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samedi, 16 avril 2011

CE QU'AIMER VEUT DIRE

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Tombe du plongeur, Paestum


Vendredi 15 avril
Qu’as-tu fait de tes frères ?
, Claude Arnaud, Grasset

Pour avoir trouvé du Caïn et Abel dans le précédent titre sélectionné pour le prix Inter, il me semblait justifié de continuer par celui-là. Je ne saurai jamais si l’auteur finit par répondre à cette interrogation et peu m’en chaut. Une écriture gonflée de ses propres béances, un univers familial étriqué, trois frères mais pas de plat de lentilles…

 

Samedi 16 avril
Ce qu’aimer veut dire
, Mathieu Lindon, P.O.L

« Les êtres qui méritaient qu’on leur rendent hommage, je les avais connus mieux que ceux qui leur rendaient hommage et ça faisait des années que, de toute mon affection et de leur vivant, je leur rendais hommage à ma façon, sans attendre une occasion sinistre. »

Tout ce récit pourrait se condenser, se resserrer autour du mot « hommage », au sens premier du terme. Rendre hommage, c’est accepter de devenir l’homme de quelqu’un, de devenir homme par quelqu’un, serais-je tentée de dire. Deux figures tutélaires : le père Jérôme –Lindon- et l’ami Michel –Foucault-. Un lieu : l’appartement rue de Vaugirard et son fauteuil tout au fond avec sa cohorte de LSD sur un air de Malher.  

Je ne suis pas sûre à l’issue de ce récit d’être capable de dire ce qu’aimer veut dire pour Mathieu lindon. Lui-même le dit-il qui clôt la dernière page par la sinistre blague carambar du maître qui face aux ossements de son chien, regrette que ce dernier ne puisse s’en régaler?

Le récit est à la fois puéril, fier d’être habité par ceux-là qui font la une de Libération à leur mort, je rajouterai à la liste Sam -uel Beckett- et Hervé -Guibert-, mais nous laisse à la porte : on n’y était pas convié et on regrette d’avoir voulu le croire.

Dimanche 17 avril
Revenir sur ce que j'ai écrit hier. Tenter d'affiner un verdict trop rapide. Que resterait-il de Ce qu'aimer veut dire si le récit n'était traversé que d'une cohorte d'anonymes? Est-ce cela qui dérange tant: que son auteur prône lui-même cet anonymat de pacotille en n'offrant à la lecture que des prénoms grossièrement amputés de leur nom? Ce n'est pas à la porte que le lecteur reste. mais l'oeil dans le trou de la serrure.

lundi, 25 février 2008

CANDIDE LETTRE

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Voilà, cette année, j'ai osé..

L'indigotière
27/04/69
Mère d’Hannah et Ephraïm
Professeur de lettres, parfois de mots et souvent de littérature jeunesse

Voilà, maintenant que les présentions officielles sont faites, il va bien falloir passer au vif du sujet : « les raisons de ma candidature et mes goûts littéraires » dixit le site de France Inter…

Ca a débuté comme ça : le 29 janvier 2008, j’étais sous la chaleur de la couette, immergée dans Une histoire de la lecture,  quelque part dans un entre-deux. Je venais de découvrir  que  la lecture silencieuse n’avait pas existé de tous temps. L’air froid s’engouffrait par la porte-fenêtre et Esprit critique par la radio en sourdine.  Mes cours ne commençaient qu’en fin de matinée. J’attendais que soit annoncé le nom du président du jury du prix Inter : promis après je me lèverais et j’irais rejoindre mes étudiants. Avant j’enverrais juste un mail aux copines, intitulé « Inter, c’est lancé ! »

Faut dire que pour la huitième année consécutive, nous nous réunirions avec les copines lorsque le printemps reviendrait. Tout le reste de l’année, nous partagions nos lectures, mais là nous relèverions à nouveau le défi : dix romans en huit semaines. L’excitation irait tambour battant, un jour de fête est souvent bruyant. Avant j’aurais bien sûr fait la razzia des presque dix titres à la médiathèque. Il en manquait toujours un ou deux mais la bibliothécaire, comme prise en faute, s’engageait à les acheter au plus vite. Et comme chaque année, nous improviserions un jury, 24h avant le verdict de l’Officiel, nous attribuerions notre prix France Inter.
Dans le groupe, il y en a toujours une ou deux qui rédigent une lettre de candidature, pour tenter leur chance. Moi j’ai bien failli, lorsque ce fut Nancy Huston  ou Jean Echenoz, et puis le manque de temps ou le défaitisme…

Cela ne m’empêchait pas d’imaginer ce que j’aurais pu y dire. Sans doute aurais-je décliné le verbe lire dans une impossible tentative de le circonscrire. Sans doute aurais-je aimé prononcer pour le plaisir d’entrechoquer entre eux les  auteurs et oeuvres de mon cortège littéraire. Peut-être aurais-je entremêlé les deux et ça aurait donné quelque chose comme ça:

Lire, c’est laisser ses seules mains comme présence et accepter la bonne aventure qui se dessine sur les lignes,
L’Atlas des géographes d’Orbae et Les derniers Géants de F. Place
Lire c’est s’entourer de silence pour entrer en dialogue avec le texte,
Quel livre résisterait le mieux au fracas  d’un voyage en TGV ? Lorsque le paysage est projeté incessamment sur la vitre, les lignes doivent être capables de filer, entêtées.
Lire aux éclats
Le monde selon Garp d’Irving et Eblouissement d’Egloff
Lire c’est presser le monde à ses racines
Le chant VIII de l’Odyssée, les Métamorphoses d’Ovide, la Genèse
Lire c’est remuer le verbe dans toutes ses strates
Le Dictionnaire étymologique d’Alain Rey
Lire c’est retourner en soi des terres en friche
La bibliothèque du salon et de la chambre en disent bien plus long sur moi que la planche réservée aux albums photos,
Lire en glouton avide
Vallejo et toute son œuvre engloutie sans aucune retenue après Ouest
Lire c’est être en dehors du monde et lui faire corps
Les voleurs de feu Bon, Michon, Bergounioux
L’acuité d’un regard porté sur le réel, Bashô et Proust
Lire c’est avoir toujours un livre dans son sac , roue de secours, au cas où
Lire, c’est devenir un espace tremblé, é-mot-ique
Terraqué de Guillevic
Lire c’est griffonner dans la marge, à quoi servirait autrement cet espace laissé blanc ?
Le vice-consul et Lol V Stein de Duras
Lire c’est inventer la part manquante du texte,
Michaux, Queneau et Perec, oui surtout Perec
Lire à haute voix c’est se donner un peu plus au texte
Lire c’est entrer en résistance au monde et décider d’en faire partie autrement
Un homme sans manteau de Jean-Pierre Siméon

Ca aurait sans doute donné quelque chose comme ça. Qu’on n’en parle plus !

Un rayon de soleil tient tête à l’air froid et  la radio est tout sourire :
-    Mais d’abord qui va présider le jury ? Vous êtes un homme, un écrivain, vous êtes … ?
-    Alberto Manguel !!!!!!!!!!!!!!! 

Ah, si seulement j’osais…

ndlr: Les points d'exclamation ne sont pas du fait d'Aberto Manguel mais de ma stupéfaction à ce moment-là, bien sûr.

à suivre...