inspiration-expiration-inspiration. L’on veut réessayer tout de suite, sans attendre, pour s’assurer que cela continue. On a envie de tester les larmes au plus vite, pour s’assurer qu’elles sont bien là, en réserve, et les rires…

Etonnant roman qui voudrait nous faire croire que nous sommes loin du Combat d’hiver. Cela commence sur la départementale 8 entre Saint-Etienne et Montbrison : la route d’Etienne Virgil, 71 ans, auteur au bout du rouleau littéraire, croise celle d’Anne Collodi, 17 ans. L’un prend l’autre en stop. L’un a dans son portefeuille la photo de la femme aimée qui ne reviendra plus, l’autre tient dans sa main un scarabée vert, symbole de l’éternel retour. Tout les oppose trop pour ne pas continuer la route ensemble, de l’autre côté, là où faute de rire on cliquète : elle pour y trouver sa sœur, lui  pour l'aider mais aussi « pour voir l’autre côté du réel dont (il) parle dans (ses) livres. » Tout nous attache à ce couple hétéroclite.

Aussi, Monsieur Mourlevat, si vous passiez par là, je tiens à protester au nom de la sacro-sainte communauté de vos lecteurs. Comment avez-vous  donc pu penser l’impensable dans le chapitre Mangiate ? Comment vous êtes donc vous laissé séduire par cette idée qui passait par là ? On vous sent mal à l’aise, vous déclinez presque toute responsabilité : « je suppose qu’il se passerait quelque chose d’inattendu, quelque chose que personne n’aurait pu prévoir : ni les deux héros, ni le lecteur ni même l’auteur ». Et pourtant l'irréparable est là; on se prend à espérer que c'est pour de faux. Vous ne revenez pas sur votre geste, si ce n'est avec le titre du dernier roman d'Etienne Virgil, Le saut de l'ange.

P.S.: une telle révolte est sans aucun doute à la hauteur du plaisir que l'on a à lire votre roman...

 

mardi, 28 juillet 2009

CORRESPONDANCES

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Je regagne à l'instant mes pénates. Pas eu le temps de vous l'écrire pour vous prévenir. L'absence fut trop courte. Urs Haarinen a accepté de faire un détour ce matin avec son bateau qui assure la liaison entre Petite et Grande Terre pour me déposer sur mes rives. Je reviens le coeur lourd et triste d'avoir fini si vite Le chagrin du roi mort. Quel roman! Il me faudra le ranger à côté de Combat d'hiver, mais pas tout de suite. Le garder à portée de main encore un instant. Pouvoir dire dans les jours à venir, comment tu ne l'as pas encore lu, quelle chance tu as. Le glisser dans la valise de mes morveux avant qu'ils ne partent tout un mois.
Pour l'instant, il faut que je vous raconte quelque chose. Je vous entends déjà. Vous souriez, vous en appelez à une manipulation ou tout du moins une chronologie des faits remaniée par mes soins et pourtant...
Petit analepse: il y a quelques jours je vous ramenais l'inscription qui s'étalait sur les falaises d'Etretat. Je m'amusais alors du presque-même-nom Léa et Alex.
Hier, dès les premières lignes du chagrin du roi mort a surgi Aleks. Mon esprit, les deux pieds sur terre, s'en est d'abord amusé. Alex et Aleks. File la lune, cela n'est rien. Quand à ce même Aleks est prédit un très grand, très long et très bel amour, on se surprend à imaginer que la belle pourrait s'appeler Léa, mais déjà on oublie. Des chapitres plus loin, la belle entre en scène, on attend que soit dit son prénom, on espère un peu qu'une simple coïncidence prennent les atours d'une mystérieuse correspondance...

"Il ne pouvait se résoudre à l'idée de s'en aller comme ça. Mais que faire? Sans doute ne parlait-elle pas la même langue que lui. Dans un instant elle baisserait les yeux et ce serait fini. Alors il fit ce qui lui semblait le plus simple et le plus juste: il se désigna du doigt et dit son prénom:
- Aleks.
Elle hésita une seconde, étonnée, puis elle se désigna de la même façon et dit son prénom:
- Lia.
Ce fut le premier mot qu'il entendait de sa bouche. Derrière on poussait.
- Tu avances, oui ou non?"

Ne poussez pas, j'avance, même si mon pas est soudain moins assuré...

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Le chagrin du roi mort, Mourlevat
Gallimard jeunesse

 

 

lundi, 27 juillet 2009

VENT DU SUD

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Photo de Moucheron

Il me faut quitter mes îles indigo quelques temps et rejoindre au plus vite Petite Terre. Là-bas, le roi est mort et tout dans l'air vespéral dit son chagrin. Brit, chargée d'années, m'attendra sans doute sur le rivage -peut-être l'avez-vous déjà croisée, vous aurez été marqués alors par les uh-uh qui ponctuent invariablement ses phrases. Elle ne sait pas encore qu'elle ne peut plus prétendre à plus d'éternité que le xéranthème. Elle est sans aucun doute entièrement responsable de tout ce qui se produit sur Petite Terre aujourd'hui -que pensait-elle qui pourrait se réaliser d'autre en agissant comme elle l'a fait?- sans parler du feu qui brûlera, de ceux qui demain auront aussi définitivement tourné la page. Qu'elle en soit remerciée, sans elle, ce voyage n'aurait pas lieu. Il sera là aussi, le Grand Conteur, l'air goguenard de ceux qui se réjouissent de tenir entre leurs mains des possibles à l'infini. Tantôt, il prétendra ne pas en savoir plus que ceux de Petite Terre, tantôt, il me happera hors de tout ce brouhaha pour me dévoiler le fond du décor.
J'aspire à un voyage long et tumultueux. En attendant, je laisse les loupiotes allumées et la porte entrouverte...

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Le chagrin du roi mort, Mourlevat
Gallimard jeunesse

mardi, 24 juin 2008

COMBAT D'ÉTÉ

Dimanche, le centre de rétention des sans-papiers -il faudra que je cherche dans un dico la différence avec détention- de Vincennes a brûlé, de l'intérieur. Camp de la honte, l'enfer s'est enflammé. Les retenus ont sans aucun doute médité cette dernière issue. On pourra même les accabler de préméditation. Lu à l'instant le billet de François Bon sur tiers livre. Ses mots justes, juste ce qu'il faut.

Lu ces derniers jours La déclaration de Gemma Malley...

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Angleterre, an de disgrâce 2140
Un elixir de jouvence a accordé à chacun l’immortalité. Mais ce programme de Longévité est bientôt suivi de la Déclaration. L’immortalité a un prix : il devient impossible d’avoir des enfants. Tout contrevenant verra sa progéniture enfermé dans un centre de rétention de Surplus -esclaves des Légaux, ils doivent savoir Où-Était-Votre-Place.

La surplus Anna est détenue à Grange Hall. D'avant, elle a tout oublié. Elle ne se pose pas la question d'enflammer son enfer quotidien. Jusqu'au jour où Peter arrive qui se dit envoyé par ses parents...

"Les Légaux ont tous deux noms. Parfois plus. Moi non. Je suis juste Anna. Les gens comme moi n'ont pas besoin d'avoir deux noms, d'après Mrs Pincent. Un seul suffit. Elle n'aime pas le nom d'Anna, d'ailleurs; elle m'a même expliqué qu'elle avait essayé de m'en faire changer quand je suis arrivée ici. Mais j'étais une enfant bornée, je ne répondais qu'à Anna, alors elle a fini pa laisser tomber. Tant mieux -il me plaît moi ce nom. même si ce sont mes parents qui l'ont choisi.

Lu ces avant-derniers jours un autre roman dit d'anticipation Combat d'hiver de Jean-Claude Mourlevat...

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Dans un pays tout droit sorti de l'imagination de l'auteur, de jeunes gens vivent dans un centre de rétention, euh, dans un orphelinat. Lorsqu'ils apprennent qu'ils sont la descendance d'hommes et femmes éliminés par la faction totalitaire qui a pris le pouvoir quinze ans plus tôt, ils s'évadent et entrent à leur tour en résistance.


"Sur un signe de la surveillante, une fille du premier rang se leva et alla tourner le bouton de l'interrupteur métallique. Les trois ampoules nues éclairèrent la salle d'étude d'une lumière blanche. Depuis longtemps déjà, on pouvait à peine lire, tant il faisait sombre, mais le règlement était strict: en octobre, on allumait les lampes à dix-huit heures trente, pas avant. Helenpatienta encore une dizaine de minutes avant de prendre sa décision. Elle avait compté sur la lumière pour dissiper cette douleur qui logeait dans sa poitrine depuis le matin et remontait maintenant dans sa gorge, une boule oppressante dont elle connaissait bien le nom: tristesse. Pour avoir déjà éprouvé cet état, elle savait qu'elle ne pourrait pas lutter et qu'attendre ne ferait qu'aggraver le mal. Alors, oui, elle irait voir sa consoleuse, et tant pis si on était seulement en octobre et que c'était trop tôt dans l'année."


Comment dit-on déjà dans les films? Vous savez le rapport avec la réalité qui serait fortuit... Au train où nous allons, si nous continuons à nous laisser souffler dans les bronches -je rends à Toc-Toc sa suffocante expression- nous aurons bientôt une locomotive d'avance sur les romans d'anticipation.