vendredi, 29 juin 2007
PAS DE PAPIERS, AU PANIER!
Au panier!
Henri Meunier et Nathalie Choux
Editions du Rouergue
Un parc, avec des enfants qui jouent et des bancs où casser la croûte ou tricoter. Surgit un panier à salade et du panier trois représentants de l'ordre -autant dire de la bonne couleur- et de la bouche de l'un des représentants, un cri expectoré, un hurlement vociféré "pas de papiers, au panier" à l'encontre de tout individu coloré: une femme noire, un chat vert, un oiseau rose et même le soleil jaune, émigré d'Orient. Au final? Un parc plongé dans le noir avec peut-être des enfants et des bancs mais on ne les voit plus.
Si en en-tête d'un tel album, on lisait "Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ne saurait être que fortuite", on sait bien qu'on rirait jaune. Alors on y trouve un extrait de la Déclaration universelle des droits de l'homme sur la libre ciculation entre les Etats.
Par contre, sur le blog de RESF on découvre de quoi broyer du noir:
"Le jeudi 7 juin matin, je suis allée rendre visite à Sephora et ses parents.
De Toulouse, ils avaient été transférés au centre de rétention de Lyon Saint-Exupéry, un centre spécialisé pour les familles et les enfants en bas âge.
La maman ne va pas fort. J'ai apporté des jouets, des habits pour les parents, des gâteaux et du chocolat pour le moral.
Avant d'entrer dans la cellule de visite, j'ai laissé sur le comptoir un livre d'enfant qui s'appelle Au panier de Henri Meunier et Nathalie Choux aux éditions du Rouergue en disant avec un grand sourire «ça vous fera de la lecture». (C'est une histoire d'hommes en uniforme qui mettent au panier tout ce qui est différent.)
En sortant de la visite, ils n'ont pas voulu me laisser partir, ils m'ont gardée. J'ai eu la visite du lieutenant Sèvre qui m'a dit qu'il me confisquait l'ouvrage pour subversion (comme au bon vieux temps !).
Toujours avec un grand sourire, je lui ai répondu que je lui donnais bien volontiers…
Ils m'ont gardé un petite heure, pour noter mon identité en long et en travers, ainsi que les références du bouquin (que je vous recommande, il ne va pas rester longtemps sur le marché).
Je suis interdite de visite au centre !
Martine Vuaillat "
Ceci dit, je retourne dans ma subversothèque pour y dénicher un nouvel album.
A suivre...
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mercredi, 27 juin 2007
SPLATSCHH OU SPLAOUTSCH?
Un jour, pas plus tard qu'hier, je cassais la croûte, dans un parc, sur un banc avec un ami.
Georges Lebanc
Claude Ponti
Ecole des loisirs
Entre deux bouchées de galettes de froment au garum, nous déclamions, tirés d'une anthologie d'inscriptions pariétales -du latin paries, le mur- des graffiti romains (un ex. par là).
D'autres exemples par ici:
Quiconque m'invite à dîner, qu'il se porte bien!
Les marchands d'ail demandent d'élire édile Cnaeus Heluius Sabinus.
Salut à vous! Nous sommes de vraies outres!
Très rapidement poussés par le regard lapidaire des passants, nous avons remballés les miettes de la croûte cassée, le mulsum et le recueil. C'est alors que gravée sur le bois de notre siège est apparue cette inscription bancale -du français banc (!):
Lorsque je vois ce que les pigeons ont fait sur ce banc,
Je remercie l'Eternel de ne pas avoir donné des ailes aux vaches.
Vous me direz, ça ne vole pas haut ce matin. Je vous répondrai, connaissez-vous l'histoire de la petite taupe?
De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête
Werner Holzwarth et Volf Erlbrukh
milan jeunesse
Un album randonnée dans lequel une taupe qui n'est pas spécialiste es crottes avance d'un pas décidé pour retrouver le propriétaire de celle qui a atterri sur sa tête. De splatschh en pouf pouf pouf, de ratatata en clang-di-clang, de ssplaoutsch en vlouf, elle rencontre un pigeon, un cheval, une chèvre, une vache et un cochon qui tous mettent beaucoup de bonne volonté à prouver leur innocence. Les dessins réalistes se chargent de convaincre les plus incrédules. Deux mouches à merdre lui donneront enfin le nom du coupable.
(Sa vengeance sera terrible!)
Ca, c'est la quasi-ultime-réplique d'un narrateur qui, en contre-point du récit, commente le tout, incognito derrière une police de caractère plus petite, encadrée de parenthèses. La vengeance de l'experte es galeries souterraines sera donc terrible et onomatopéisée par un mémorable pling!
Mais là n'est pas le plus important... Cet album est surtout l'occasion pour le lecteur de se rendre compte qu'entre un splatschh ou un ssplaoutsch sur un banc, le premier est de loin le plus souhaitable!
Que les douces effluves de ce billet atteignent la tanière d'un certain Ours Gris...
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lundi, 25 juin 2007
ALBUM, ALBUM, ALBUM, ALBI, ALBO, ALBO...
... à chanter sur l'air de rosa, rosa, rosam, rosae, rosae, rosa sans oublier la prononciation!
Alboum
Christian Bruel et Nicole Claveloux
Être
Ce qui donne donc alboum, alboum, alboum, albi, albo, albo. Vous excuserez le côté répétitif des trois premiers couplets, mais il s'agit là d'un neutre.
Neutre, l'album? Il ne l'a certes jamais été. Au départ, il était plutôt blanc éclatant -c'est d'ailleurs ce que signifie le mot en latin- et désignait même des tablettes et pans de mur enduits de plâtre où s'inscrivaient les avis officiels, les appels à voter ou juste une petite phrase paradoxale, telle celle-ci:
Je m'étonne mur,
Que tu ne te sois pas effondré,
Alors que tu portes les niaiseries
De tous ceux qui ont écrit sur toi!
Passé dans nos contrées, il a désigné un registre que les voyageurs emportaient avec eux pour y consigner des faits marquants ou des autographes. Puis, lorsque les voyageurs ont posé leurs valises et qu'ils se sont mis à regarder des cartes, des photos et des timbres, l'album faute de recevoir le récit d'aventures du bout du monde s'est consolé avec ces bouts de papiers. Mais quand même, avoir fait le tour de la terre pour en arriver là! Alors il a ouvert grand ses pages pour supporter les illustrations et avec elles souvent les mots. Espace non anodin...
A lire cette pensée d'Elzbieta sur l'alboum trouvée sur le site de l'hôtel de Mora, le Centre de l'illustration :
« L'album illustré est le conservatoire de l'imagerie narrative, de ses procédés et de ses styles. Là est un gisement fabuleux, accessible à tous où sont sauvegardés, sans exclusion ni rejets, bien vivants et à l'abri de l'oubli, nos manières d'organiser nos pensées, nos systèmes visuels, nos techniques picturales, autrement dit de vastes pans de notre culture. L'imagerie des livres d'enfants est un art populaire au plein sens du terme, c'est-à-dire une de ses pratiques qui fonctionnent pour tous sans qu'il soit besoin d'expliquer... » (Elzbieta, 2005)
A cogiter aussi l'étymologie du mot illustration qui vient du latin lustrare qui signifie éclairer...
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samedi, 23 juin 2007
QUAND EN RÉALITÉ
En attendant que votre librairie reçoive L'ami indien, ces vers d'un poète amérindien...
J'ai écrit dans mon journal
que ce matin j'avais seulement mangé
une orange et du fromage
puis bu un bol de café lyophilisé
Alors, qu'à vrai dire, à l'aube, j'ai mangé
des lézards, coyotes, argent et cactus
plus un travailleur isolé dans le désert.
Je buvais le ciel, le soleil et les nuages ;
mes yeux consommaient plaines, montagnes,
pays, continents ;
les mots grondaient dans mon ventre.
Cette nuit j’émince et courbe la lune à l’ouest
et bois la liquoreuse plainte du loup.
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vendredi, 22 juin 2007
ECOUTER LES COULEURS
L’ami indien
Jean Touvet
Mouche, l’école des loisirs
Il est des petits bonheurs de lecture inattendus que l’on a envie de partager illico presto, histoire que l’on ait tous envie de se poser l’arrière-train sur une vieille voiture américaine toute rouge, pas trop amochée par le temps.
Comme ça, pour trois fois rien, juste pour écouter ce qui se passe, les couleurs et les odeurs, tout ce qui parle à la peau, tout ce qui bouge.
L’ami indien est de ceux-là : Jonathan a une conception des Indiens digne de l’âge d’or des westerns. Chevaux au galop, évidemment, tipis sous la lune, bien sûr, sans oublier le soleil masqué par la poussière soulevée par les bisons, comme de bien entendu ! Pourtant ce Québécois vit à la limite de la réserve de Chicoutimi. Le décor est en place pour que vienne le temps de la désillusion ! Le lieu, un car de ramassage scolaire, placez-y un jeune indien peu conforme et même en jean, au regard assez insistant pour qu’éclate ce cri outragé : « T’es pas un Indien, toi. Pas un vrai. »
Il peut toujours protester, le gamin aux stéréotypes emplumés, il vient de faire le premier pas sur cette route qui, de plume en galet, le mènera de l’autre côté, dans cet espace réservé où un grand-père regarde la terre autrement et l’Autre pour ce qu’il est vraiment.
A la chum qui a mis ces mots entre mes mains, mine et plume de rien...
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mercredi, 20 juin 2007
UN GRAIN DE FOLIE
Pierre Bottero
Illustrations Jean-Louis Thouard
Milan jeunesse - 12,80 €
Isayama, la titanesque, Isayama, le rêve de géants en quête d’étoiles, l’un la contemple, d’autres tentent de la gravir.
Depuis qu’il est né, Kwaï a vu, dans son coin de Mongolie, les caravanes se succéder tous les quatre ans, à l’assaut de la montagne imprenable.
Nul n’a jamais atteint son sommet.
Certains avaient la force mais pas le respect et ceux-là passent sans un regard vers le spectateur, dans le faste de leur caravane immobilisée, plan rapproché et contre-plongée disent tout de leur superbe.
D’autres possédaient la force, le respect mais pas le doute ; si ceux-là ne nous regardent pas c’est parce que, ténébreux, ils avancent tête baissée et leurs corps envahissent le cadre.
Le dernier enfin portait en lui la force, le respect, le doute. Celui-là, si sa tête à son retour se baisse, c’est pour dissimuler une larme, il lui manquait un grain de folie pour réussir.
Dans la steppe démesurée et sous le regard serein de son arrière-grand-mère luna, Kwaï dit « Moucheron » reste, les observe, apprend et, entre deux, mange des galettes de riz.
Immobile au bas de la montagne, au fil des ans – et passe le regard de luna, et cessent les galettes – il apprend à devenir un homme capable de gravir Isayama. Là-haut, tout là-haut – l’horizontale steppe cède la place à la verticale montagne – après les rocs acérés, l’attend le dernier clin d’œil de luna…
Isayama, un récit initiatique, un conte de sagesse ? Une virevolte de dessins à l’encre qui se joue des plans et cadrages ? Tout cela à la fois et surtout un album qui dit le désir de dépasser ses limites parce qu’à la semelle un grain de folie est accroché.
Il ne vous reste plus qu'à poursuivre sur le blogue de l'illustrateur Jean-Louis Thouard. De janvier à avril 2007, il y dit son cheminement.
Que ce billet bruisse aux oreilles d'un certain moucheron, à compter que ces insectes aient seulement des conduits auditifs...
06:00 Publié dans ALBUM | Lien permanent | Commentaires (18) | Tags : isayama, bottero, thouard | Facebook |
samedi, 16 juin 2007
À CRIER DANS LA RUE
Jean-Marie Henry
Illustrations Laurent Corvaisier
Rue du monde - 15,40 €
Que croyez-vous que soit un artiste ? Un imbécile qui n’a que des yeux s’il est peintre, des oreilles s’il est musicien ou une lyre à tous les étages du cœur s’il est poète ? Bien au contraire, il est en même temps un être politique, constamment en éveil devant les déchirants, ardents ou doux événements du monde, se façonnant de toute pièce à leur image.
Picasso, in Les Lettres françaises, 1951
Alors, ça commencera par un cri. C'est un recueil de poèmes qui m'y invite.
D’ordinaire, une anthologie recueille des poèmes pour leur taille, Il pleut des poèmes, selon un genre, Le fabuleux fablier, ou bien un thème, Cour couleur, ou encore pour jouer avec l’alphabet ou quelques contraintes d’écriture, L’alphabet des poètes et Le tireur de langue…
En ces temps qui sortent sans doute de l’ordinaire, pour sa nouvelle anthologie, Rue du monde a regroupé des poèmes pour un même mode d’emploi Poèmes à crier dans la rue.
Se retrouvent à battre les pavés de leurs mots Jean-Pierre Siméon, Rimbaud, Alexandre Romanès, Aragon, Valérie Rouzeau, Abdelamir Chawki, Pablo Néruda, David Diop, Madeleine Riffaud, René Char… long est le cortège ici rassemblé.
Mais je suis étranger
plus étranger que l’étranger
à mon pays quand il est
dur et froid comme la pierre
et fermé comme une porte
au ciel changeant des visages.
J-P Siméon
Vers, d’ici ou d’ailleurs, d’aujourd’hui ou d’hier, tous disent un autre monde, un monde qui pourrait être autre et l’urgence de le créer.
Et tu te hâteras d’admirer.
Crains la nuit. Elle vient vite.
N’aime pas. Adore
Au moins, tu vivras au sommet du bond.
Cherche l’amplitude.
Exige. Délire.
Ne rêve plus. Invente-toi.
Prends parti.
Crie.
Jean Malrieu
Qu’attendons-nous pour nous en emparer et les crier haut et fort ?
11:35 Publié dans BAL(L)ADE, ESPACES DES CRIS | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : à crier dans la rue, jean-marie henry, corvaisier | Facebook |