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vendredi, 26 août 2016

Epatement du petit matin

toscane, san gimignano

San Gimignano, août 2016

 Ce matin quand je me suis réveillée, le soleil n'était pas encore levé ou plus exactement il n'était pas encore passé au-dessus de la brume qui enveloppait la plaine. Vite un café, vite mes chaussures de course. Malgré la chaleur qui, elle, avait oublié de s'endormir -comment réussit-elle à tenir après autant de nuits blanches ?- je suis montée jusqu'au panorama de St Pierre du Vauvray. D'habitude, arrivée là-haut, je me réhydrate puis file sur la deuxième moitié de ma boucle. Ce matin, j'ai eu envie de m'attarder un peu. Mon corps ne risquait pas de se refroidir. J'ai emprunté la courbe du chemin qui descend à flanc de coteau et me suis assise dans la prairie. Silencieuse, le souffle à nouveau calme, j'ai laissé mon esprit prendre pour corps l'univers. C'est ce moment que le soleil a choisi pour illuminer la brume, c'est ce moment que ma mémoire a choisi pour faire remonter un autre matin.
A San Gimignano, quand je me réveillais assez tôt, je filais sur la terrasse du haut pour admirer l'épatement* du petit matin, au-dessus des rues vides. Seule une statue, dans un jardin derrière moi, se tenait à la verticale, immobile et burinée par les premiers rayons, jour après jour. Jamais elle ne manquait un rendez-vous. D'habitude, le soleil rayait la ligne d'horizon comme un diamant sur une plaque de verre. Ce matin-là, il a mis pied à terre tout embrumé et s'est attardé dans les plis des collines. Exactement comme moi aujourd'hui sur les coteaux de la Seine.

*"épatement" : je rends à ma fille, qui est très forte pour inventer des mots ou donner des sens nouveaux à des mots qui existent déjà, ce qui appartient à ma fille.

toscane, san gimignano

© Pili Vazquez
San Gimignano, août 2016

 

mercredi, 17 août 2016

A fresco

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Lucca, août 2016

Dernier quart du jour
le klaxon des piaggio
les femmes sur les bancs
le linge oublié sur les fils
 des reflets encore à la fenêtre
 les arbres sur l'ocre des murs

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San Gimignano, Juillet 2016

 

lundi, 15 août 2016

C'est sa fête !

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Cripta del Duomo, Sienne

Cela fait un peu plus de neuf ans que j'ai posé le pied sur ces îles et pas une seule fois je n'ai consacré un billet à l'assomption. Faut dire que je n'ai jamais compris comment ce mot pouvait désigner une quelconque élévation dans le ciel. Essayez de le dire à haute voix. Vous en aurez tellement plein la bouche de toutes ces consonnes aussi indigestes qu'une brochette de Chamallow passée au barbecue après les andouillettes que vous vous sentirez soudain d'humeur très terre à terre.
Mais cette année, c'est décidé, après avoir vilipendé tant et tant de fois Noël, je vais lui faire sa fête, à la vierge ! Et j'ai de quoi faire. Après dix jours passés en Toscane, à raison d'un ou deux musées par jour, ma photothèque est pleine de tableaux, fresques et mosaïques virginales, d'autant plus que P. n'y est pas allée de main morte. Avant de lancer le diaporama, je présente mes plus plates excuses aux passants sur ces îles. Nous n'avons pas eu la rigueur de photographier à chaque fois le cartel. Je ne suis donc pas en mesure de vous donner le nom des peintres, le titre des œuvres et toutes autres informations pertinentes qui figurent sur ces notices, habituellement. Seul reste le nom du lieu où ces œuvres sont exposées. Retour donc sur une vie en cinq épisodes avec sous-titres iconoclastes...

Episode 1 : L'annonciation

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Galleria degli Uffizi, Firenze
© Pili Vazquez

Commençons par une représentation somme toute très classique. Quand Gaby vient annoncer à Marie que l’Éternel l'a choisie pour son rejeton, qu'elle doit renoncer aux siestes amoureuses et qu'il faut qu'elle explique tout ça à son gars Jo, évidemment que la demoiselle a été épatée : ça me plaît bien, ce plan-là! répond-elle en levant sa main droite, délicatement. Comment pourrait-il en être autrement ?

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Galleria degli Uffizi, Firenze
© Pili Vazquez

Ah moins qu'elle n'ait reçu l'ange par ces mots : Oh, Gaby,  sérieusement, quoi, tu t'es vu dans ta tenue du dimanche? Fallait pas te mettre en frais comme ça pour moi ! Va donc rendre à ton patron son salut et dis-lui de faire sans moi ! S'il est si doué qu'on le rapporte, il doit même pouvoir se débrouiller tout seul. Sur ce, elle a repris son bouquin et s'est replongée dans la lecture. Ce jour-là, elle lisait le mythe de la naissance de Bacchus qui comme tout le monde le sait est né de la cuisse de Jupiter.

Episode 2 : L'heure de l'allaitement

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El Duomo, Siena
© Pili Vazquez

Sauf que le Patron a fait avec elle et que le rejeton était glouton.

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Chiesa San Michele, Lucca
©
Pili Vazquez

Episode 3 : Photomatons de la mère et du fils

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Torre del Mangia, Siena
© Pili Vazquez

Ça n'a pas dû être la joie tous les jours. Nuits blanches et cernes sous les yeux. Et cette manie que son fils a de toujours vouloir s'asseoir sur son genou gauche !

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Palazzo del Podesta, San Gimignano
© Pili Vazquez

Episode 4 : Scène de famille

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Crypta del Duomo, Siena
© Pili Vazquez

Sans parler des jours où ils se demandaient avec le gars Jo "A qui la faute ?". Ils se renvoyaient tous les trois la balle.

Episode 5 : Mater dolorosa

Au final, quand le petit trentenaire a enfin quitté le giron familial, ils ont cru qu'ils allaient enfin pouvoir couler des jours tranquilles. Ça n'a duré que trois ans. Y a sérieusement de quoi faire la gueule devant une vie pareille.

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Galleria degli Uffizi, Firenze
© Pili Vazquez

Tous mes remerciements vont à P. Sans ses photos, cette année encore, je n'aurais pu fêter l'assomption. Durant les jours toscans, j'ai réussi l'exploit de ne prendre aucune photo de la vierge. En effet, pendant que P.  prenait une fresque dans son ensemble ...

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Cripta del Duomo, Siena
© Pili Vazquez

... moi, je cédais à ma manie du fragment, ce qui me permettait de me poser des questions existentielles. Ah oui, au fait, qui donc s'est chargé d'enlever les clous ? Sans ce geste passer sous silence depuis deux mille ans, la descente de croix n'aurait pu avoir lieu. Mais je m'éloigne de mon sujet à moins que  je ne retombe sur mes pieds.

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Cripta del Duomo, Siena

vendredi, 12 août 2016

Torresque (2)

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San Gimignano, Juillet 2016

Pour ceux qui ne savent pas ce qu'ils font à 54 mètres au-dessus de San Gimignano, il est préférable d'aller lire l'épisode qui a précédé. Pour les autres, vous voici donc au sommet de la Torre Grossa. En contre-bas, les toiles blanches du marché font à nouveau une réapparition. Seule surface plane avec le terrain de foot. Tout le reste de l'espace, c'est toits et collines.

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Vous admirerez ci-dessous l'oeuvre d'un des 71 perdants au jeu du "qui est le plus puissant dans ce village ?"...

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Là haut, on ne se lasse pas d'admirer chacun des 360 degrés du panorama. Cela fait, on n'a pas envie de redescendre tout de suite. On a même envie de s'asseoir à même le sol, de photographier ses pieds et de regarder les uns et les autres arriver au sommet en évitant la poutre annoncée par une pancarte "Attenzione alla testa". Comme nous, ils poussent un "waouh", chacun dans leur langue, puis passent sous la cloche.

Exercices de style ...

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Désinvolte.

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Imparfait.

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Rétrograde.

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Translation.

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Ensembliste.

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Inattendu.

jeudi, 11 août 2016

Torresque (1)*

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San Gimignano, Juillet 2016

Pour prendre la mesure de la démesure torresque de San Gimignano delle Belli Torre, il faut s'éloigner du village. Partir marcher une colline plus loin, avec la dernière lumière, un soir ; s'asseoir au-dessus des vignes et devant des cyprès, décapsuler une birra Moretti bianca et regarder. L'architecte qui a pensé New-York est-il venu s'asseoir au même endroit ?
Entre le XIème et XIIIème siècle, les notables, après la lecture du chapitre de la Genèse consacré à la tour de Babel, se sont dit que ce serait une bonne idée de réitérer le geste. Non pas pour aller gratter les pieds de l’Éternel - à ce jeu-là on finit inévitablement le cul par terre - mais pour montrer leur puissance. Ce serait à celui qui aurait la plus haute ! Il devait y avoir dans le village 72 notables puisque 72 tours furent édifiées. Aujourd'hui, il n'en reste plus que 14. Vous me direz mais qui donc a gagné ? L'Histoire n'a pas gardé son nom - c'était bien la peine - mais a gardé la tour et ses 54 mètres. Immanquablement, elle a été baptisée la Torre Grossa.
Demain, je vous conduis à son sommet ...

*Torresque : néologisme que le passant sur ces îles ne manquera pas de rapprocher de dantesque. Néanmoins, ce sont deux exacts antonymes ; si dantesque signifie "grandiose, en référence à la description de l’enfer dans la Divine Comédie", torresque, lui, désigne toute entreprise grandiose, certes, mais tirant vers le ciel dans l'Humaine Comédie.
A noter que Dante Alighieri a séjourné à San Gimignano le 8 mai 1300. Comme quoi, il n'y a pas de hasard.

mercredi, 10 août 2016

"Ne rien faire mais à fond : simplement vivre"*

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© Pili Vazquez, lo spettacolo della serata
San Gimignano, Juillet 2016

A l'approche de la fin d'après-midi, quand la canicule prévoit enfin de faire relâche, c'est le même rituel chaque jour recommencé sur la Piazza del Duomo. Sur les marches, les touristes s'attardent encore un peu à l'ombre. Finissent leurs glaces, reprennent une nouvelle gorgée d'eau tiède, ne monosyllabent plus que par intermittence. Regrettent d'avoir dépensé leur énergie si vite en arrivant le matin dans le village. Il faudra bien qu'ils se décident pourtant à retraverser la chaleur, à aller chercher leur voiture en contre-bas, à reprendre la route, rincés.
Sous la halle, juste à gauche, le spectacle est tout autre. Le lieu n'est pas interdit aux touristes mais il pèse là quelque accord tacite. Viennent s'y installer uniquement les habitués du lieu. Les femmes s'alignent tout au fond sur le banc de pierre trop haut, les pieds dans le vide. A les entendre reprendre leur conversation mise en suspens depuis hier, on pourrait penser qu'elles ne se sont pas vues depuis des semaines. J'imagine qu'elles prennent des nouvelles des enfants et petits-enfants des unes et des autres, parlent de celles qui sont absentes au rendez-vous. En vingt-quatre heures, il a dû se passer des micros événements d'une importance telle que chacun nécessite un récit circonstancié, amplifié, dramatisé. Quand le ton monte et le flot de paroles s'accélère, je regrette la pauvreté de mon Italien. Qu'est-ce qui fait soudain désaccord entre elles ? Une recette de focaccia morbida ? La dernière homélie du prêtre ? Leur mari ?
Tiens, justement, les maris ! Ils se tiennent loin de cette agitation. Chacun a pris sa chaise et l'a posée à la limite de l'ombre. Quatre chaises identiques, côte à côte. Assis là, ils laissent peut-être leur esprit vagabonder. Vers les touristes qui vont bientôt libérer la place. Vers hier, vers demain. Ou peut-être pas. Peut-être sont-ils là pour ne rien faire d'autre. Pour n'ajouter au bruit du monde qu'un peu de silence.

*Je rends à André Comte-Sponville ce qui appartient à André Comte-Sponville

mardi, 09 août 2016

Pêche à la ligne

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San Gimignano, Juillet 2016

Quand je laisse les jours toscans remonter un à un à la surface de ma mémoire pour tenter ensuite de les redescendre au fil de l'écriture, c'est la douceur des courbes qui apparait. Courbe des collines et des ogives, courbe du linge qui sèche aux fenêtres et qu'arrondit le souffle du vent, courbes des verres en cul de bouteille, courbe des arbres qui déposent leur ombre sur l'ocre des façades à la fin du jour, courbe de la Piazza dell' Anfiteatro, courbe de la Via Capassi, juste avant d'arriver à El Nido.
Alors va savoir pourquoi ce matin ce ne sont que des lignes, noires ou vertes, que j'ai pêchées dans la photothèque !
Par esprit de contradiction ? Peut-être.

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© Pili Vazquez
San Gimignano, Juillet 2016

Parce qu'elles créent de nouveaux Chemins parallèles ? Pourquoi pas.

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© Pili Vazquez
San Gimignano, Juillet 2016

Ou serait-ce parce qu'aucun point ne les limite ?

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San Gimignano, Juillet 2016

lundi, 08 août 2016

Femmes au soleil

toscane,san gimignano

© Pili Vazquez, Chemins parallèles,
San Gimignano, Juillet 2016

Au moment où tu prends cette photo, tu sais que tu as attrapé un instant. Les contrastes sont parfaits. Entre lumière et obscurité, entre verticalités au fil de plomb et horizontalité des marches. Tout au fond, des toiles blanches. C'était jour de marché sur la Piazza della Cisterna. Il y avait foule d'étals et de touristes. Fourmilière aux heures de pointe. Mais de cela, ta photo ne dit rien. L'espace est vide. Ou presque.
En prenant cette photo, tu figes une femme qui elle-même prend en photo un bâtiment. Et qui sait, peut-être qu'elle aussi vient de figer une femme qui prend en photo un bâtiment devant lequel se tient une femme qui... A vous toutes, de l'une à l'autre, vous tracez dans San Gimignano un itinéraire. J'aime à penser que, vu d'un deltaplane, cet itinéraire dessine, de quart de cercle en demi-cercle, un labyrinthe où se retrouver. Il suffirait pour cela de suivre le cable noir qui traverse tes verticalités au fil de plomb en une courbe désinvolte.

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© Pili Vazquez, labirinto
Lucca, août 2016

 

dimanche, 07 août 2016

Le goût d'hier et des jours d'avant

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San Gimignano, juillet 2016

Là-bas le ciel n'a pas la larme facile
se moque des sonneurs de tocsin
préfère de loin rire
à vents déployés
parfois même
au milieu de l'été
au-dessus des cyprès toscans
il invite au voyage
quelques grains de blés
et les sème dans la gouttière
- à quoi pourrait-elle servir d'autre -
pour qu'y grandisse
le goût d'hier et des jours d'avant