jeudi, 29 octobre 2015
Retournement
entre Saint Hilaire la Palud et Monfaucon
On ne sait plus où la terre où le ciel
On ne sait plus où le reflet où l'arbre
On ne sait plus la nostalgie et l'attente du temps suivant
On ne sait plus que cheminer
08:50 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : st hilaire la palud | Facebook |
lundi, 26 octobre 2015
Effarement
Pointe des Minimes, premier soir d'automne passé à l'heure d'hiver.
Nous cheminons lentement le long du rivage. M. glane ce que la mer a délaissé, huitres et galets portant fossiles. Immobile, je laisse un dernier fil de soleil étendre mon ombre loin derrière moi, totem noir sur pierres de craie.
A l'intérieur, c'est flux et reflux d'une impression insolite : quelque chose relie ma bobine de vie à ce lieu.
Impression d'autant plus étonnante que depuis la nuit de mes temps, à la question d'où viens-tu, je reste sans mots et cache mon é-motivité par un détournement. Je ne viens de nulle part. Née à Paris, mon enfance a été brinquebalée à l'Ouest -Bordeaux, La Rochelle, Auch- trop rapidement pour pouvoir s'enraciner, trop prestement pour espérer s'ancrer. Elle s'est définitivement échouée dans une banlieue à l'ouest de Paris, prétentieuse et hautaine.
M., moi et mon sentiment d'appartenance longeons la côte jusqu'à la première plage. Là un bistrot a des allures de bout du monde. Ce n'est pas encore tout à fait le moment de l'apéro sous l'heure d'hiver. Nous nous adaptons en commandant gaufre et martini.
Sur le chemin du retour, dans une pénombre distraite par la pleine lune, le phare est notre repère.
09:03 Publié dans BAL(L)ADE, MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (7) | Facebook |
samedi, 24 octobre 2015
Livresse
"La littérature est un point d'arrivée qui ne répond ni aux genres ni aux thèmes. Il survient et alors c'est une fête pour celui qui lit. La littérature agit sur les fibres nerveuses de celui qui a la chance de vivre la rencontre entre un livre et sa propre vie. Ce sont des rendez-vous qu'on ne peut fixer ni recommander aux autres. La surprise face au mélange soudain de ses propres jours avec les pages d'un livre appartient à chaque lecteur. "
La parole contraire, Erri De Luca, Gallimard
Dans mon sac
des vêtements
des chaussures de course et de rando
et une pile de livres face contre face
Je passe par Tours puis file sur La Rochelle
Le long de l'Atlantique je m'inclinerai devant
l'année écoulée
mes jours se mélangeront aux pages de
Profession du père et Après le silence
Je longerai le rivage au pas de
course ou avec la lenteur de celle
qui efface de sa tête
les modes d'emploi de la vie
pour retrouver l'ivresse
d'un corps à corps avec la houle.
18:29 Publié dans BAL(L)ADE, ROMAN | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Les jours, Marlène Tissot
Pour entrer dans ce nouveau jour, des mots trouvés Sous les fleurs de la tapisserie ...
Les jours
Les jours se suivent
à distance respectable
en s'épiant
mine de rien
comme s'ils craignaient
que le prochain
les morde
ou qu'il leur fasse
de l'ombre
Le pire serait sans doute
qu'ils se mettent
à tous porter
le même costume
à marcher au pas
à baisser les bras
il faudrait parfois un hier
qui lambine
un demain qui se
pointe sans prévenir
et un aujourd'hui
qui ne se soucie
ni du précédent
ni du suivant
Marlène Tissot
06:18 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marlène tissot, sous les fleurs de la tapisserie | Facebook |
jeudi, 22 octobre 2015
Paroles contraires
© ma morveuse
Empiler dans une même après-midi
le notaire
la banque
le bonobo
la biocoop
La vie ressemble parfois à un futile édifice
Faire le tour des libraires et dénicher au fin fond d'une étagère
Si étroit entre des pavés
Parole contraire d'Erri de Luca
Fissure dans le mur de nos certitudes
Quitter l'asphalte de Louviers
Longer la maison d'arrêt de Val de Reuil
Tourner à gauche passer le pont
et s'arrêter à la Factorie
Là, dans une odeur de café, de gâteau au chocolat et de Copo, nous avons, ma morveuse et moi, redonné le temps au temps. L'une après l'autre, murmures de voix hautes, nous avons effeuillé Sous les fleurs de la tapisserie. C'était à celle qui lirait le dernier poème quand d'autres cherchent à avoir le dernier mot.
© ma morveuse
07:38 Publié dans BAL(L)ADE, ESPACES D'ECRITS | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : erri de luca, parole contraire, factorie | Facebook |
mardi, 20 octobre 2015
Sabotage
Erri de Luca ©Marco Bertorello, AFP
Lundi 19 octobre, Erri de Luca a été relaxé par la justice italienne. Le Parquet avait requis huit mois ferme contre lui pour "incitation au sabotage" du percement d’un tunnel de 57 kilomètres pour le futur TGV Lyon-Turin.
Avant que la cour ne se retire pour délibérer, l'écrivain a répété qu'il considérait le verbe saboter comme noble et démocratique, qu'il défendait l’origine du mot dans son sens le plus efficace et le plus vaste : "Je suis prêt à subir une condamnation pénale pour son emploi, mais non pas à laisser censurer ou réduire ma langue italienne. »
En lisant cela hier soir dans Le Monde, j'ai entendu pour la première fois le mot "sabotage". Je veux dire par là que son étymologie m'a soudain sauté aux yeux. Sabotage vient de sabot ! Quel chemin de traverse le mot avait-il emprunté pour passer d'un sens premier "fabrication des sabots" à celui d'action de saboter un travail ? Suis allée fouiller dans mes dicos : ils passent tous d'une définition à l'autre, allègrement, sans explication aucune. La langue aplanie, domestiquée. Exit sa fougue qui, un jour, a imposé au mot un nouveau tournant. Désagréable impression de me retrouver les deux pieds dans le même sabot. C'est ainsi chaussée que je suis allée voir Mustang de Deniz Gamze Ergüven. Magnifique histoire de sabotage là aussi : celui d'une société patriarcale qui voudrait imposer sa loi à cinq fougueuses soeurs.
Ce matin, dès le réveil, pieds nus sur la tomette froide, j'ai repris ma recherche et ai déniché un extrait du passage d'Erri de Luca à La Grande Librairie, le 9 avril 2015, pour son livre Parole contraire. Il rend au mot "sabotage" ses lettres nobles et démocratiques : au début de l'époque industrielle, les ouvriers employés dans des usines textiles avaient jeté dans les machines leurs sabots par solidarité avec leurs collègues expulsés par la mécanisation.
Je vous laisse en sa compagnie. Moi, je m'en vais dans ma journée, chaussée de deux sabots, autant dire de deux sabotages potentiels...
09:45 Publié dans ESPACES DES CRIS, LE SEL DE LA VIE, MOTS ITINÉRANTS | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : erri de luca, parole contraire | Facebook |