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dimanche, 26 avril 2009

DÉCADE

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Les hasards de l'étymologie provoquent des rencontres inattendues. Ainsi, décade se retrouve à cohabiter avec décadence. Dix ans -d'aucuns, minimalistes sans nul doute, veulent n'y voir que dix jours- sont ainsi suivis de près par un débagoulis d' affaissement, déclin, dépérissement et chute dans mon vieux Bob.
A la veille d'entamer ma cinquième décade, j'aime les plis qui se sont inscrits à la pointe du regard, replis des jours passés. La vie a marqué ça et là, c'est autant de souvenirs empilés.
Pour clôre cette journée, il me plaît de relire ces mots de Béatrice Fontanel qui provoque des rencontres plus heureuses que celles de mon vieux Bob.


Comme j’aimerai toujours
« le frais cresson bleu »
« le frais cresson bleu »
« le frais cresson bleu »
Cresson grésille sur les papilles
comme l’eau dans la poêle brûlante.

Le plancton qui s’infiltre
entre les fanons de la baleine
lui donne-t-il la même sensation ?

in Tentacules et manivelles
(recueil orphelin d'éditeur à ce jour)

lundi, 20 avril 2009

VENT PRINTANIER

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Photo d'Anita

Ca y est les vacances de printemps sont arrivées et pour moi une grande respiration...
J'ai mis un peu d'ordre dans le jardin: les herbes adventices, communément appelées "mauvaises", ne sont toujours pas enclines cette année à quelque bonté. Je ne procède jamais à leur extermination sans avoir une pensée pour Ruines de Rome de Pierre Senges. Peut-être un jour oserai-je leur laisser le champ libre...
J'ai lavé le hamac qui, tout une saison durant, dans l'entrée de la dépendance, a ouvert sa trame aux visites catarrhales de l'hiver. Une odeur tenace qui ne pouvait s'accomoder aux premières effluves de la glycine voisine.
Il ne me restait plus qu'à trouver un livre en accord avec cette volupté, les babouches abandonnées dans l'herbe. J'ai commencé par quelques titres retenus pour le prix France Inter. Paris-Brest de Viel, Traques de Clémençon. Inspirez, expirez, ci-gît l'inavouable des familles. Du coup, j'ai enchaîné avec un roman à la couverture faux-semblant-bouton-d'or, en prétendue harmonie avec le gazon fraîchement tondu. Quand je l'ai ouvert, le seul souvenir de nature qui s'est imposé à moi a été le frais cresson bleu et des haillons d'argent dans un trou de verdure. L'homme barbelé, Béatrice Fontanel en avait parlé en octobre. J'avais hâte de voir comment son ton iconoclaste pourrait ouvrir le placard de famille et dire Ferdinand, le grand-père, héros des deux guerres et tyran domestique. A chaque tournant de page, je m'attendais à lire la boussole de mon grand-père, pièce authentique du musée familial qui lui avait permis de s'échapper des travaux forcés en Allemagne. Ceci dit, elle y parle aussi du printemps, à sa manière...
"L'almanach s'est ouvert au hasard, en mars. Le mois de l'arrestation de Ferdinand. On peut y lire les travaux du mois: Au jardin: bêcher et semer: pois, carottes, radis, fèves. (...)Au verger: tailler les arbres. Commencer le greffage, supprimer les chancres, cicatriser les blessures...
Les détenus des camp avaient souvent des furoncles qui s'infectaient, furoncles qu'ils ne savaient pas comment protéger et qui suintaient.
A la rubrique "Vie naturelle" de l'almanach est annoncé le retour de la grive et du pigeon ramier. (...) Cueillette des plantes médicinales: bourgeons des sapins, fleurs de tussilage, primevères...
Les bourgeons m'ont toujours mise mal à l'aise. Je n'ai jamais compris pourquoi tant de gens s'attendrissaient devant eux. Lorsque j'avais quatorze ans, une prof de français nous avait demandé d'écrire un poème sur le printemps. A l'époque, je connaissais peu de choses sur la Shoah. J'avais écrit en rimes bancales que le printemps puait, que les bourgeons velus et collants n'étaient que putréfaction annoncées, furoncles de saison. (...)
La semaine dernière, en travaillant à la rédaction d'un livre pour enfant sur l'histoire de France, j'ai appris que les grandes rafles entreprises un peu partout en Europe en 1942 avaient été baptisées par les nazis du nom de "Vent printanier"."
Demain, il faudra que je me trouve des lectures en adéquation avec la saison. Je pensais à la mignonne de Ronsard, mais il me semble que c'est encore une histoire qui finit mal...

Ce mardi 21 avril, le vent a soufflé sur Calais...

vendredi, 31 octobre 2008

LES MÈRES ANODINES

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J'ai dévoré aujourd'hui des poèmes iconoclastes, défoulatoires dits domestiques de la même qui est venue déranger, titiller L'histoire de France. La langue s'y dénoue, jubile. Les incisives incisent et les crocs croquent.
En voici un, choisi peut-être au hasard.

Le regard de chèvre
des mères autour du bac à sable.
Ces mères automates,
près des toboggans,
qui balancent ou qui poussent
et qui recueillent leur coeur et leur ennui
au bas des glissades.
Tellement aimantes et dévouées...
Rêvent-elles à la grande dévastation des squares?
Au joueur de flûte qui emmènera les enfants?
Ensuite, pauvres folles, décérébrées,
elles sillonneront la ville à leur recherche.
Elles les appelleront, comme si personne
n'avait jamais crié auparavant
le nom d'un fils ou d'une fille.
In La ménagère cannibale, Béatrice Fontanel, Seuil

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dimanche, 19 octobre 2008

RIRE EST LE PROPRE DE L'HOMME

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Je reviens d'une drôle de rencontre où l'on parla de Babeth 1ère, de Riton IV et de Poléon. D'aucuns appellent cela une conférence. Jugez par vous-même. Mettez à une même table, certes imposante, dans une salle, certes dite de conférence, une Dame pétrie d'humanisme et une réincarnation Brueghelo-Dumassienne, dixit la Dame à ses côtés. La Dame se nomme Béatrice Fontanel et derrière la double réincarnation se cache Ours gris. Laissez-leur le temps de conférer -l'une l'oeil pétillant et le verbe humble, l'autre hilare et le poil hirsute- et vous obtiendrez un échange truculent autant dire rabelaisien.

Ces deux-là étaient venus nous parler de leur Histoire de France dessinée pas encore -à peine?- sortie chez Gallimard. L'Histoire avec sa grande hache, ils s'y étaient déjà frottés avec Riton IV et Babeth 1ère. Et moi à les entendre parler,  j'ai regretté de ne pas avoir qu'une poignée d'années au compteur. Le Monde, j'aurais aimé le rencontrer par le biais de leurs plumes et miquets. De -750 à 1968, double page après double page, il leur a fallu sélectionner des tranches de saucisson (1), réincarner des événements pétrifiés par leur célébrité sans céder à la tentation de seulement les resucer pour les recracher ensuite, trouver dans cette matière odeurs et couleurs. Parce que raconter l'Histoire, cela passe aussi par l'anecdote, ils nous ont dit Saint Louis le cul par terre sous son chêne, Jules et ses rouflaquettes qui avait inscrit les noms des parents récalcitrant à l'éducation nationale sur la place publique, Charlemagne et son éléphant -était-il indien ou africain?-, la chaleur terrifiante de la Saint-Barthélémy, le froid des maisons au Moyen-Âge et la houppelande, tenue de mise pour traîner chez soi.

Lorsque vous regarderez les illustrations de l'Ours, n'oubliez pas que le moindre centimètre carré a été au préalable documenté, vérifié, digéré puis aquarellisé. A chaque fois, d'un semi-remorque plein, il a dû garder une brouette.Lorsque vous lirez les textes de la Dame, souvenez-vous que sa maxime est: il n'y a rien de plus émancipateur que d'apprendre quelque chose chaque jour. Entre la prose de l'une et les illustrations de l'autre, il est une matière que vous ne pourrez pas lire mais que peut-être vous sentirez en tournant les pages. L'Ours, à chaque expédition d'un nouveau miquet par les tuyaux d'internet direction Gallimard, s'est laissé aller à des textes défoulatoires. La Dame s'est laissée aller à dialoguer avec eux. Ils circulent actuellement sous cape ouverte à tous vents. En voici quelques passages.

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Après avoir donné ses armes à César Jules , Vercingétorix est couvert de chaînes, puis il est  invité  a un voyage organisé vers Rome.  Dans cette belle cité, il va participer au grand triomphe de Jules et pour que la fête soit complète, le même Jules le fera étrangler dans le bungalow où il était
hébergé.César t’es un salop, ton fils aura ta peau! Je vais aller faire un tour chez les gallo-romains.
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1347 Les rats arrivent à Marseille et débarquent avec la peste dans les bagages. Le bacille va faire une tournée grandiose!
Tiguidiguidi voilà la grande peste!
Tiguidiguidi tout’l’monde  râle et crêve!
Tiguidiguidi  elle rentre partout!
Dans les palais dans les taudis!
Tiguidiguidi elle franchit  mêm’les limites du pays!!
Allez pour vous remonter le moral faut pas oublier qu’il y a  une guerre de cent ans sur le feu! Quand les pestiférés auront réchappé au bacille ils seront bons pour aller faire le soldat, ou subir les soldats.

Vercingétorix, la grande peste, les têtes coupées gaillardement au moment de la révolution parce qu'elles étaient bon marché, tout cela fait partie de notre histoire. Mais que dire alors de celle qui est encore chargée de souvenirs, de celle sur laquelle encore nous sommes assis. Dire aux enfants d'où ils viennent, cela revient à dire l'histoire de leurs arrière-pépés et arrière-mémés. A la question "par quelle illustration avez-vous commencé?", l'Ours ne cherche pas ses mots, rejette du revers de la main un begaiement: celle de la Shoah. L'illustration, je vous laisse aller la découvrir dans leur livre. De ce qu'il en dit l'Ours pour se défouler, je vous laisse le lire...

Ben moi ça me met le moral à zéro cette soirée diapo qui a commencé avec la “grande” guerre qui faisait partie des récits des grands pères et qui se termine avec l’arrivée des cousins pieds-noirs, des harkis avec leurs cabanes dans la forêt et des gros cons qui organisaient  des “ratonnades”. Ce qui est coincé entre n’est pas reluisant, quel sandwich!
Une chance, les prochaines pages sont sur mai 68, les rêves ne dureront pas, d’accord, ça fera feu de paille mais le temps que le feu aura brûlé on aura vu clair…

Au moment de refermer ce billet, je m'en voudrais d'avoir parlé de tout cela sans jamais évoquer le gallicé. L'ours l'avait peintuluré mais Gallimard l'a ignoré. Qu'à cela ne tienne...

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(1): la tenancière des Îles Indigo a toujours rêvé de noter mot pour mot la gouaille de l'Ours. Assise dans la salle de conférence, elle en a abusé et retranscrit ici quelques entrechoquements de mots doux à son imaginaire. (ndlr)

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