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mardi, 08 novembre 2011

DEROUTE (2)

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"Comme une eau, le monde vous traverse et pour un temps vous prête ses couleurs. Puis se retire, et vous replace devant ce vide qu'on porte en soi, devant cette espèce d'insuffisance centrale de l'âme qu'il faut bien apprendre à cotoyer, à combattre, et qui, paradoxalement, est peut-être notre moteur le plus sûr."
L'usage du monde, Nicolas Bouvier

Il a donc fallu quitter le GR pour de bon et se laisser dérouter, retour à la Biquetterie. Je n'aime pas ces jours qui suivent une longue randonnée: le corps est étonné de son immobilité, le regard tente de s'accrocher au paysage familier sans trouver d'aspérité et la main est orpheline de carte IGN. Sont-ce là les symptômes de "l'insuffisance centrale de l'âme"?
Je retrouve au pied de mon lit une pile de romans lus ces dernières semaines. Tous parlent de femmes en marche.
Le prix Médicis étranger: Une femme fuyant l'annonce de l'Israélien David Grossman et Ora qui, à coup de routes parcourues qui toujours l'éloignent plus de sa porte,  pense pouvoir échapper au fatum, au destin qui lui annoncerait la mort de son fils parti pour une opération militaire au Liban. Ne surtout pas être là lorsque des messagers viendront frapper. Une fuite qui pourrait avoir la force d'une conjuration.
Des solidarités mystérieuses de Pascal Quignard et Claire, Marie-Claire ou Chara -c'est selon- qui foule la lande de terre bretonne jusqu'à l'usure, écorchement de corps sur granit pour un amour puis son souvenir.
Le prix Goncourt des lycéens: Du domaine des murmures de Carole Martinez et Esclarmonde qui choisit de vivre en déroute, comprenez emmurée, emmurmurée, pour regarder le monde et ses désirs derrière des barreaux.
Traversée littéraire comme une autre façon de faire usage du monde...