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dimanche, 05 octobre 2008

CERNE (suite)

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Notre petite vie cernée de rêves
Je l'ai ouvert et je l'ai lu. Force m'est de changer ma bobine intérieure. Prière de reprendre le billet précédent avec La fureur de vivre en projection simultanée. Donc le petit nom de la dame peu avenante sur la couverture c'est Orpha. Faut-il y voir un allusion très allusive au mythe d'Orphée? Toujours est-il qu'elle va tirer le jeune Albert des Enfers, comprenez la petite vie toute bleuie, flétrie, rabougrie de ses parents. A coups de souvenirs tirés de sa propre jeunesse, de citations de Shakespeare et Rilke, de vie rêvée en fin de compte, elle va le tirer jusqu'à l'entrée de ses propres désirs. Comme dans le mythe, une main lâchera mais ce ne sera pas pour avoir regardé derrière soi si près du but. Comme dans le mythe, la femme gagnera le séjour des morts.

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vendredi, 03 octobre 2008

CERNE

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Notre petite vie cernée de rêves
Il se joue tant et tant entre un titre de roman et son peut-être lecteur. Il suffit, sur fond de crise persistante, de quelques mots discernés trop rapidement pour que la rencontre ne s’engage pas bien.
Notre petite vie cernée de rêves
Celui-là avait tout pour déplaire et ma mémoire, mon inconscient et humeur du jour ont sorti les banderoles pour me le dire. Allez savoir pourquoi j’ai pensé à Un tramway nommé désir, de la noirceur en plus (!) et à Mathilda, l’humour en moins. Et ce n’est pas le regard fixe de la femme sur la couverture qui a changé la bobine de mon écran intérieur.
Qu’y a-t-il derrière ce « notre » ? Un couple désillusionné pour qui le rêve n’est plus que la trace d’une fatigue extrême qui bleuit les contours d’une vie bien rangée ? Les rêves ont-ils encore le pouvoir d’assiéger une vie aussi petite soit-elle ?
Pas envie de lui décerner mon temps. Recherchais plus de l’anti-cernes par ces temps qui courent sans reprendre leur souffle. Mais la tenancière de L’Oiseau lire ne s’est pas sentie concernée par mes réticences. Le roman, elle me l’a posée d’une main ferme sur une pile semblable à la tour de Babel juste avant que l’Eternel n’envoie tout valdinguer. Alors, je l’ai pris. Et même que pour le comité de lecture de la semaine prochaine, je l’ai ouvert…

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notre petite vie cernée de rêves
B. Wersba
Ed. Thierry Magnier

jeudi, 04 septembre 2008

TORCHE-CUL

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Photo de Gaspard et Yann d'un lieu melliflu

Torche-cul inaugure donc au-delà de toute bienséance cette nouvelle catégorie dite Mots itinérants. Mots saisis au fil de mes lectures, à découvrir dans le texte.

- Je suis vraiment content que tu te sois joint à nous, Thomas, me confie Pavot sur le chemin du retour. Mais revenons à ton nouveau rôle de parrain. L'adoption est une chose grave, tu sais! Subséquemment, il te faudra prendre ton rôle au sérieux!
- Pas de souci! Je ferai de mon mieux. Au fait, je ne me souviens plus de votre mot à vous!
- Torche-cul, ne vous déplaise jeune prince!
- Raté! Torche-cul est bien vivant! J'avais un prof de maths qui appelait toujours nos contrôles des torche-culs!
- Vraiment? Cet homme mérite qu'on lui délivre la médaille d'honneur des SPDM*! Tu vois, ça, c'est le sauvetage des mots! Faisons un calcul. Disons qu'en trente ans d'enseignement, ce prof aura vu défiler en gros quelques cinq mille élèves à qui il aura transmis ce mot, et qui eux le transmettront à leurs proches, leurs copains. Et le tour est joué.
*SPDM: Société Protectrice Des Mots

in Suivez-moi- jeune-homme, Yaël Hassan, Casterman

 

jeudi, 14 août 2008

TRIBULATION D'UNE DOPÉE

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Cet après-midi, j'avais prévu de passer la tondeuse et la première couche de blanc à l'étage, de préparer quelque cours -remarquez le singulier, tant que le 15 août n'est pas trépassé, la rentrée reste une vague projection de mon esprit- et pour finir d'aligner quelques longueurs à la piscine -histoire de calculer combien d'aller-retours Laure Manaudou avale alors que je lâche un bord pour aller toucher l'autre, soit 25 mètres, Val de Reuil n'étant pas équipé d'une piscine olympique.

Histoire de me doper, je me suis allongée juste quelques minutes pour commencer Les tribulations du prince Seyin au royaume d'Ashkabad. Le roman est épais avec son allure de conte d'une 1002ème nuit oubliée et la réunion de sélection des titres pour Dévoreurs de livres 2OO9 devient jour après jour un peu plus qu'une simple projection de mon esprit. Après une après-midi et une soirée de lecture, je me dis quelle chance de ne pas avoir encore acheté ce livre mais qu'il m'ait été prêté par la tenancière de L'oiseau lire: non seulement je vais le défendre bec et ongles et y mettre les griffes s'il le faut pour qu'il soit gardé dans la sélection, mais en plus je suis quasi certaine qu'il va tellement plaire qu'il en sera vendu rapidement 499 999 exemplaires et que je serai votre 500 000 ème lectrice, môôssieur Stéphane Terranova! Je ne l'achèterai pas avant, je tiens bien trop à venir partager avec ma tribu votre couscous tunisien. Je prends au mot ce que vous avez écrit en exergue:"Il fait un couscous (tunisien) d'anthologie (la recette de sa grand-mère Nina) et promet solennellement d'inviter le 5OO OOOème lecteur et toute sa famille à le déguster, en compagnie de son éditeur bien sûr..." Ma grand-mère Georgette, alias mamie courgette, est la reine du couscous (tunisien). J'espère que le vôtre réussira à enchanter mon palet palais autant que votre roman a enchanté mon esprit et ses projections aujourd'hui. Je  ne vois aucune objection à la présence de votre éditeur ce jour-là pourvu qu'il vous prévienne de l'existence de ce billet.
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Les tribulations du prince Seyin au royaume d'Ashkabad, Stéphane Terranova, Bayard jeunesse

 

 

 

 

mercredi, 30 juillet 2008

RESTES

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Vous est-il déjà arrivé de parcourir de l'index la tranche des livres de votre bibliothèque, tout en vous demandant ce que chacun d'entre eux avait imprimé en vous? A l'issue  de cet exercice, je me suis retrouvée au beau milieu de fragments -de situations, de personnages, de bouts de phrases ou sensations- et parfois au milieu de ces décombres, un récit est réapparu. Pour certains est juste resté indélébile le moment de sa lecture.

Vous est-il déjà arrivé au détour d'un coin de rue ou d'un visage de songer à un roman? Hier, j'ai emprunté un sentier bordé de roses trémières. Inévitablement, j'ai aussitôt pensé Au bonheur des ogres de Pennac: Môôssieur Mlaussène et sa maison de campagne envahie par les dites fleurs. Mes souvenirs de lecture sont incertains, la maison appartient-elle à Malaussène ou à sa copine? Par contre je suis sure qu'il s'agit bien de roses trémières. A l'époque, je ne savais pas à quoi cela ressemblait. Mon imagination leur avait confié un aspect farouche, quelque allure de fleurs tropicales carnivores. Il faut préciser que leur présence rendait impossible l'entrée dans le jardin après quelques mois d'absence. Des petits riens pour de longues heures de lecture: ma mémoire sélectionne et classe en suivant les règles d'un jeu qui m'est inconnu.

Inversement pour certains romans, à peine la lecture achevée, je l'aide à faire son ouvrage. De Alors partir? de Julia Billet, je veux juste graver en moi ce que l'ancien de la tribu de gitans rappellent aux siens lorsqu'ils apprennent qu'ils sont expulsés par la commune et qu'ils vont devoir reprendre la route après six années sédentaires. Peut-être parce que le terrain pour gens du voyage qui se construit, pas loin de chez moi, pour la bonne conscience d'une commune, a des grillages trop hauts. Peut-être parce que ce qui se passe en Italie à des relents de déjà vu. Peut-être parce que certains jours je me sens étrangère au monde que j'habite...

"Ils croient posséder et ils n'ont rien.  Ils détruisent la Terre, oublient leurs enfants, oublient qu'un jour tout sera pourri par la fumée, les engrais, les gaz, les voitures, leurs centrales nucléaires, leurs déchets qu''ils cachent. Ils brisent, cassent, brûlent, sans savoir qu'ils scient la branche sur laquelle nous sommes tous assis.
Nous n'avons rien, rien d'autre que notre foi, notre savoir, nos corps et nos esprits. Nos vies ensemble sont liées à jamais, depuis toujours. La Terre a donné à chacun de nos pas des pans de la sagesse qui manquent aux gadjé. Ils ne bougent pas, restent attachés à des bouts de Terre, jusqu'à croire que la propriété est un acte. Ils sont fous de leurs biens.
Nous avons collecté ces morceaux de l'humanité et nous devons les transporter toujours plus loin pour continuer à faire tourner la Terre. Ils ne savent pas que la Terre tourne parce que la marche de notre peuple la fait tourner. Nous, Gitans, Roms, Tsiganes, nous et aussi les nomades des déserts, les nomades de toute race, de toute la Terre, nous donnons son mouvement circulaire au globe par la force de nos pas..
Nos pas font rouler la Terre sur elle-même, nos pas font marcher leur monde à eux aussi.
Et ça non plus, ils ne le savent pas. Ils nous pensent inutiles, voleur et fragiles; nous sommes forts et nécessaires à leur survie.
Peut-être nous sommes-nous arrêtés depuis trop longtemps maintenant? Peut-être est-ce pour cela que la Terre ne tourne plus rond?"
Alors partir, Julia Billet, Seuil

 

 

 

samedi, 26 juillet 2008

DE L'USAGE DE "DE"

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De est ce qu'on appelle une préposition. Mais si, voyons, vous aviez une petite phrase pour vous en souvenir à l'école. Vous dites? Non, ce n'est pas "mais ou et donc or ni car". Auriez-vous oublié le pauvre Adam qui fait sa valise pour Anvers? L'histoire ne racontait pas s'il y allait à pinces ou à vélo, ce qui est sûr c'est qu'il n'était pas assez fortuné pour y aller en train: à dans par pour en vers avec de sans sous.
Revenons donc à la huitième préposition de la liste. A quoi sert-elle lorsqu'elle ne permet pas à notre ancêtre d'aller boire un petite mousse chez nos voisins?
Elle peut marquer l'origine.
ex.1: Pablo vient de Colombie. Là-bas, la peau sentait le soleil et non pas le beignet inachevé.  Là-bas, on pouvait marcher dans des rues qui embaument l'ananas et la mangue. Là-bas, il a fallu marcher une nuit, dans le silence pour ne pas réveiller les bottes jaunes et s'exiler, sans papiers, la famille au grand complet, d'abuelita à la petite Rose, jusqu'à un HLM de la Courneuve.
Elle peut marquer aussi la cause.
ex.2: Pablo est blanc de peur à l'idée de devoir récupérer une poupée chez la Goule, sorcière aux ongles bien sûr longs. Sauf qu'une fois cet exploit accompli, de la cause on passe à l'appartenance.
ex.3: La Goule devient la confidente de Pablo. Confident aussi, Georges, percuté à un carrefour, cycliste adjoint au maire et sans doute membre de RESF -mille respects, monsieur, que ne convertissez-vous tous vos collègues. Et Marisol qui échangerait bien un sol contre un e, Marie, confidente et hermania prête d'un coup de crayon pour les yeux à raturer ses origines. C'est compter sans son frère. Et puis, il y a...
ex.4: Pablo de la Courneuve
Pablo, dès qu'il dispose de quelques minutes, marche loin des tours. Il marche comme il marchait dans son pays. Il n'est pas originaire de la Courneuve ni ne lui appartient. Pourtant dans ce "de" là se déploie tout le chemin parcouru qui fera qu'un jour il lui sera possible de dire qu'il est Courcolombien. Ce "de" là vaut largement une particule. Pablo DE la Courneuve.

 

 

 

samedi, 19 juillet 2008

FUITER

L'on connaissait le verbe fuir, pour l'avoir trop souvent conjugué à la troisième personne à l'école lorsqu'un robinet perdait tant de gouttes par heure, gouttes qu'il fallait ensuite transcrire en termes de litres par jour. Inévitablement s'en suivaient des oh la la d'étonnement: que de bains qui s'étaient égouttés incognito! Plus personnellement, depuis hier, je connais le verbe fuir à gros flots dans la salle de bain en travaux, devenue pour l'occasion une pataugeoire, pis-aller des bains perdus.
Or, dans la colonne de fuir vient d'apparaître dans l'édition du Larousse 09 (1) un doublon en la personne du verbe fuiter. A l'heure où j'écris ce billet, aucune fuite quant à la définition de ce verbe...
Ces derniers jours, lorsque mes activités de peintre-carreleuse se déroulent sans trop d'encombres -autant dire lorsque le mur à peindre ne se révèle pas pourri au point de le changer ou lorsque les carreaux se décident enfin à tenir sur un mur qui gondole- je lis. Fini en début de semaine un roman de Claudie Gallay que la franco-québécoise m'a apporté en attendant de récupérer Les déferlantes à la médiathèque.

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Office des vivants: le parallèlle s'imposait avec l'office des morts. Influencée par la couverture, j'avais même imaginé que le récit tourbillonnerait dans un camp d'extermination. Personnages en survie, certes, mais dans Les Cimes, là haut, là où au pied de l'arbre on enterre le cordon, celui qui reliait à la mère. Marc et Simone ont le leur mais pas Manue, née de l'éblouissement du père pour Mado. Manue venue avec la pluie et l'éblouissement de Marc qui parle aux arbres, pour les loups, pour Manue.
Lu ensuite, juste derrière sans reprendre mon souffle, quand elle sera reine de Rachel Hausfater.

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La fatigue aidant et les problèmes de fuite de robinet, je ne sais plus lequel des deux j'ai dans les mains. Les personnages fuitent. Mira et Manue, toutes deux de mère inconnue, filles flamboyantes en marge d'une société pensant à mal de préférence. Et Mira qui tourbillonnera, elle, dans un camp.

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Croyant souffler, j'écoute la Fille, à la dernière page de Le souffle des marquises de Muriel Bloch et Marie-Pierre Farkas, exclamer (2) à qui veut bien l'entendre son mécontentement. De la saga, seul est disponible le tome 1. En suspens, Eléonore que tout destinait à frotter les cuivres dans la cuisine et qui, malgré l'interdiction paternelle, jouera du cornet à piston. Elle, son tourbillon, c'est la Commune, l'exposition universelle, les frères Sax et Jim Mississippi venu de Nouvelle-Orléans.

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Croyant me reposer, le soir venu, je propose au Fils de me rejoindre sur le banc, dehors, pour poursuivre la lecture de Coeur de Louve à la lueur de l'éclairage public -ceci est possible jusqu'à 23h après l'éteigneur de réverbère passe. Les personnages fuitent à nouveau. Demain, je dirai à la Fille qu'en attendant septembre pour le tome 2, il y a Mauve et la Commune et la fuite pour Québec.

Fuiter, vb intr.: se dit de tout personnage de littérature jeunesse s'amusant à passer d'un roman à l'autre.

(1) ndrl: l'indigotière ne jure que par son vieux Bob, dit aussi Petit Robert et fait en général peu de cas du Larousse.
(2) Ce verbe-là existe-t-il autrement qu'à la forme pronominale? Je viens peut-être de trouver un néologisme pour le Larousse 10...

mardi, 24 juin 2008

COMBAT D'ÉTÉ

Dimanche, le centre de rétention des sans-papiers -il faudra que je cherche dans un dico la différence avec détention- de Vincennes a brûlé, de l'intérieur. Camp de la honte, l'enfer s'est enflammé. Les retenus ont sans aucun doute médité cette dernière issue. On pourra même les accabler de préméditation. Lu à l'instant le billet de François Bon sur tiers livre. Ses mots justes, juste ce qu'il faut.

Lu ces derniers jours La déclaration de Gemma Malley...

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Angleterre, an de disgrâce 2140
Un elixir de jouvence a accordé à chacun l’immortalité. Mais ce programme de Longévité est bientôt suivi de la Déclaration. L’immortalité a un prix : il devient impossible d’avoir des enfants. Tout contrevenant verra sa progéniture enfermé dans un centre de rétention de Surplus -esclaves des Légaux, ils doivent savoir Où-Était-Votre-Place.

La surplus Anna est détenue à Grange Hall. D'avant, elle a tout oublié. Elle ne se pose pas la question d'enflammer son enfer quotidien. Jusqu'au jour où Peter arrive qui se dit envoyé par ses parents...

"Les Légaux ont tous deux noms. Parfois plus. Moi non. Je suis juste Anna. Les gens comme moi n'ont pas besoin d'avoir deux noms, d'après Mrs Pincent. Un seul suffit. Elle n'aime pas le nom d'Anna, d'ailleurs; elle m'a même expliqué qu'elle avait essayé de m'en faire changer quand je suis arrivée ici. Mais j'étais une enfant bornée, je ne répondais qu'à Anna, alors elle a fini pa laisser tomber. Tant mieux -il me plaît moi ce nom. même si ce sont mes parents qui l'ont choisi.

Lu ces avant-derniers jours un autre roman dit d'anticipation Combat d'hiver de Jean-Claude Mourlevat...

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Dans un pays tout droit sorti de l'imagination de l'auteur, de jeunes gens vivent dans un centre de rétention, euh, dans un orphelinat. Lorsqu'ils apprennent qu'ils sont la descendance d'hommes et femmes éliminés par la faction totalitaire qui a pris le pouvoir quinze ans plus tôt, ils s'évadent et entrent à leur tour en résistance.


"Sur un signe de la surveillante, une fille du premier rang se leva et alla tourner le bouton de l'interrupteur métallique. Les trois ampoules nues éclairèrent la salle d'étude d'une lumière blanche. Depuis longtemps déjà, on pouvait à peine lire, tant il faisait sombre, mais le règlement était strict: en octobre, on allumait les lampes à dix-huit heures trente, pas avant. Helenpatienta encore une dizaine de minutes avant de prendre sa décision. Elle avait compté sur la lumière pour dissiper cette douleur qui logeait dans sa poitrine depuis le matin et remontait maintenant dans sa gorge, une boule oppressante dont elle connaissait bien le nom: tristesse. Pour avoir déjà éprouvé cet état, elle savait qu'elle ne pourrait pas lutter et qu'attendre ne ferait qu'aggraver le mal. Alors, oui, elle irait voir sa consoleuse, et tant pis si on était seulement en octobre et que c'était trop tôt dans l'année."


Comment dit-on déjà dans les films? Vous savez le rapport avec la réalité qui serait fortuit... Au train où nous allons, si nous continuons à nous laisser souffler dans les bronches -je rends à Toc-Toc sa suffocante expression- nous aurons bientôt une locomotive d'avance sur les romans d'anticipation.

mardi, 03 juin 2008

TRANSPORTS

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Illustration Maurice Pommier pour la Droguerie marine

Mon fils a dégoté au fond d'un carton une vieille édition de L'île au trésor; de celles à la couverture verte tendant sur le jaunâtre, à l'odeur tenace de renfermé que prenait toute chose qui avait séjourné un peu plus d'une semaine dans la cabane au fond du jardin landais de mes grands-parents. Il a d'abord fait sit down -je lui ai fait réviser ses verbes anglais ce matin- dans le hamac, puis aussitôt stand up et re-sit down sur un tabouret à côté de moi.
-    Je sens que ce truc c’est super, mais je vais te le lire à haute voix. J’entendrai mieux l’histoire. Stevenson, il utilise une langue morte et c’est pas facile tout seul dans sa tête.
-    Can you repeat please ?
La mère du petit gars a sitdowné à son tour.
-    Langue morte… un peu comme le grec et le latin, tu veux dire ?
Il faudra que je lui redise que ce sont des langues-racines, de celles qui n’ont pas fini de nous porter, de nous transporter.
Le petit gars venait de faire l’expérience de la langue littéraire qui ne se laisse pas avoir du premier coup, qui résiste encore et encore. Il venait de faire l’expérience de ces œuvres qui vous transportent longtemps après les avoir lues.

 

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samedi, 24 mai 2008

LETTRE DES MÈRES

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A Pome -qui trouve que je ne me foule vraiment pas en ce moment sur mon blog- et à Wombat

Ce midi à la sortie de l'école, vous avez fait semblant de ne pas voir que leur cartable un peu plus bombé que d'habitude peinait à cacher les rubans et le papier transparent du fleuriste. Ce soir, vous deviendrez sourde, lorsqu'ils s'entraîneront une dernière fois à réciter le poème. Vous savez bien celui qui vous offrira plus de fleurs, merles rieurs et baisers que le monde entier ne pourrait en compter à vous l'unique alors même que la terre compte des milliers de grains de sable, des milliers de coquillages sur la plage, des milliers de fleurs dans les champs, des milliers d'oiseaux dans le ciel. Et je n'ai même pas repris mon souffle pour écrire tout ça!

Cette année au festival malouin Étonnnants voyageurs, Susie Morgenstern a déconcerté son public lors d'un atelier d'écriture. Iconoclaste, elle a fait valser tous les stéréotypes précédents en quelques mots: "Pour la fête des mères, vous écrivez à votre mère et lui dites les colères que vous ressentez envers elle..." J'ai trouvé l'idée génialement gonflée et ai regretté l'absence de mes deux loustics. Ceci dit, il leur reste encore vingt-quatre heures, aux miens et aux vôtres d'ailleurs, pour tremper rageusement la plume ou pianoter sur le clavier.

Si jamais demain vous receviez, malgré tous mes efforts, un collier de nouilles enrubanné dans son papier transparent de fleuriste agrémenté de quelques rimes mal arrimées, vous pourrez toujours aller lire, au milieu des coquillages ou des fleurs des champs l'autobiographie de Susie Morgenstern. Certaines pages sont à la hauteur de cette lettre des mères.

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dimanche, 02 septembre 2007

DEUX MOIS DEUX SEMAINES ET DEUX JOURS...

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...que Les Îles Indigo existent, avec trente-trois arpents de terre explorés et pas la moindre trace de François Place! Pas si simple d'écrire sur un Géant. Ce n'est pas faute d'avoir effectué quelques excursions: relire Les Derniers Géants, en regarder l'affiche accrochée dans la chambre de mon fils chaque fois que je passe devant, mettre au pied de mon lit les trois tomes de L'Atlas des géographes d'Orbae, en parcourir les contrées et toujours le garder ouvert à la page Les Îles Indigo, laisser en évidence sur une étagère un livre oublié par un ami François Place, Illustrateur, texte de François Bon. Il y est question de Moby Dick. Relire dans la traduction de Giono  l'embarquement pour Nantucket d'Ishmaël et de Queequeg. Remonter aux premières phrases du roman:
"Je m'appelle Ishmaël. Mettons. Il y a quelques années, sans préciser davantage, n'ayant plus d'argent ou presque et rien de particulier à faire à terre, l'envie me prit de naviguer encore un peu et de revoir le monde de l'eau. C'est ma façon à moi de chasser mes cafards et de me purger le sang. Quand je me sens des plis amers autour de la bouche..."
Et découvrir que le titre du premier chapitre est Mirages...
Mirages aussi ces illustrations d'Ours Gris pour une édition de Moby Dick chez Gallimard qui ne vit pas le
jour?
 

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vendredi, 22 juin 2007

ECOUTER LES COULEURS

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L’ami indien

Jean Touvet

Mouche, l’école des loisirs

 

 

Il est des petits bonheurs de lecture inattendus que l’on a envie de partager illico presto, histoire que l’on ait tous envie de se poser l’arrière-train sur une vieille voiture américaine toute rouge, pas trop amochée par le temps.

Comme ça, pour trois fois rien, juste pour écouter ce qui se passe, les couleurs et les odeurs, tout ce qui parle à la peau, tout ce qui bouge.

L’ami indien est de ceux-là : Jonathan a une conception des Indiens digne de l’âge d’or des westerns. Chevaux au galop, évidemment, tipis sous la lune, bien sûr, sans oublier le soleil masqué par la poussière soulevée par les bisons, comme de bien entendu ! Pourtant ce Québécois vit à la limite de la réserve de Chicoutimi. Le décor est en place pour que vienne le temps de la désillusion ! Le lieu, un car de ramassage scolaire, placez-y un jeune indien peu conforme et même en jean, au regard assez insistant pour qu’éclate ce cri outragé : « T’es pas un Indien, toi. Pas un vrai. »
Il peut toujours protester, le gamin aux stéréotypes emplumés, il vient de faire le premier pas sur cette route qui, de plume en galet, le mènera de l’autre côté, dans cet espace réservé où un grand-père regarde la terre autrement et l’Autre pour ce qu’il est vraiment.

A la chum qui a mis ces mots entre mes mains, mine et plume de rien...

05:05 Publié dans ROMAN | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : l'ami indien, touvet |  Facebook |