mardi, 07 février 2017
Biffure 10
Honfleur, octobre 2016
le silence
à découvert
a abandonné
un doigt
sur mon épaule
- Il a dit quoi ?*
*Mots rescapés des biffures de la page 143 de Le quatrième mur de Sorj Chalandon
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samedi, 16 novembre 2013
Le quatrième mur (2)
Le quatrième mur: je l'avais découvert dans le dernier tournant de l'été. Chaque matin comme un rituel: courir jusqu'au panorama au-dessus de St Pierre du Vauvray pour accueillir là-haut, seule au-dessus des champs, le premier rayon de soleil. Oublier l'effort de la montée en écoutant dans mon I-machin Les Bonnes Feuilles, consacrées à la rentrée littéraire. Un corps qui court est étonnant: il est capable d'une écoute sans faille ni pensée parasite. Je me souviens parfaitement du timbre de la voix de Sorj Chalandon lisant l'incipit de son quatrième mur. "Tripoli, nord du Liban, jeudi 27 octobre 1983" La distance qu'il y avait dans sa voix. Cela ne concordait pas avec la violence des premiers lignes. Plongée "in medias res". Goût de poussière des premiers paragraphes.
Dans la foulée, je l'avais lu. Avidement. Inscrite aux abonnés absents pendant deux jours. Reculant le moment où il faudrait rejoindre le quotidien, y être à nouveau.
Depuis je n'avais eu de cesse d'en conseiller la lecture: si tu as un roman à lire, c'est celui-là. J'espérais pour lui quelque prix littéraire. Non pour la gloriole enfiévrée de l'antichambre du restaurant Drouant mais pour que se multiplie le nombre de ses lecteurs. Je clamais haut et fort, sur le ton convaincu de quelque Sibylle inspirée qu'il aurait le Goncourt. Il vient de recevoir bien mieux que le Goncourt: le Goncourt des lycéens!
18:07 Publié dans ROMAN | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sorj chalandon, le quatrième mur, goncourt des lycéens | Facebook |
jeudi, 05 septembre 2013
Le quatrième mur, Sorj Chalandon
Le quatrième mur: je n'aurais pas dû attendre d'atteindre la dernière page. Vous en parler avant.
J'aurais cherché les mots pour dire la promesse de Georges à Sam ou j'aurais cité un passage. "L'idée de Samuel était belle et folle: monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982."
J'aurais dit les routes empruntées par Georges -dans ses poches une photo de la première représentation d'Antigone en 1944 et la kippa de Sam- pour rencontrer sa troupe dans ce pays dévasté par la haine que se portent les différentes communautés: Antigone la Palestinienne sunnite, Hémon, son fiancé, un Druze du Chouf, Créon, roi de Thèbes et père d'Hémon, un Maronite de Gemmayzé, Eurydice, la femme de Créon, une vieille Chiite, les gardiens, des Chiites aussi, la nourrice, une Chaldéenne et Ismène, la soeur d'Antigone, une Catholique arménienne.
Je me serais attardée sur la première répétition dans ce cinéma poussiéreux, ouvert aux quatre vents, au croisement de toutes les frontières hérissées de barbelés et de certitudes. Thèbes devait ressembler à cela au matin de la mort d'Antigone. Je vous aurais raconté les négociations de chacun pour que son personnage ne se retrouve pas en porte-à-faux avec ses croyances et comment chacun accepte que cette trêve poétique soit aussi politique. Et j'en serais restée là.
Ce qui suit, la deuxième répétition en juin 1982 et l'histoire avec sa grande Hache, ses roquettes et ses bombes en invité de déshonneur, ce qui suit, Sorj Chalandon le dit avec une telle violence qu'on sait déjà qu'on ne trouvera plus les mots pour en parler après lui.
Il ne me restait plus qu'à rejoindre la dernière ligne et après elle, l'épilogue du roman et d'Antigone: "Tous ceux qui avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire - même ceux qui ne croyaient en rien et qui se sont trouvés rapidement pris par l'histoire sans rien y comprendre. Morts pareil, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer à les oublier et à confondre leurs noms. C'est fini"
Sorj Chalandon dans Les bonnes feuilles sur France Culture.
08:41 Publié dans ROMAN | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : le quatrième mur, sorj chalandon, antigone anouilh | Facebook |