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vendredi, 31 octobre 2008

LES MÈRES ANODINES

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J'ai dévoré aujourd'hui des poèmes iconoclastes, défoulatoires dits domestiques de la même qui est venue déranger, titiller L'histoire de France. La langue s'y dénoue, jubile. Les incisives incisent et les crocs croquent.
En voici un, choisi peut-être au hasard.

Le regard de chèvre
des mères autour du bac à sable.
Ces mères automates,
près des toboggans,
qui balancent ou qui poussent
et qui recueillent leur coeur et leur ennui
au bas des glissades.
Tellement aimantes et dévouées...
Rêvent-elles à la grande dévastation des squares?
Au joueur de flûte qui emmènera les enfants?
Ensuite, pauvres folles, décérébrées,
elles sillonneront la ville à leur recherche.
Elles les appelleront, comme si personne
n'avait jamais crié auparavant
le nom d'un fils ou d'une fille.
In La ménagère cannibale, Béatrice Fontanel, Seuil

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vendredi, 24 octobre 2008

POIL

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Les singes ont l'air méchants, aigris, amers, perpétuellement vexés d'avoir raté l'humanité à un quart de poil. Ca les obsède à l'évidence, ils ne pensent qu'à ça.
in Courir, Jean Echenoz, Les éditions de minuit

dimanche, 19 octobre 2008

RIRE EST LE PROPRE DE L'HOMME

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Je reviens d'une drôle de rencontre où l'on parla de Babeth 1ère, de Riton IV et de Poléon. D'aucuns appellent cela une conférence. Jugez par vous-même. Mettez à une même table, certes imposante, dans une salle, certes dite de conférence, une Dame pétrie d'humanisme et une réincarnation Brueghelo-Dumassienne, dixit la Dame à ses côtés. La Dame se nomme Béatrice Fontanel et derrière la double réincarnation se cache Ours gris. Laissez-leur le temps de conférer -l'une l'oeil pétillant et le verbe humble, l'autre hilare et le poil hirsute- et vous obtiendrez un échange truculent autant dire rabelaisien.

Ces deux-là étaient venus nous parler de leur Histoire de France dessinée pas encore -à peine?- sortie chez Gallimard. L'Histoire avec sa grande hache, ils s'y étaient déjà frottés avec Riton IV et Babeth 1ère. Et moi à les entendre parler,  j'ai regretté de ne pas avoir qu'une poignée d'années au compteur. Le Monde, j'aurais aimé le rencontrer par le biais de leurs plumes et miquets. De -750 à 1968, double page après double page, il leur a fallu sélectionner des tranches de saucisson (1), réincarner des événements pétrifiés par leur célébrité sans céder à la tentation de seulement les resucer pour les recracher ensuite, trouver dans cette matière odeurs et couleurs. Parce que raconter l'Histoire, cela passe aussi par l'anecdote, ils nous ont dit Saint Louis le cul par terre sous son chêne, Jules et ses rouflaquettes qui avait inscrit les noms des parents récalcitrant à l'éducation nationale sur la place publique, Charlemagne et son éléphant -était-il indien ou africain?-, la chaleur terrifiante de la Saint-Barthélémy, le froid des maisons au Moyen-Âge et la houppelande, tenue de mise pour traîner chez soi.

Lorsque vous regarderez les illustrations de l'Ours, n'oubliez pas que le moindre centimètre carré a été au préalable documenté, vérifié, digéré puis aquarellisé. A chaque fois, d'un semi-remorque plein, il a dû garder une brouette.Lorsque vous lirez les textes de la Dame, souvenez-vous que sa maxime est: il n'y a rien de plus émancipateur que d'apprendre quelque chose chaque jour. Entre la prose de l'une et les illustrations de l'autre, il est une matière que vous ne pourrez pas lire mais que peut-être vous sentirez en tournant les pages. L'Ours, à chaque expédition d'un nouveau miquet par les tuyaux d'internet direction Gallimard, s'est laissé aller à des textes défoulatoires. La Dame s'est laissée aller à dialoguer avec eux. Ils circulent actuellement sous cape ouverte à tous vents. En voici quelques passages.

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Après avoir donné ses armes à César Jules , Vercingétorix est couvert de chaînes, puis il est  invité  a un voyage organisé vers Rome.  Dans cette belle cité, il va participer au grand triomphe de Jules et pour que la fête soit complète, le même Jules le fera étrangler dans le bungalow où il était
hébergé.César t’es un salop, ton fils aura ta peau! Je vais aller faire un tour chez les gallo-romains.
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1347 Les rats arrivent à Marseille et débarquent avec la peste dans les bagages. Le bacille va faire une tournée grandiose!
Tiguidiguidi voilà la grande peste!
Tiguidiguidi tout’l’monde  râle et crêve!
Tiguidiguidi  elle rentre partout!
Dans les palais dans les taudis!
Tiguidiguidi elle franchit  mêm’les limites du pays!!
Allez pour vous remonter le moral faut pas oublier qu’il y a  une guerre de cent ans sur le feu! Quand les pestiférés auront réchappé au bacille ils seront bons pour aller faire le soldat, ou subir les soldats.

Vercingétorix, la grande peste, les têtes coupées gaillardement au moment de la révolution parce qu'elles étaient bon marché, tout cela fait partie de notre histoire. Mais que dire alors de celle qui est encore chargée de souvenirs, de celle sur laquelle encore nous sommes assis. Dire aux enfants d'où ils viennent, cela revient à dire l'histoire de leurs arrière-pépés et arrière-mémés. A la question "par quelle illustration avez-vous commencé?", l'Ours ne cherche pas ses mots, rejette du revers de la main un begaiement: celle de la Shoah. L'illustration, je vous laisse aller la découvrir dans leur livre. De ce qu'il en dit l'Ours pour se défouler, je vous laisse le lire...

Ben moi ça me met le moral à zéro cette soirée diapo qui a commencé avec la “grande” guerre qui faisait partie des récits des grands pères et qui se termine avec l’arrivée des cousins pieds-noirs, des harkis avec leurs cabanes dans la forêt et des gros cons qui organisaient  des “ratonnades”. Ce qui est coincé entre n’est pas reluisant, quel sandwich!
Une chance, les prochaines pages sont sur mai 68, les rêves ne dureront pas, d’accord, ça fera feu de paille mais le temps que le feu aura brûlé on aura vu clair…

Au moment de refermer ce billet, je m'en voudrais d'avoir parlé de tout cela sans jamais évoquer le gallicé. L'ours l'avait peintuluré mais Gallimard l'a ignoré. Qu'à cela ne tienne...

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(1): la tenancière des Îles Indigo a toujours rêvé de noter mot pour mot la gouaille de l'Ours. Assise dans la salle de conférence, elle en a abusé et retranscrit ici quelques entrechoquements de mots doux à son imaginaire. (ndlr)

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mardi, 07 octobre 2008

TRAITEUR

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Par chez moi, Lire pourra vraiment être en fête le prochain week-end. Ours gris est enfin sorti de sa tanière et s'expose ou plus exactement a été contraint et forcé à exposer. Comme son surnom l'indique, Ours gris est beaucoup ours. Donc, hier soir, lors du vernissage, au moment de l'exercice obligé du discours après le blabla du cravaté municipal, c'est sur un ton bourru d'ours en manque prolongé de miel qu'on s'est tous fait traiter. Il n'était pour rien dans tout ce brassage d'images, qu'on se le dise. On était les seuls responsables après tout s'il se retrouvait derrière son micro, se dandinant d'un pied sur l'autre. On se gardait bien de broncher et si un sourire avait le malheur de s'esquisser on se cachait derrière le dos de celui de devant -tant pis pour ceux du premier rang. C'est que l'Ours était capable de décrocher ses miquets pour les ramener dans leur placard à miquets et de nous planter là.

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Gorgones effrayées par l'Ours

Ceci dit, on ne l'aurait pas laissé faire. Sur l'affiche, c'est Traiteur d'images qu'est marqué, pas maltraiteur! Et puis c'est la première fois qu'on les voyait sous-verre, ses aquarelles. Ca fait quelque chose, là au creux du palpitant quand on les épluche du regard. Et si l'oeil devient humide, c'est pas à cause des oignons sur les petits fours. Des oeuvres d'art puisque je vous le dis.

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Vert ni sage
Le hall peu à peu s'est vidé pour pétiller un peu plus loin. Lui est resté, encore tourneboulé. Un enfant est venu avec L'atelier de Pépère. Il s'est enfin assis.
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Ce qui s'est passé hier aurait dû logiquement ne pas se produire, ainsi l'avait décrété l'Ours.

 

dimanche, 05 octobre 2008

CERNE (suite)

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Notre petite vie cernée de rêves
Je l'ai ouvert et je l'ai lu. Force m'est de changer ma bobine intérieure. Prière de reprendre le billet précédent avec La fureur de vivre en projection simultanée. Donc le petit nom de la dame peu avenante sur la couverture c'est Orpha. Faut-il y voir un allusion très allusive au mythe d'Orphée? Toujours est-il qu'elle va tirer le jeune Albert des Enfers, comprenez la petite vie toute bleuie, flétrie, rabougrie de ses parents. A coups de souvenirs tirés de sa propre jeunesse, de citations de Shakespeare et Rilke, de vie rêvée en fin de compte, elle va le tirer jusqu'à l'entrée de ses propres désirs. Comme dans le mythe, une main lâchera mais ce ne sera pas pour avoir regardé derrière soi si près du but. Comme dans le mythe, la femme gagnera le séjour des morts.

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vendredi, 03 octobre 2008

CERNE

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Notre petite vie cernée de rêves
Il se joue tant et tant entre un titre de roman et son peut-être lecteur. Il suffit, sur fond de crise persistante, de quelques mots discernés trop rapidement pour que la rencontre ne s’engage pas bien.
Notre petite vie cernée de rêves
Celui-là avait tout pour déplaire et ma mémoire, mon inconscient et humeur du jour ont sorti les banderoles pour me le dire. Allez savoir pourquoi j’ai pensé à Un tramway nommé désir, de la noirceur en plus (!) et à Mathilda, l’humour en moins. Et ce n’est pas le regard fixe de la femme sur la couverture qui a changé la bobine de mon écran intérieur.
Qu’y a-t-il derrière ce « notre » ? Un couple désillusionné pour qui le rêve n’est plus que la trace d’une fatigue extrême qui bleuit les contours d’une vie bien rangée ? Les rêves ont-ils encore le pouvoir d’assiéger une vie aussi petite soit-elle ?
Pas envie de lui décerner mon temps. Recherchais plus de l’anti-cernes par ces temps qui courent sans reprendre leur souffle. Mais la tenancière de L’Oiseau lire ne s’est pas sentie concernée par mes réticences. Le roman, elle me l’a posée d’une main ferme sur une pile semblable à la tour de Babel juste avant que l’Eternel n’envoie tout valdinguer. Alors, je l’ai pris. Et même que pour le comité de lecture de la semaine prochaine, je l’ai ouvert…

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notre petite vie cernée de rêves
B. Wersba
Ed. Thierry Magnier