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jeudi, 31 décembre 2015

Réveillons-nous

DSCN0380.jpg
réveillons-nous
à la lisière de matins en liesses
oubli des minuits blancs et livides
éveillons-nous
aux partages de midis
rétrécissement de nos ombres

de nos certitudes
veillons aussi
sur nos soirs fragiles
ceux qui dans le fracas
doutent de se frayer un chemin
jusqu'à des lendemains
libres et fraternels
réveillons-nous

jeudi, 24 décembre 2015

A en perdre la raison

corps et ame.jpg

Chemin faisant le long de la Méditerranée
j'ai croisé l'immobilité de cet homme
il élevait à côté du premier
un deuxième totem
ou bien était-ce un cairn
des cairns pour indiquer le rivage
comme on indique le sentier en montagne
aux rêves, aux espoirs
qui s'échoueraient sur les galets polis
après avoir divagué au gré des courants
entre filaments d'algues et firmament muet
un cairn attrape-rêves, un cairn attrape-espoirs
pour attraper les rêves et les espoirs
de ceux qui avaient déjà tout perdu
tout à part leur corps et leur âme
quand ils ont été contraints de traverser la mer
sur des embarcations malingres
un cairn attrape-rêves, un cairn attrape-espoirs
pour attraper les rêves et les espoirs
de ceux disparus corps et âme 
après s'être échoués
contre l'impolitesse de nos coeurs de pierre

lundi, 21 décembre 2015

Perdre la saison

nudité arbre.jpg

Une fois encore nous y sommes : c'est le solstice d'hiver. A la fois, entrée dans l'hiver et dès demain, retour flegmatique de la lumière. Sauf que cette année, ça cloche, ça carillonne, ça sonne l'alarme.
Hier, malgré l'étroitesse du jour, on est partis randonner toute la journée, au-dessus de Beaufort-sur-Gervanne. Certes il y avait le GR commencé dans la pénombre, les flancs des montagnes gris-marron foncé comme une terre brûlée, les arbres entremêlant leur nudité,  le silence entre nuages et terre, l'envol d'une buse et le retour entre chien et loup alors que ce n'est que l'heure du thé. Mais surtout, il y avait cette extrême douceur dans l'air comme un premier jour de printemps ; quand on sait bien qu'on met la polaire dans le sac à dos par précaution mais qu'elle y restera.
A la fin de la journée, la semelle fourbue et heureuse, assise à la terrasse du bistro du village sous les seules étoiles d'une guirlande de Noël, mon coeur s'est pincé. A la table d'à côté, deux anciens se disaient qu'il n'y avait plus de saisons.

dimanche, 13 décembre 2015

Une forêt d'arbres creux, Antoine Choplin

146-transport.jpgBedřich Fritta, A Transport Leaves the Ghetto, 1942/43
Ink, pen and brush, wash, 48,4 x 70,8 cm
© Thomas Fritta-Haas, long-term loan to the Jewish Museum Berlin, photo: Jens Ziehe

Une forêt d'arbres creux* s'ouvre avec l'arrivée de Bedrich, Johanna et leur fils Tomi, dans le ghetto de Térézin. Une forêt d'arbres creux se referme avec l'arrivée de Bedrich, sa femme et son fils dans un camp d'extermination, sans doute Auschwitz.
A la première page d'Une forêt d'arbres creux, se dressent deux ormes dont les troncs dessinent le chaos et l'appel du gouffre mais aussi
les traits d'une danseuse andalouse " criant au visage du bourreau la formule d'un ultime sortilège. "
A la dernière page d'Une forêt d'arbres creux, " coiffant les arrondis insignifiants, comme un surplus de chair donné au paysage, oui, sans doute, même si cela reste à vérifier, il y a l'assemblée des arbres. "
Entre les deux, des chapitres comme autant d'esquisses à l'encre noire séquencent la vie d'un homme qui le jour est contraint de dessiner un ghetto-vitrine, qui la nuit peint l'envers du décor. Le froid, la boue, la chaleur, la mort, la ligne d'horizon qui disparaît se murmurent entre les lignes. Toute l'émotion se condense dans le dernier convoi, alors que le narrateur abandonnerait bien sa place de narrateur pour apporter un peu de réconfort à son personnage, pour lui dévoiler ce qui se passera une fois le livre refermé. " A Bedrich, il faudrait pouvoir dire un mot de son compagnon, celui dont il distingue à l'instant la nuque froissée juste devant, et qui un de ces jours, plus tard, ferait le chemin du retour jusque chez lui. Il faudrait aussi le convaincre des aurores à venir pour son fils Tomi, qui survivrait lui aussi. (...)
De tant de ses compagnons, on ne lui dirait rien. De Johanna non plus. "

*Premier roman lu dans le cadre du prix littéraire Terres de Paroles

une forêt d'arbres creux antoine choplin, terre de paroles

samedi, 12 décembre 2015

Du souffle dans les mots (fin)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris

Dernier jour du calendrier du "pendant"
La COP21, c’est fini. Un accord aurait été trouvé pour ne pas dépasser le 1,5° de réchauffement climatique. Tous les responsables qui tiennent notre planète entre leurs mains se sont-ils quittés l’arme à l’œil ?

La radio, elle, revient en continu sur les Régionales, tente de disséquer le vote nationaliste. La République ressemble à cet homme mort dans le tableau de Rembrandt, écartelé, éventré, terrain d’expérimentation pour une horde de scientifiques. Chacun y va de sa leçon d'anatomie.

Pour retrouver un peu de tranquillité, je pars bosser à vélo le matin parce que le soleil continue de s’offrir en partage au dessus de l’eau.

Cet étrange aveuglement, François Emmanuel, in Du souffle dans les mots
"Tout conscients que nous sommes nous poursuivons pourtant notre mode de vie comme si de rien n'était. Il est vrai que cette sombre perspective peut nous paraître lointaine encore, reculée dans le temps, alors que la ligne de notre horizon s'est insidieusement rapprochée, que les valeurs de lignée, de transmission aux générations suivantes, se sont estompées au profit d'une temporalité plus immédiate. Et, sur l'écran lumineux, omniprésent, innombrable, qui construit bon an mal an notre entendement du monde, déferlent quantités d'autres scènes, plus proches, plus violentes, plus spectaculaires. (...)
Dans un monde où l'interdépendance, l'extraordinaire intrication des liens réduit le pouvoir de chacun, les élus politiques ont un espace d'influence et d'action plus important que les autres. Puissent-il, puissiez-vous, faire évoluer la conscience commune. (...) La vie parce qu'elle est fragile, imprévisible, éphémère, parce que nous avons tout pouvoir sur elle, la vie nous est plus que jamais précieuse."

mardi, 08 décembre 2015

Du souffle dans les mots (8)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris

Serait-il possible que mes petits-enfants, qui ne sont pas encore de ce monde, se disent un jour futur où ils auraient regardé dans le rétroviseur : " Il eut mieux valu pour nous naître à l'époque de notre grand-mère ! " ?

Adieu à l'hiver, Cécile Wajsbrot, in Du souffle dans les mots
" 1866
- Dans un long préambule aux Travailleurs de la mer intitulé L'Archipel de la Manche, Victor Hugo, au chapitre vingt, écrit : "La mer édifie et démolit ; l'homme aide la mer, non à bâtir mais à détruire (...). Tout sous lui se modifie et s'altère, soit pour le mieux, soit pour le pire. Ici, il défigure, là il transfigure. " Victor Hugo sait que l'humanité est entrée dans l'ère de l'anthropocène, même si le mot n'existe pas encore.
(...)
Aujourd'hui - Déjà, on est tenté de dire en lisant ces phrases de Victor Hugo - et à chaque fois que quelqu'un fait preuve de clairvoyance ou de lucidité. Déjà - Aldous Huxley, dans les années 1950, prévenant des dangers de la surpopulation. Déjà - ces lignes tirées du Printemps silencieux, de Rachel Carson, écrites en 1962 : "La plus alarmante des attaques de l'homme sur l'environnement est la contamination de l'atmosphère, du sol, des rivières et de la mer par des substances dangereuses et même mortelles." Déjà, diront les hommes en 2065, s'il en reste, lisant les livres de ceux qui avertissent, au tournant du XXe siècle, au début du XXIe siècle, des dégâts des gaz à effet de serre, écoutant les voix de ceux qui demandaient d'interdire le diesel, les voix de ceux qui espéraient limiter le réchauffement moyen à moins de deux degrés alors qu'il en aura atteint quatre ou cinq. Déjà, diront-ils s'ils ont accès aux documents des conférences climatiques tenues depuis le sommet de Rio, en 1992. Ils savaient, diront-ils, et ils ajouteront avec un soupir, pourquoi n'ont-ils rien fait ? "

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lundi, 07 décembre 2015

Du souffle dans les mots (7)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris
Photo d'Isa

«Vas-y vis-le ton rêve
crache-le à la gueule de ta réalité»
Perrine Le Querrec

7ème jour du calendrier du "pendant"
Mon rêve, ce soir, est aussi fragile que l'arbuste sur la photo d'hier. Mais il en a aussi la flamboyance, impudente et effrontée. Alors oui, je le crache à la gueule de notre réalité qui dingue et valdingue, à la gueule de ceux qui nous gouvernent et qui le jour fanfaronnent dans une COP 21 fantoche mais le soir venu bafouent les droits élémentaires; à la gueule de ceux qui promettent de nous gouverner, à la gueule de la multiplication des votes nationalistes comme de mauvais pains sans levain et sans sel de vie.
Je le crache parce qu'à quoi cela servirait-il de le ravaler comme on ravale un sanglot ?

Je ne parlerai pas du ciel, Nicole Caligaris, in Du souffle dans les mots
"Nos idées nous rendent stupides, nous croyons que préserver c'est clôturer, comme pour les pelouses des jardins publics. Nous oublions que la clôture interdit, qu'elle ne préserve pas, qu'elle produit non pas la vie mais la stérilité, qu'elle entrave non pas la dégradation mais la vitalité. Notre idée de la conservation de notre bien nous fait manquer à notre devoir, qui n'est pas de prétendre arrêter ce qui ne peut pas l'être mais de déceler et de cultiver toujours ce qui va régénérer notre monde, ce qui l'ensemence déjà pour le rendre nouveau.
Ce que nos décisions préserveront ou ne préserveront pas, ça n'est pas l'état de notre jardin, c'est sa fécondité, ce sont ses possibilités créatrices."

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dimanche, 06 décembre 2015

Du souffle dans les mots (6)

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6ème jour du calendrier du "pendant"

Hier dans la forêt de Bord, au milieu des pins austères, un arbre frêle déployait avec insolence la flamboyance de ses dernières feuilles jaunes.

Art poétique (2), Arno Bertina, in Dans le souffle des mots

"La question du climat et de l'écologie doit pouvoir être posée par les artistes comme par les politiques, les scientifiques, et chaque individu, et non seulement par les lourdauds de la morale civique. Elle doit être posée, cette question du climat, comme une chose que l'on cherche dans l'obscurité, à tâtons, mais avec le sentiment d'une urgence et d'une nécessité, avec l'inquiétude de se prendre un mur, en demandant à ses mains de faie preuve d'un sens aigu de l'espace. L'homme est rattaché à l'atmosphère, aux nuages qui passent, à la qualité de l'air, par des dizaines de liens - invisibles mais vibratiles, vibrionnants - qui sont certainement toute la matière de l'art, en fait, depuis le halo de la chair qui nimbe les corps dans les tableaux du Titien jusqu'aux phrases tourbillonnantes de Proust qui ne laissent rien de côté, ou à celles de Claude Simon qui s'avancent en disséquant tout sur leur passage pour mettre à jour, précisément, ces petites perceptions qui donnent un monde et expliquent les comportements des hommes, ces êtres climatiques. Sans elles, sans ces petites perception, sans cette climatologie qui est devenue son drame quand elle devrait être une force, l'homme reste illisible."

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samedi, 05 décembre 2015

Du souffle dans les mots (5)

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Nikhil Chopra, inside out
Follia continua !, Cent quatre, Paris

5ème jour du calendrier du "pendant"

Peut-être un jour tout fondra
goutte à goutte
comme ces icebergs devant le Panthéon
qui décapsulent des bulles
d'un air vieux de dix mille ans
Peut-être un jour tout s'effacera
trait à trait
chacun de nos écrits
chacune de nos pensées
Ce jour-là tous les dieux que nous avons inventés
tremperont-ils un trait dans une goutte
pour écrire une nouvelle histoire ?

Rapport parlementaire, Eric Chevillard, in Du souffle dans les mots
" (...) Mais je ne suis pas venu pour vous menacer, Grand Sachem, Votre Honneur, Très Saint-Père, pardonnez-moi, je ne suis pas encore au parfum de toutes vos simagrées, votre présence excite plutôt les réflexes défensifs de ma glande anale, Mesdames, Messieurs, Sérénissime Altesse, je me défends plutôt, je ne vous menace pas, vous n'avez pas besoin de notre rostre ni de nos griffes pour vous déchirer de haut en bas. je vous dois cette justice : vous toussez avec nous dans le nuage produit par votre cerveau en surchauffe. Vous avez mis le feu au ciel, la banquise se défait, nous dérivons sur cet iceberg qui ne sera bientôt plus assez gros pour rafraîchir votre whisky. Chacune de vos Seigneuries crache plus de fumée qu'un volcan et vous avez le front de justifier vos éradications en nous traitant de nuisibles ou de parasites ! Or qui est le plus contagieux, dites-moi ? Nous mourrons de vos grippes, la tremblante de l'homme nous décime sur nos cimes. Mesdames et Messieurs, vos mains sont d'implacables cisailles, des faucilles, camarades, la forêt recule quand vous apparaissez : vous lui faites peur ! Le désert progresse sur vos talons, vous semez du sable derrière vous pour retrouver le chemin de votre maison vide, de votre jardin mort, de votre solitude. "

rapprt parlementaire eric chevillard,follia continua,cent quatre,minik rosing,olafur eliasson

vendredi, 04 décembre 2015

Du souffle dans les mots (4)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris


4ème jour du calendrier du "pendant"
Hier, je suis partie bosser à vélo. Sur la voie verte, le long de l'Eure, la route file entre brumes et lever de soleil. Je me suis surprise à penser à ce jour où l'indemnité vélo ne serait plus en mode rétropédalage et à cet autre jour où il n'y aurait plus d'indemnité vélo parce que tout le monde serait contraint d'aller à vélo sur son lieu de travail.

Aux enfants, Marie Desplechin, in Du souffle des mots

"Chers amis de sept à dix-sept ans, chers amis,
Ce discours s'adresse aux enfants et aux adolescents, à eux d'abord, et même à eux seulement. Après tout, la plupart des gens qui prennent des décisions aujourd'hui seront morts ou dans un sale état quand les conséquences du changement climatique se feront sentir. Je veux dire : quand ça va chauffer pour de bon. Les vieux ont fait de bonnes choses, l'imprimerie, les droits de l'homme, le vélo, les vaccins, le cinéma, la contraception, l'internet, bravo, très bien. Mais compte tenu de l'état dans lequel ils vont laisser la planète en partant, ils devraient évaluer courageusement ce qu'ils ont fait, pas fait, et ce qu'ils ont laissé faire. Ils devraient faire preuve d'un peu de modestie. Parce que franchement, il n'y a pas de quoi se vanter. Personnellement, je ne serai pas choquée qu'on accorde demain le droit de vote à des enfants de sept ans. Ce sont eux qui vont boire la tasse."

(L'intégralité du texte est à écouter sur Fictions / Vie Moderne)

marie desplechin aux enfants, follia continua, cent quatre

mercredi, 02 décembre 2015

Du souffle dans les mots (2)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris

2ème jour du calendrier du "pendant"
Ce midi dans ma boîte aux lettres, j'ai trouvé l'enveloppe plastique "urgent élection". L'état d'urgence, décidément s'infiltre partout. Deux fois plus de feuilles que de partis. Je franchirais presque le pas pour nommer ce fatras de papiers et ses guirlandes de slogans à deux euros pour un monde meilleur "prospectus". La seule chose qui me retienne est l'étymologie même du mot "prospectus" : voir en avant. Non, l'aveuglement de cette paperasse et ses promesses qui rejouent l'éternel refrain d'un monde sécurisé ou écolo ne peut même plus s'appeler prospectus.
Toujours ce midi, j'ai lu ceci : le maire de Béziers prévoit de monter sa propre milice pour protéger sa ville.

Chaos primitif, Boualem Sansal, in Du souffle des mots
"Pour avoir longtemps vécu dans un environnement fortement dégradé, je parle là d'un état de guerre civile d'une effroyable barbarie aggravée par une gouvernance criminelle et des complicités contre nature qui font les dessous des relations internationales, avec ce que cela apporte de douleurs, de questionnements et de colères, je sais qu'il y a pire que la guerre elle-même, c'est l'effondrement de la morale et des valeurs qui portent la société, changement que l'on voit venir, s'enraciner en un rien de temps, puis se généraliser avec brutalité, contre lequel on veut encore se défendre mais en vain. Un à un et tous ensemble, on est happé par ce trou noir qui se déploie autour de nous en même temps que la guerre gagne et réduit le monde à sa plus simple expression, un chaos primitif où la violence des hommes vient ajouter au déchaînement des éléments."

(L'intégralité du texte est à écouter sur Fictions / La vie moderne)

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mardi, 01 décembre 2015

Du souffle dans les mots (1)

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Follia continua !, Cent quatre, Paris

Ca y est. Nous y sommes. Vous avez dépavoisé vos profils facebook. Le drapeau français n'est plus votre seconde peau. Vous avez hésité à le remplacer par le drapeau malien. Pas d'application proposée. Il est des priorités même sur les réseaux sociaux.
Vous vous demandez comment habiter cet après. Vous serez peut-être allés boire un verre en terrasse, vaillamment, ou alors vous aurez pris un billet pour un concert, héroïquement, ou bien encore déposé une paire de chaussures, Place de la République, résolument.
Le soir de retour chez vous, le soir de retour chez moi, nous nous sommes retrouvés, il faut bien l'avouer, le coeur décousu : les actes symboliques deviennent si dérisoires face à l'ampleur de ce qu'il faut accomplir. Nous tendons une oreille aux discours politiques calamistrés, espérant quelque réconfort, alors même que nous savons qu'ils ont renoncé depuis longtemps aux utopies qu'ils énoncent, l'oeil ému. Des millions sont versés à l'Armée tandis que l'Education et la Culture deviennent des parents encore plus pauvres.
Hier, de passage à Rouen, j'ai fait un crochet par l'Armitière. J'y ai cherché un livre pour m'accompagner dans cette traversée du désert parce que je persiste à croire que la littérature fait battre bien mieux le coeur du réel qu'une BFM TV en boucle. J'y ai trouvé Du souffle dans les mots. Trente textes de trente écrivains qui cherchent, en un parlement sensible,  à édifier un lieu bon où vivre ensemble, un eu-topos.
En lisant un premier texte, j'ai eu envie d'ouvrir sur mes îles un calendrier du "pendant*". Pendant les onze jours de la COP21, je déposerai donc ici un extrait.
*Je croyais gamine que le fameux calendrier était celui de "l'avant".

Mardi 1er décembre
Le Barrage, Maryline Desbiolles, in Du souffle dans les mots
"Je pense aux chantiers des hommes, à nos chantiers arrogants, désespérés, magnifiques, et qui sont notre chair comme les lieux qu'ils bouleversent. Je pense tout en même temps à notre démesure, nos aveuglements, nos surdités, à l'attention constante et extraordinaire qu'il faut porter au monde pour ne pas que les désastres, ces désastres résistibles, nous prennent par surprise, dans nos lits, comme de petits enfants dans leur vêtement de nuit. Je pense à ce travail d'attention, de connaissance, à ce  travail qui est le nôtre désormais, dont chacun de nous a la charge, et je ne pense pas à lui comme un acte de contrition mais comme un immense chantier, arrogant, désespéré, magnifique."

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