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vendredi, 03 octobre 2008

CERNE

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Notre petite vie cernée de rêves
Il se joue tant et tant entre un titre de roman et son peut-être lecteur. Il suffit, sur fond de crise persistante, de quelques mots discernés trop rapidement pour que la rencontre ne s’engage pas bien.
Notre petite vie cernée de rêves
Celui-là avait tout pour déplaire et ma mémoire, mon inconscient et humeur du jour ont sorti les banderoles pour me le dire. Allez savoir pourquoi j’ai pensé à Un tramway nommé désir, de la noirceur en plus (!) et à Mathilda, l’humour en moins. Et ce n’est pas le regard fixe de la femme sur la couverture qui a changé la bobine de mon écran intérieur.
Qu’y a-t-il derrière ce « notre » ? Un couple désillusionné pour qui le rêve n’est plus que la trace d’une fatigue extrême qui bleuit les contours d’une vie bien rangée ? Les rêves ont-ils encore le pouvoir d’assiéger une vie aussi petite soit-elle ?
Pas envie de lui décerner mon temps. Recherchais plus de l’anti-cernes par ces temps qui courent sans reprendre leur souffle. Mais la tenancière de L’Oiseau lire ne s’est pas sentie concernée par mes réticences. Le roman, elle me l’a posée d’une main ferme sur une pile semblable à la tour de Babel juste avant que l’Eternel n’envoie tout valdinguer. Alors, je l’ai pris. Et même que pour le comité de lecture de la semaine prochaine, je l’ai ouvert…

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notre petite vie cernée de rêves
B. Wersba
Ed. Thierry Magnier

lundi, 03 mars 2008

LES MYSTÈRES D'HARRIS BURDICK (1)

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L'oiseau lire sait filer l'envie de lire, prévoir cependant une bonne heure de libre. L'espace est petit mais les recoins nombreux où se poser pour commencer sans vergogne la lecture d'un roman qui se trouvait justement là sur le passage.

Le volatile  a aussi décidé de s'arracher les plumes pour filer le virus de l'écriture. Point de départ de l'expérience, l'album de Chris Van Allsburg Les mystères d'Harris Burdick, suite de planches en noir et blanc accompagnées chacune d'un TITRE et d'une phrase pour le moins sybilline. L'auteur dit les avoir vues pour la première fois chez M. Wenders ancien éditeur de livres pour enfants. Burdick les lui confia un jour, il avait écrit une histoire pour chacune d'entre elles. Aussi  promit-il de les ramener le lendemain. L'individu ne revint pas. Qu'à cela ne tienne, Chris Van Allsburg engage son lecteur à les inventer.

Avec quelques étudiants, nous avons donc tenté d'emplumer ces illustrations réalisées au crayon.

A suivre...

 

 

 

mardi, 15 janvier 2008

APPRIVOISER LA POÉSIE

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Photo d'Ours Gris, Lune de solstice

 

Lorsque la patronne de l’Oiseau Lire m’a proposé d’écrire un article intitulé « enseigner la poésie » pour Citrouille, le journal des librairies jeunesse, j’ai souri. Comment parlerai-je de quelque chose que je ne pratique pas ?  Je ne sais pas enseigner les voies et les boulevards pour entrer avec certitude dans l’improbable sens unique d’un poème. Et pourtant j’ai accepté de dire ce que je vivais au jour le jour avec mes étudiants, futurs professeurs des écoles. C’est sans doute que je pressentais que je pourrais gratter le mot enseigner, y découvrir un premier sens oublié.
Enseigner, il y a quelques douze siècles, signifiait « faire connaître par un signe ». Alors, oui, dans ce cas-là, j’enseigne la poésie.

Les mots, les mots
Ne se laissent pas faire
Comme des catafalques

Et toute langue
Est étrangère.
Guillevic, Art poétique, in Terraqué


La langue lorsqu’elle se fait poème déroute, apeure. Elle n’est plus logique et fonctionnelle. Elle s’ouvre aux failles et tremblements. Aussi, j’aime ouvrir chacun de mes cours par la lecture d’un poème et laisser ces secousses sismiques rendre incertaine notre langue maternelle. Certes, au début de l’année, surgit l’invariable question :
-    Qu’est-ce que cela veut dire ?
Dans Algues, Sable, coquillages et crevettes (Cheyne), Jean-Pierre Siméon s’interroge lui aussi :
« Qu’en est-il donc du sens du poème ?
Il n’existe décidément que dans l’échauffement de trois volontés : celle du poète, celle du poème, celle du lecteur. Celle du lecteur étant, in fine, souveraine et décisive puisqu’elle est tout bonnement la dernière à s’exercer dans la chaîne de la création.
Terrible responsabilité du coup, n’est-ce pas ?
Et voilà de nouveau un impédiment à la lecture du poème. Le lecteur ayant admis qu’il était maître du jeu –du sens- a peur. Peur de se tromper, d’être à côté, d’être contre. Peur de l’insuffisance, du faux-sens, du contresens. Il peut y avoir insuffisance de lecture, soit, de faux-sens et de contresens, jamais. »
-    Alors, qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela ne veut rien dire. Cela dit. Accepter que le sens ne soit plus premier et unique, accepter de se laisser porter par des rencontres sonores, des images qui ne sont plus le fidèle reflet du réel raisonnable. Chercher dans l’obscur la présence de la clarté.

Et au milieu de cette quête, n’être qu’un simple sémaphore. Je provoque des faces contre faces et attends.


Prenez un toit de vieilles tuiles
Un peu avant midi.



Placez tout à côté
Un tilleul déjà grand
Remué par le vent.

Mettez au-dessus d'eux

Un ciel bleu, lavé

Par des nuages blancs.



Laissez-les faire.

Regardez-les.
Guillevic, Avec


Le vent n’a pas le temps d’arrêter de souffler que déjà un étudiant arrive, l’œil lumineux, un recueil tout contre lui. Sait-il seulement celui-là, qu’en lisant le poème, il dit aux autres que le langage poétique n’est pas réservé à un cénacle littéraire ? Il dit qu’il a enfin accepté de conquérir les mots et d’être conquis par eux. De lectures en ateliers d’écriture, d’autres l’ont suivi depuis. Il en est toujours pour les regarder, étonnés. Pour eux, des pas sont encore à franchir, ils les franchiront. Je n’ai pas peur, il y a tant de poèmes encore à se lire...