vendredi, 28 septembre 2007
ÉPUISÉ
Depuis dix jours, date à laquelle j'ai repris mes cours de littérature jeunesse, une pensée en rien éphémère mais bien plutôt méthémérine me taraude. Tout est parti d'un mot, un mot oui, un seul mais un à tendance polysémique. Le mot de ces dix derniers jours est épuisé. Pour lui, mon vieux Bob m'indique deux sens:
1. A bout de force: ainsi le mystérieux somnambule qui déposa des commentaires dans le précédent billet devait-il être épuisé par ses marches nocturnes involontaires.
2. Qui n'est plus édité: c'est ce qu'osa m'affirmer une libraire près des Buttes Chaumont alors que je lui demandai le premier tome de l'Atlas des Géographes d'Orbae. Des géographes d'orbae? Son étonnement feint dissimula difficilement qu'elle ignorait l'existence de François Place en ce bas-monde. J'empêchai l'ami qui m'accompagnait ce jour-là de la pousser plus loin dans ses retranchements en lui demandant Les Derniers Géants, Le Roi des Trois Orients ou encore Le Prince Bégayant. Il eut bien été capable de monter et assurer la garde d'une circonvallation -ne reculons devant aucune métaphore lourde, pesante et militaire pour relever le défi des trois contraintes!- jusqu'à ce qu'elle avouât son insuffisance littéraire.
Chaque jour, depuis dix jours donc, je vis avec cette troublante conscience qu'un livre peut effectivement être épuisé. Surtout depuis qu'a été éditée par l'éducation nationale une liste d'oeuvres de référence pour une initiation à la culture littéraire et artistique. Liste louable et louée -même si nous pouvons nous demander pourquoi ce titre et pas celui-là- puisqu'elle offrait à une même génération une première culture commune. Là où se joue le premier acte de la tragédie c'est lorsque des étudiants préparant le Concours de Recrutement des Professeurs des Écoles montent sur scène: ils doivent choisir un titre de littérature jeunesse. Deuxième acte: la tentation dans le rôle de l'inégalable deus ex machina se jette à son tour sur les planches. Elle leur murmure de choisir un titre déjà expérimenté par les promos précédentes, sur internet tout est déjà mâché, digéré voire plus.
Certains livres n'en peuvent plus d'avoir été triturés, démantibulés et rarement regardés, rencontrés: ils sont épuisés. Alors, avant que ne se joue avec la même fatalité le troisième acte, je ne recule pas devant le rôle de la dea ex machina. Laissez-les se reposer, l'Otto autobiographie d'un ours en peluche, La reine des fourmis a disparu, L'oeil du loup .
Il existe d'autres Ungerer, d'autres Bernard & Rocca et d'autres Pennac. Il existe tant d'autres auteurs, tant d'autres textes au creux desquels se blottir en des circonvolutions voluptueuses.
18:50 Publié dans ALBUM | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : otto, épuisé | Facebook |
mercredi, 26 septembre 2007
MATIN
Matin
T'es-tu déjà réveillé,
juste entre la nuit et le matin ?
Entre la fin de la nuit
et le début du jour ?
A l'orée de l'aurore,
sur le bord fin de l'aube.
Tu vois ?
Aprés les derniers rayons de lune,
et avant,
juste avant
les premiers rayons de soleil.
Ce n'est pas le jour.
Ce n'est pas la nuit.
C'est autre chose :
Les loups se couchent
comme des peaux de chèvres
et monsieur Seguin embrasse de sa bouche
Madame Seguin sur les lèvres.
Alain Serres
in N'écoute pas celui qui répète
20:45 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (16) | Tags : alain serres, matin | Facebook |
samedi, 22 septembre 2007
LA RIVIÈRE AU BORD DE L'EAU (SUITE ET ENFIN FIN)
Reprenons donc le cours de ma pensée.
Non loin de Saint-Eloi-de-Fourques mais pas assez près pour que les buvards ne la boivent coule la Riel. Décidément, c'est un vrai plaisir de l'orthographier ainsi et que s'insurgent les passants de mots et de lettres si bon leur semble.
D'aucuns ont affirmé qu'il n'y avait pas de rivière à Saint-Eloi-de-Fourques. C'est qu'ils n'ont pas poussé leurs pas jusque dans la bibliothèque. Ce jour-là, nous avions invité Michèle Moreau des Éditions Didier Jeunesse. Au programme, historique de la maison d'édition et politique éditoriale. Vraiment? Elle est arrivée avec son chariot de livres, le regard amusé. Le programme fut respecté le temps d'une très rapide introduction.
A ce moment-là immortalisé par mon APN, n'allez pas croire
qu'elle comptait le nombre d'années passées dans la boîte,
qu'elle comptait le nombre de livres édités sur l'année,
qu'elle comptait le nombre de collections sélectionnées.
Non, passants, vous errez loin de la rive:
Elle contait des comptines.
08:35 Publié dans ALBUM | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : comptine, didier jeunesse, martine bourre | Facebook |
mercredi, 19 septembre 2007
LA RIVIÈRE AU BORD DE L'EAU (2)
Chers passants des Îles Indigo,
J'étais effectivement partie voir si quelque rivière ne coulait pas aux abords de Saint-Eloi-de-Fourques. Or j'en ai découvert une qui m'a laissée sans voix tous ces derniers jours. J'aurais aimé nommé de son nom un des ruisseaux de mon archipel:le riel...
Quel somptueux anagramme!
Cependant, avant que cet intermède sans chorégraphie ni musique ne se referme, je tiens à préciser qu'il ne s'agit toujours pas là de ma rivière au bord de l'eau.
22:30 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (8) | Facebook |
dimanche, 16 septembre 2007
LA RIVIÈRE AU BORD DE L'EAU (1)
Le mois de septembre va bon train et les rentrées ne s'épuisent pas. Pour celle du comité de lecture de la Bibliothèque Départementale de Prêt, nous étions de sortie au fin fond de la Normandie, dans un village qui aura bien des raisons d'ouvrir ses portes pour les journées du patrimoine, Saint-Eloi-de-Fourques*. Mais la porte que nous y avons poussée, ce jour-là, venait d'être calée dans les gonds d'une toute nouvelle bibliothèque.
A l'intérieur, au milieu de l'odeur du neuf et des livres jamais encore sortis de leurs rayons, paradait une exposition d'antiques buvards. J'ai un très vague souvenir d'avoir glissé sous ma main ces papiers encombrant l'espace de ma feuille. Pourtant je n'ai jamais connu la plume sergent major et ai appris mes lettres et mes mots avec un bic qui parfois ne glissait pas comme je le voulais entre les grains du papier. Qu'allait boire alors le papier buveur? La poussière de la récréation, les traces de la chocolatine sur le bout de mes doigts ou mon impatience d'apprendre à lire et à écrire?
Par contre, je ne me souviens pas que cet espace assoiffé ait aussi été un espace publicitaire.
Et la rivière dans tout ça? Bue par les buvards?
* Afin que votre cinéma mental ne vous entraîne pas dans un hors-champ et hors-sujet, je précise tout de suite qu'aucune rivière ne traverse ce coin de verdure où ne pousse d'ailleurs aucun frais cresson bleu non plus.
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mardi, 11 septembre 2007
MOTUS ET ...
Matinée à parcourir avec mes étudiants des albums dits randonnée. Pas léger et souffle bien posé pour tous. Sur notre chemin, il y eut Petit Cochon Têtu, Ours qui lit, un Petit bonhomme à la faim aussi grosse que lui était petit, bras dessus bras dessous avec son compère des bois, une Grenouille à grande bouche, encore un Ours, mais celui-là nous sommes partis le chasser. Nous n'avions peur de rien.
Et puis, il y eut Bouche cousue. Pourquoi donc l'enfant avait-il cesser de parler entraînant derrière lui le chat qui a cessé de miauler, la maison d'ouvrir ses volets, le chemin de mener, le soleil de briller? On sentait bien que l'album n'était plus aussi léger que les précédents, et pourtant le mot guerre n'est murmuré qu'à la fin, alors que la dernière étoile qui brille dans la nuit raconte une histoire à l'enfant qui accepte à nouveau de rêver et d'en découdre avec la parole. Et pourtant tout était indice, tout dans les illustrations disait l'Algérie et dans chaque double page -éléments incongrus- étaient accrochés les rêves que bientôt l'enfant ferait à nouveau.
J'ai cherché les mots pour dire cet album et j'ai eu le sentiment qu'ils m'échappaient.
A la fin du cours, Marianne est venue me voir pour me dire que j'avais laissé tomber quelque chose en route qu'elle avait ramassé, une phrase, que c'était dommage de ne pas la poser quelque part: "Les histoires ne doivent pas couper du monde mais permettre de le supporter, de le porter."
Bouche cousue, Gigi Bigot - Pepito Matéo, Stéphane Girel, Didier jeunesse
21:50 Publié dans ALBUM | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : bouche cousue, gigi bigot, pepito matéo | Facebook |
vendredi, 07 septembre 2007
TOUT AIMER
Tout aimer
Aimer tout aimer
Même le froid et ses morsures
même l'heure qui sépare
et les déserts du chagrin
Aimer l'arbre fendu
la fontaine sans eau
et le visage blessé
où ne vont plus les songes
Aimer les mains qu'on n'a plus
et la caresse abandonnée
et la saison obscure
que n'éveille plus l'oiseau
Croyez-moi
je sais de quoi je parle
j'ai le coeur léger comme vous
il faut aimer à en brûler
même l'instant sans joie
qui serre le coeur
qui serre le coeur
Jean-Pierre Siméon, in La nuit respire
19:55 Publié dans BAL(L)ADE | Lien permanent | Commentaires (4) | Facebook |
mardi, 04 septembre 2007
FABRIQUE À COPEAUX ET MIQUETS
Cela faisait hier la une des journaux, d'aucuns y allaient de leurs commentaires socio-politico-vido-inutilo, il y eut même des dérapages "de rigueur" dans ce qui fut dit, à peine dérapé déjà rattrapé, mais voilà, malgré tout, c'était la rentrée, sans faux-pas possibles.
"La rentrée": c'est donc que nous étions sortis mais de quel lieu? Et si nous appelions hier "la sortie" et que nous parlions d'entrée en vacances? Cela ferait débandade, là où nous sommes attendus en petits tailleurs d'heures sup'.
Toute à ces réflexions, peut-être bien vido-inutilo, j'ai pensé à deux compères, écrivains et illustrateurs qui eux ne rentraient pas car pas sortis. Chaque jour, ils remettent sur l'établi vaillamment leurs mots et images.
Alors en sortant de cette rentrée, je suis allée dans la tanière de l’un d’entre eux. Je l’ai trouvé dans sa fabrique à copeaux, nous avons parlé de Moby Dick, il m’a montré son dessin d'Ishmaël et Queequeg au chaud, sous la même couette, en train de fumer le même calumet, il m'a relu hilare le sacro-saint chapitre La chasuble.
En sortant de là, deux éditions différentes de Moby Dick sous le bras, j'ai eu envie de vous faire entrer dans le dernier album de l'ours de la tanière...
Zig et zag...
Avant de déambuler Dans l’atelier de Pépère, il est une planche-départ en guise de petit préambule : un canif y est transmis de main de grand-père à main de petit-fils. A force de passages, lame et manche ont été renouvelés. Et cette question : Est-ce toujours le même canif ?
SSkric et sskrac…
Et lorsque une histoire passe de génération en génération, est-ce toujours la même histoire ? Seuls les lutins présents de toute éternité pourraient répondre.
Crouic-crouic…
Toujours est-il que Pépère, au fond de son atelier, sous l’égide de Jean-le-vert, est un passeur d’histoires sans la grande hache, de celles inscrites dans l’aubier de ses outils de menuisier, venues de l’aube des temps, des siècles derniers ou d’outre-tombe.
Pim-Pam…
Face à Pépère, le faiseur de sciure, les fesses dans les copeaux de bois fraîchement raboté, Sylvain, le petit-fils, est tout ouïe : John Twilbil, le chercheur d’or, Salomon le tueur de Dragomir, Robin la gueule cassée, Charles le fratricide et Etienne aux ailes trop tôt brisées.
Alors, lorsque des histoires passent de génération en génération, sont-ce toujours les mêmes histoires ?
Peu m’importe ce qu’elles étaient avant et ce qu’elles deviendront, pourvu qu’elles passent. Mais je n’échangerai ma place contre aucune autre car quelle chance de les lire, l'ours, sous ta plume au verbe tantôt déchaîné tantôt pudique et tes pinceaux, mythiques faiseurs de somptueux dessins minutieux ou d’ombres chinoises!
Ours gris a fait sa rentrée sur France Culture dimanche dernier. Vous pouvez télécharger l'émission Jusqu'à la lune et retour par là.
00:25 Publié dans ALBUM | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : maurice pommier, ours gris, dans l'atelier de pépère | Facebook |
dimanche, 02 septembre 2007
DEUX MOIS DEUX SEMAINES ET DEUX JOURS...
08:40 Publié dans ALBUM, INCIPIT, ROMAN | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : françois place, maurice pommier, ours gris, moby dick, les derniers géants | Facebook |