lundi, 30 juillet 2007
DES VOILES
Les balades furent assurément pour moi, dans les monts d’Arrée sous l’égide de Merlin –bien lui en prit car les déluges de Noé qui y tombèrent nous virent, un jour néfaste, finir terreux et crottés sur les banquettes en cuir d’un VRP stupéfait de nous voir randonner par ces temps si oubliés des dieux ; dans la presqu’île de Crozon, j’ai tout à fait fui le touriste en gagnant le cap de la chèvre abandonné de tous, mortels et immortels - celle de Seguin aurait pu y brouter longtemps encore bruyères et genêts.
A Lesconil, j’ai simplement chatouillé de mes semelles de longues pierres plates au sourire cocasse, j’ai imaginé un soir me blottir dans le tronc démultiplié du chêne de Sainte-Marine pour lire Sweet home d’Arnaud Cathrine, déniché à La Nuit Bleu Marine de Morlaix.
Par contre, point de ballades dans les deux douces maisons où je me suis déposée. Point mais pas à la ligne. J’ai voulu comprendre. J’ai jeté des regards qui ne demandaient qu’à être harponnés, voire hameçonnés. J’ai ouvert des portes, jusqu’à celle des toilettes –si les miennes n’étaient pas si humides, j’y aurais placé mes quelques La Pleiade, en attendant les travaux toujours remis à demain, j’y savoure certaines Microfictions. Mais rien, pas l’ombre ni le corps d’un livre ! Mes hôtes, je le savais, étaient d’impénitents lecteurs. Or, le premier les a insatiablement donnés, offerts, transmis, passeur sans vergogne et sans peur des reproches de sa soeur –histoire peut-être d’en pérenniser la lecture une fois la dernière page tournée ; la seconde les a enfouis en des latitudes et longitudes familières, derrière les bambous au fond du jardin ! Enfouis ? Pas exactement, plutôt mis en caisses. Etait-ce pour cause de déménagement ? Je ne sais plus. Ce geste sacrilège a fini par me séduire. Elle avait encaissé chacun de ses livres, le souffle coupé…
Cette nuit, le ciel est démesurément lunaire, je songe au Géol de François Place, à son vrai frère dans Moby Dick, à leurs peaux tatouées, je pense à ces livres qui, bien qu’empilés ou rangés sur des planches, n’en finissent pas de se dessiner en moi, malgré moi.
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lundi, 23 juillet 2007
BAL(L)ADES (4)
Le français est un poème qui voyage
Anthologie réunie par Jean-Marie Henry
images de Cécile Gambini
Rue du monde
CE SILENCE DU SOIR
Ce silence du soir,
Ce n'est pas le silence. Écoute ! Tout est noir,
La nuit obscure fait toute chose pareille,
Le ciel verse un repos immense; pour l'oreille
Tout bruit a cessé. L'âme entend en ce moment
Une foule de voix sortir confusément
De cette ombre en disant des choses inconnues.
Il semble que les eaux, les plaines et les nues
Sont pleines de secrets qu'elles vont révéler,
Et dés que tout se tait, tout commence à parler.
Victor Hugo, Tas de pierres
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vendredi, 20 juillet 2007
BAL(L)ADES (3)
La poésie chinoise
Images de Sren-Lean Tang
Calligraphies de Shain Jye Mong
album Mango
AURORE PRINTANIER
Mon sommeil du printemps a oublié l'aurore.
Voici que les oiseaux chantent de toute part.
Cette nuit bruissaient le vent et la pluie.
Qui sait combien de fleurs maintenant sont tombées?
Meng Haoran
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mardi, 17 juillet 2007
BAL(L)ADES (2)
La poésie arabe
images de Rachid Koraïchi
Mango Jeunesse
IL Y A DES JARDINS
Il y a des jardins qui n'ont plus de pays
Qui sont seuls avec l'eau
Des colombes les traversent bleues et sans nids.
Mais la lune est un cristal de bonheur
Et l'enfant se souvient d'un grand désordre clair.
Georges Schéhadé
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dimanche, 15 juillet 2007
BAL(L)ADES (1)
Je me barre, toutes voiles dehors -ceci fièrement dit, je n'ai jamais fait de bateau de ma vie-
M'éloigner de ma coque
Je pars me balader jusqu'à la fin de la terre et peut-être retour,
J'ai pris l'habitude ces derniers temps, sur la toile,
D'aller pêcher la baleine et de me remplir les mirettes de couleurs bretonnes!
Auprès de vous, je laisse quelques ballades poétiques, fil des jours d'absence.
Peut-être nous rendrons-nous compte au final que la ballade fut pour moi et pour vous les balades...
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mercredi, 11 juillet 2007
ÉTRANGES ÉTRANGERS
Étranges étrangers
Kabyles de la chapelle et des quais de Javel
hommes des pays lointains
cobayes des colonies
Doux petits musiciens
soleils adolescents de la porte d'Italie
Boumians de la porte de Saint-Ouen
Apatrides d'Aubervilliers
brûleurs des grandes ordures de la ville de Paris
ébouillanteurs des bêtes trouvés morts sur pied
au beau milieu des rues
Tunisiens de Grenelle
embauchés débauchés
manoeuvres désoeuvrés
Polacks du Marais du Temple des Rosiers
Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone
pêcheur des baléares ou bien du Finisterre
rescapés de Franco
et déportés de France et de Navarre
pour avoir défendu en souvenir de la vôtre
celle des autres
Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d'une petite mer
où peu vous vous baignez
Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boîte à cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet
Enfants du Sénégal
dépatriés expatriés et naturalisés
Enfants indochinois
jongleurs aux innocents couteaux
qui vendiez autrefois aux terrasses des cafés
de jolis dragons d'or faits de papier plié
Enfants trop tôt grandis et si vite en allés
qui dormez aujourd'hui de retour au pays
le visage dans la terre
et des bombes incendiaires la bourant vos rizières
On vous a renvoyé
la monnaie de vos papiers dorés
on vous a retourné
vos petits couteaux dans le dos
Étranges Étrangers
Vous êtes de la ville
Vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous mourez.
Jacques Prévert, Grand bal du printemps
05:05 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : étranges étrangers, prévert | Facebook |
dimanche, 08 juillet 2007
D'AILLEURS
Enfants d’ici, parents d’ailleurs
Histoire et mémoire de l’exode rural et de l’immigration
Carole Saturno, Gallimard Jeunesse
Je veux me souvenir de cet inventaire pas tout à fait à la Prévert
De tous ceux qui un jour ont dû
Partir
Bretons Auvergnats Alsaciens Antillais Guyanais
Quitter
Ashkénazes
Faire bagages
Russes blancs
Dégager
Arméniens apatrides
S’engager pour la der des der
Africains Spahis Tirailleurs sénégalais indochinois du Tonkin ou d’Annam Goumiers Malgaches
Emigrer
Gueules noires Ritals
Se décoloniser
Séfarades
Emigrer pour travailler travailleurs immigrés
Maghrébins Catalans Portugais Bidonville de Champigny
Décamper
Serbes Bosniaques Kosovars Turcs Kurdes
Lever l'ancre et le camp
Boat-people, Sans-papiers, camps de Sangatte
Je veux me souvenir
De tous ceux qui un jour ont dû
Extirper leurs racines là-bas
Pour s’enraciner
Ailleurs, Ici
A Mamie Courgette dont le regard se perd parfois au-delà de l’horizon méditerranéen…
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jeudi, 05 juillet 2007
PAS PIED, PAS NIAIS
Les Doigts Niais
Olivier Douzou Natali Fortier
Editions du Rouergue
Dans ma subversothèque, j’ai rencontré un ver aux idées fixes.
Il veut passer la frontière, le ver lancé dans sa course, il veut oublier sur la page de gauche un pays désespérément marron-ocre, caillasseux.
Le ver sait ce qu'il veut, il est prêt à tout: aller à découvert, ramper, avancer sur la pointe des pieds pour passer sur la page de droite, pays où le miel ne coule peut-être pas en abondance, mais où du moins on trouve oranger, oiseau rouge et graines de tournesol ici et là.
Il est obstiné le ver, il le tourne et le contourne dans tous les sens le sol, même pas peur des Doigts Niais qui gardent la frontière.
Ceux-là, s’ils sont Niais –essaye donc de faire la ronde d’un carré de terre et des demi-tours complets- sont surtout acharnés : ils le renvoient, le ver.
Tu crois qu'il va se décourager? Il ne peut passer en dessous, il passera au-dessus, propulsé par une cuillère. Quel ver veinard! La quatrième de couverture s’en retrouve transpercée.
Le ver était peut-être sans papiers mais certainement pas pied.
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mardi, 03 juillet 2007
PAS DE PAPIERS, AU PANIER! (2)
Passant,
Prends juste le temps de regarder cette illustration.
Observe-la, médite-la, cogite-la, regarde-la à nouveau, à l'envers s'il le faut et utilise l'espace des commentaires pour laisser tes pensées.
Puis tu reprendras ta route et peut-être iras-tu sur le site de l'auteur de cette image, par là
La tenancière des Iles Indigo, toujours en vadrouille dans sa subversothèque, vous souhaite malgré tout la journée bonne.
05:05 Publié dans ESPACES DES CRIS, PICTURA | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : sans papiers, maurice pommier, ours gris | Facebook |