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dimanche, 29 septembre 2013

Poussière d'étoile

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Ce matin, en préparant mes cours pour les Biobios, j'ai recherché sur la toile un texte d'Hubert Reeves, Terre planète bleue. De fil en touche de clavier, je suis tombée sur une conférence de l'astro-physicien. Il y avait encore de la place dans l'amphi, je m'y suis assise et je l'ai écouté de bout en bout.
Ce n'était pas vraiment une conférence -les intervenants y sont trop souvent cérémonieux et sententieux- mais plutôt une bal(l)ade pétillante au milieu des interrogations métaphysiques de Woody Allen: Qui sommes-nous? D'où venons-nous? Où allons-nous? Que mangeons-nous ce soir? Dans une demi-pénombre -de celles qu'apporte le début de la nuit et qui rendent à la parole sa densité, - il nous a menés de la 1ère poussière d'étoile à la peut-être extinction de notre espèce. Juste avant que la lumière ne soit à nouveau, il a conclu par ces mots: " L’important ce n’est pas d’être optimiste ou pessimiste, c’est d’être déterminé".
En quittant l'amphi, j'ai repensé au documentaire de Patricio Guzman, Nostalgie de la lumière.

 

vendredi, 27 septembre 2013

Evidence

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« On ne peut empêcher les oiseaux noirs de voler au-dessus de nos têtes, mais on peut les empêcher d'y faire leur nid. »
Pensée chinoise

mercredi, 25 septembre 2013

Le dévouement du suspect X, Keigo Higashino

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Je ne suis pas lectrice de polars. Il m'est, certes, arrivé d'excursionner* dans les romans de Fred Vargas, il m'est même arrivé de me laisser séduire puis de me lasser tout aussi vite.
Le dévouement du suspect X de Keigo Higashino: ce polar-là fera exception. Je me suis laissée happer et en suis ressortie époustouflée. Je ne me lancerai dans aucun résumé inutile. Juste vous dire que sa clef de voûte est dans cette interrogation récurrente: "Est-il plus difficile de chercher la solution d'un problème que de vérifier sa solution ?"
D'ailleurs, la lecture de ce roman m'a confrontée à un problème auquel je me suis déjà cognée en lisant des auteurs russes. Dès qu'un personnage réapparaît après une absence de quelques pages,je lui demande, tu es qui toi, déjà? A chaque fois, je prends la mesure de mon indécence et m'excuse par un affligeant expédient, que vos noms à mémoriser sont difficiles. Peut-être les éditeurs pourraient-ils prévoir, à l'usage de lecteurs aussi consternants que moi,  des didascalies de personnages au seuil de ces romans. Quelqu'un aurait-il l'obligeance de vérifier que je tiens bien là la solution de mon problème?

*Excursionner: cela n'est même pas un néologisme. Proposé par mon morveux alors que je cherchais un synonyme de "faire une excursion", je l'ai trouvé à la page 991 de mon Petit Robert. Il est rangé dans la catégorie vieilli. Je viens de le rajeunir.

dimanche, 22 septembre 2013

Le fil de soie, Cécile Roumiguière et Delphine Jacquot

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Cette fois-ci, M'dame Cécile, mon facteur vous remercie. Faut dire que depuis quelques années il appréhende les jours où il doit confier à ma boîte aux lettres l'un de vos albums. Il y avait eu Rouge Bala qu'il avait dû se résoudre à écorner. Puis ça avait été le tour d'Une princesse au palais, tellement grand qu'il avait pris le risque de le laisser trôner au-dessus de la boîte, au milieu du chèvrefeuille. Alors, de pouvoir glisser aussi facilement Le fil de soie l'a rendu heureux.
Moi, de le découvrir jeudi soir, au milieu des factures et autres courriers inutiles m'a rendue soudain joyeuse. Je ne l'ai pas ouvert tout de suite. J'ai attendu de retrouver espace et temps libres.

Hier soir, je l'ai lu. Je suis allée des illustrations au texte. Magnifique*. Du texte aux illustrations. Splendides*.
Celles de la page de droite, qui déroule un tête à tête, au-dessus de la table de couture, entre Marie-Lou -une gamine malmenée par l'école- et sa grand-mère Mamilona. Mamilona ne lit pas, elle coud et chante; toujours la même chanson; Ederlezi. Quand sa petite fille lui demande de traduire les paroles, elle se défile avec l'élégance du silence.
Et celles de la page de gauche, qui en pointillés laissent les souvenirs de Mamilona défiler.
Mamilona ne lit pas mais elle sait écrire au fil de soie la trame de ses souvenirs sur une robe de poupée pour sa petite fille: l'enfance manouche, les camps d'extermination et la vie qui reprend malgré tout.

Aujourd'hui, je l'ai parcouru à nouveau. Puis je suis venue écrire ici, tout en écoutant en boucle Ederlezi. L'interprétation de Bratsch et celle de Goran Bregovic. J'ai cherché des mots qui n'écorneraient pas trop l'album. J'ai aussi repensé à T. et à ce qui s'était passé l'année dernière. Maintenant sur l'épaule d'Angel, il y a un fil de soie...

*Ces adjectifs ne voulant rien dire, allez donc voir sur le site des Editions Thierry Magnier, les premières pages de l'album.

vendredi, 20 septembre 2013

Disparitions / Disappearances

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Du noir au blanc, de l'obscurité à la lumière, en quatre-vingt-dix-neuf jours, Alain Korkos creuse une galerie de quatre-vingt-dix-neuf portraits d'hommes et de femmes déportés à Auschwitz, sur son site Disparitions / Disappearances.
Emotion, les mots sont inutiles.
J'aime à croire qu'avec ce projet, Alain Korkos rend aussi hommage à Georges Perec et son roman La disparition, écrit sans "e", sans "eux".
Quatre-vingt-dix-neuf jours, avec eux.

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lundi, 16 septembre 2013

Travail au blanc

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Cette photo dit tout de mon impatience matinale. J'ai mis le pied au sol à l'heure où le coq se laisse aller à un dernier rêve et la chouette effraie encore le silence obstinément. Je voulais être dans le jardin pour assister au lever du jour. Pour voir à la lumière du petit matin la façade nouvelle de la biquetterie.

Hier, nous avions quasiment dû finir notre travail au blanc à la lampe frontale. Toute la journée, nous avions libéré les pierres une à une, dessinant au burin les limites d'un archipel régulier autour des fenêtres. Patiemment, nous avions enduit l'espace de l'une à l'autre. Au fur et à mesure de notre avancée, nous avons réduit à un lent exil une colonie de colimaçons, nous avons délogé un monticule de forficules. J'ai même espéré enfin découvrir le repère des limaces qui chaque nuit bavouillent en toute impunité autour de la gamelle des chats. Je les aurais alors ostracisées après les avoir découpées en petits morceaux.

Ce matin, le jour, je l'ai très largement précédé. La façade était encore retenue par l'obscurité. Elle est apparue peu à peu comme si elle avait été plongée dans un bain révélateur. J'aurais voulu pour elle la caresse d'un rayon de soleil, elle a reçu la morosité de nuages gris.

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jeudi, 12 septembre 2013

Trois points de ...

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D. a récupéré dans les cartons d'une vieille cousine, il y a quelques temps, les lettres du Poilu A. Durand, brancardier, 2ème bataillon, 153ème d'Infanterie, 20ème corps d'armée, en campagne.  Une fois ces lettres en sa possession, D. n'a pas voulu  les consigner une 2ème fois dans des casiers de l'oubli. Elle a proposé à une collègue et prof d'histoire d'en offrir une lecture à haute voix à ses classes. Proposition déclinée pour cause de programme surchargé, conseil donné de les transmettre aux Archives! D. n'a pas voulu les archiver. Elle attendait qu'une autre occasion se présentât.
Cet été, elle est venu faire un tour sur mes îles, le jour du billet Tangage et tangente. Elle y a lu qu'E. préparait à sa manière et avec son accordéon une remontée à la surface de la guerre de 14, en marge des commémorations officielles et certifiées conforme à la pensée étatique. Elle m'a demandé si je pensais que. Si je croyais que ça pourrait l'intéresser.
Avant qu'elle ne les lui envoie, moi, mon carnet et mon crayon à papier, nous sommes passés chez elle pour les lire. Pour en garder une trace. J'ai tourné les pages, noircies elles-aussi au crayon à papier.  Dans chacune ou presque, un homme qui cherche à dissimuler le soldat. Pour rassurer son oncle et sa tante. Il est bien plus loquace quand il parle des colis reçus, chocolat et caleçons.
Avant qu'elles ne partent en terre pictavine, j'ai recopié quelques lignes.

23 novembre 1914
"Cette guerre dépasse en horreur tout ce qu'on peut imaginer."
16 décembre 1914
"C'est en vain qu'une horde de barbares nous inonde de sa ferraille, il n'y a plus que les morts qui n'avancent plus."
10 mars 1915
"Ne vous souciez pas des zeppelin; les chutes de cheminées sont plus dangereuses les jours de grand vent"
"Je suis un oiseau de nuit, je ne travaille que dans les ténèbres, silencieux comme une ombre."
16 avril 1915
"Ne nous emballons pas, nous avons encore du travail à faire et tous ceux qui l'ont commencé et continué ne l'achèveront pas."

Après plus rien. Cassandre malgré lui. La correspondance s'arrête là...

mercredi, 11 septembre 2013

Suspension (3)

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Ce matin, j'ai suspendu de leurs fonctions les tomates de Ramallet. Elles avaient fini de recueillir l'été. Le temps était venu de les faire passer à l'étape suivante.
Cette variété-là, c'est la tenancière d'Espaces, instants qui me les avait fait découvrir, sur son île abreuvée de soleil. Elle m'avait envoyé des graines pour tenter l'expérience dans ma région imbibée d'eau. Plus tard dans l'année, en mars, elle m'avait donné des nouvelles de ses semis. Moi, ce même mois, je regardais la neige s'acharner à gommer le jardin.
Malgré un printemps qui se prenait pour un 2ème automne, nous avions lancé des semis, fin avril, alors que Zic mettait bas. J'ai déménagé les pieds en pleine terre enrichie de compost, fin mai. Je les ai abondamment arrosés en guise d'encouragement. Le soir-même, Colo m'écrivait: "rappelle-toi que ces tomates à pendre sont moins soiffardes que les autres sortes de la famille. Bon, contre la pluie on ne peut rien, mais ne les arrose pas trop en été sinon elles attrapent des taches noires et pourrissent." Le lendemain, il pleuvait à seau.
L'été s'est engagé, chaud contre toute attente. Les pieds, ceux de Ramallet et tous les autres, ont donné des fruits. Entre temps, nous avions égaré le papier désignant les variétés sur chaque butte. Les tomates de Ramallet devaient être cueillies au moment où le vert accepte de lâcher prise alors que les autres devaient être menées à maturité. Colo est venue à mon aide en glissant une photo de sa dernière récolte -sic- dans un mail:des tomates à foison et en abondance, du vert au rosé.
Ce matin, j'ai cueilli ma première et modeste récolte. M. l'a suspendue dans la cuisine. Ainsi, le matin, entre café et tartines,je la regarderai sécher. L'hiver venu, les tomates laisseront les jours d'été remonter à la surface.

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mardi, 10 septembre 2013

Suspension (2)

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Suspendus aux ressorts, les rubans de wax s'offrent à l'étreinte du vent avant qu'au-dessus ne recommence le grand chambardement.

lundi, 09 septembre 2013

Suspension (1)

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Les corps circassiens
dans l'instant de suspension
oublient la gravité

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jeudi, 05 septembre 2013

Le quatrième mur, Sorj Chalandon

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Le quatrième mur: je n'aurais pas dû attendre d'atteindre la dernière page. Vous en parler avant.
J'aurais cherché les mots pour dire la promesse de Georges à Sam ou j'aurais cité un passage. "L'idée de Samuel était belle et folle: monter l'Antigone de Jean Anouilh à Beyrouth. Voler deux heures à la guerre, en prélevant dans chaque camp un fils ou une fille pour en faire des acteurs. Puis rassembler ces ennemis sur une scène de fortune, entre cour détruite et jardin saccagé.
Samuel était grec. Juif aussi. Mon frère en quelque sorte. Un jour, il m'a demandé de participer à cette trêve poétique. Il me l'a fait promettre, à moi, le petit théâtreux de patronage. Et je lui ai dit oui. Je suis allé à Beyrouth le 10 février 1982."
J'aurais dit les routes empruntées par Georges -dans ses poches une photo de la première représentation d'Antigone en 1944 et la kippa de Sam-  pour rencontrer sa troupe dans ce pays dévasté par la haine que se portent les différentes communautés: Antigone la Palestinienne sunnite, Hémon, son fiancé,  un Druze du Chouf, Créon, roi de Thèbes et père d'Hémon, un Maronite de Gemmayzé, Eurydice, la femme de Créon, une vieille Chiite, les gardiens, des Chiites aussi, la nourrice, une Chaldéenne et Ismène, la soeur d'Antigone, une Catholique arménienne.
Je me serais attardée sur la première répétition dans ce cinéma poussiéreux, ouvert aux quatre vents, au croisement de toutes les frontières hérissées de barbelés et de certitudes. Thèbes devait ressembler à cela au matin de la mort d'Antigone. Je vous aurais raconté les négociations de chacun pour que son personnage ne se retrouve pas en porte-à-faux avec ses croyances et comment chacun accepte que cette trêve poétique soit aussi politique. Et j'en serais restée là.
Ce qui suit, la deuxième répétition en juin 1982 et l'histoire avec sa grande Hache, ses roquettes et ses bombes en invité de déshonneur, ce qui suit, Sorj Chalandon le dit avec une telle violence qu'on sait déjà qu'on ne trouvera plus les mots pour en parler après lui.
Il ne me restait plus qu'à rejoindre la dernière ligne et après elle, l'épilogue du roman et d'Antigone: "Tous ceux qui avaient à mourir sont morts. Ceux qui croyaient une chose, et puis ceux qui croyaient le contraire - même ceux qui ne croyaient en rien et qui se sont trouvés rapidement pris par l'histoire sans rien y comprendre. Morts pareil, tous, bien raides, bien inutiles, bien pourris. Et ceux qui vivent encore vont commencer à les oublier et à confondre leurs noms. C'est fini"

Sorj Chalandon dans Les bonnes feuilles sur France Culture.

dimanche, 01 septembre 2013

Couvercle

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Hier matin, ma morveuse est partie s'installer à Rouen. Les années-lycée sont derrière elle depuis peu.  Droit devant: une chambre d'étudiante, la fac de médecine et son impatience .
Une ultime fois, nous avons fait le tour de la biquetterie -avers et revers de chaque pièce-  pour trouver ce qu'elle aurait oublié d'emporter: housse de couette, bouilloire et rapeur manuel -ici les ustensiles sont rarement electro-ménagers!- indispensable pour les carottes rapées. Lui trouver dans la journée une théière. Essentiel pour soutenir les longues journées et nuits qui l'attendent. En profiter pour la lui apporter le lendemain avec les légumes des Hauts Prés.
On a pris un café et un jus d'orange avant que. La veille, j'avais laissé le couvercle sur la table au lieu de le ranger sous l'évier; celui qui couvre et qui fait passoire. Le moment était sans doute venu. En moi, ça se marrait bien. La scène de la montre dans Pulp fiction de Tarentino venait de faire une irruption impromptue et décalée. Bien que.
Ce couvercle, ma grand-mère en avait fait l'acquisition en 1957 à son arrivée en France. Elle venait de quitter définitivement Tunis et la Goulette avec ses six enfants pour rejoindre Aulnay-sous-bois et mon grand-père qui avait, le premier, fait la traversée quelques mois auparavant. Comme beaucoup d'autres familles juives et tunisiennes en cette année-là, ils avaient choisi la nationalité française et l'exil.
Ce couvercle, ma grand-mère l'a donné à ma mère, bientôt mariée et déjà enceinte de la tenancière de ces îles, en 1968, alors qu'elle s'installait dans une autre rue mais toujours à Aulnay-sous-bois. Cette année-là, l'ordre familial avait été quelque peu chahuté.
Ce couvercle, ma mère me l'a donné en 1990 alors que je partais enfin m'installer dans une chambre de bonne au-dessus des toits de Paris. Cette année-là, j'ai fait bouillir mon eau au-dessus d'une unique plaque électrique et le thé avait une saveur nouvelle. Les toilettes étaient à la turque et communes à tous les paliers du 7ème étage. Il ne fallait pas oublier le rouleau de papier rose avant d'y aller.
En un mot, a conclu ma morveuse, tu es en train de me dire que tu m'autorises à le prendre même si tu y tiens beaucoup!
Ce couvercle, je l'ai donc transmis, hier, samedi 31 août 2013, à ma fille alors qu'elle partait s'installer dans sa chambre d'étudiante. Cette année-là, je lui souhaite de la vivre pleinement. Qu'elle ose aller vers elle et pour elle. Pour son bien et pour son bonheur.

Ma morveuse vient d'appeler: quand je passerai la voir tout à l'heure, je dois absolument penser à lui ramener ses romans Le passage et Le choeur des femmes, oubliés dans sa chambre...