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jeudi, 11 juillet 2013

Leçons de solfège et de piano.

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Je ne suis pas musicienne, n'ai jamais pris un cours de solfège ni toucher les touches d'un piano. D'aucuns pensent même que je souffre d'arythmie. Pourtant, je sais les blanches et les noires des débats de mon coeur, les sons particuliers du jour qui va surgir de la nuit et les scolies de l'été. Je sais aussi les mélopées de la phrase de Pascal Quignard; les fulgurances qui précèdent le silence.
Hier, sur la route du retour qui ramenait D. de sa chimio, juste avant de quitter Rouen en suivant les méandres de la Seine, j'ai fait un détour par l'Armitière. J'étais sûre d'y trouver Parle-leur de batailles de rois et d'éléphants de Mathias Enard. D. venait de finir Rue des voleurs et je voulais qu'elle ait cette certitude le lendemain, quelles que soient les nausées qui l'assailliraient, de pouvoir continuer de se nourrir de son écriture.
Comme prévu, le roman, en un exemplaire unique, m'attendait sur son étagère, maintenu par L'alcool et la nostalgie et Tout sera oublié. Je l'ai dégagé de son étreinte, bien décidée à filer directement à la caisse sans laisser traîner mon regard. D. attendait dans la voiture sous un soleil de plomb et de cuivre. S'accorder juste un petit coup d'oeil sur la table des nouveautés en faisant le serment de ne rien toucher. Se parjurer aussitôt et lire la 4ème de couverture de Leçons de solfège et de piano. Stoppée dans mon élan. Désarçonnée. Comme une réponse éblouissante à la discussion que nous avions eu avec D. à l'aller. J'avais essayé de circonscrire mon verbe écrire. Mais ce verbe-là s'inscrit dans la marge et ne se laisse pas entourer d'un périphérique bruyant et traçant la limite d'un espace.
"Il est des choses qui blessent l'âme quand la mémoire les fait ressurgir. Chaque fois qu'on y repense, c'est la gorge serrée. Quand on les dit, c'est pire encore, car elles engendrent peu à peu, si on cherche à les faire partager par ceux qui les écoutent, qui lèvent leur visage, qui tendent leur visage, qui attendent ce qu'on va dire, une peine ou, du moins un embarras qui les redoublent. Elles font un peu trembler les lèvres. La voix se casse. J'arrête de parler. Mais alors je commence d'écrire. Car on peut écrire ce qu'on n'est plus du tout en état de dire. On peut écrire même quand on pleure. Ce qu'on ne peut pas faire en écrivant, quand on est en train d'écrire, c'est chanter."
Se ressaisir. S'emparer à nouveau de l'arçon. Filer au plus vite. Règler les deux livres. Rejoindre D.
Ce matin, réveillée par les sons d'un jour clairement installé, avant même de faire couler un premier café, j'ai avalé Leçons de solfège et de piano, un hommage à ses trois grand-tantes, comme les soeurs Brontë, qui s'enorgueillissaient de tenir l'orgue d'Ancenis, à Gérard Bobillier et Paul Celan et un règlement de compte à Louis Poirier, le futur Julien Gracq. Et à nouveau ce verbe écrire: "Primo Levi s'en prit une fois à Paul Celan avec violence. "Ecrire c'est transmettre, dit-il. Ce n'est pas chiffrer le message et jeter la clé dans les buissons." mais Primo Levi se trompait. Ecrire, ce n'est pas transmettre. C'est appeler. Jeter la clé est encore appeler une main après soi qui cherche, qui fouille parmi les pierres et les ronces et les douleurs et les feuilles mouillées, noires, gluantes de boue, ou craquantes, ou coupantes de froid, de la nuit, à l'Ouest du monde."

dimanche, 07 juillet 2013

Silembloc Cie fait son cirque autobloquant.

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Avec son festival des Arts de la Rue, Viva Cité, le week-end dernier avait déjà un air de vacances. Un air de pause aussi avant la folle semaine qui attendait de l'autre côté. L'année dernière, j'avais choisi au hasard de mes déambulations d'assister à tel ou tel spectacle. Cette année, s'il y avait bien une troupe que je ne voulais pas manquer, c'était Silembloc Cie.

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 Faut dire que D. -souvenez-vous, c'est elle qui pousse des "oh" et des "ah" au cirque théâtre d'Elbeuf- est la mère du gars aux dreadlocks ci-dessous et que ça faisait quelques temps qu'elle m'en parlait, de la Silembloc Cie et de leur spectacle Cirque autobloquant. Sans pousser de "waouh". Avec cette modestie toute particulière qu'ont les mères quand elles parlent de leur rejeton et qu'elles ne veulent pas qu'on les soupçonne d'être des inconditionnelles dépourvues de toute capacité de jugement.

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 Silembloc Cie, c'est un musicien et son bric à brac d'objets qui soudain ont trouvé sur leur chemin un destin musical.

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Silembloc Cie, ce sont trois circassiens: une clown qui claquette, un jongleur qui déjoue la mécanique du rebond, un équilibriste qui, si l'homme n'avait eu qu'une main pour se déplacer, se serait trouvé très à son aise.
Cirque autoblocant: c'est une machine parfaitement huilée par ces quatre-là et des grincements. C'est une histoire déployée sur scène et pas une parole échangée. Je n'ai pas peur de dire - après tout je ne suis soumise, moi, à aucun devoir de réserve maternelle- que Tati et Keaton se seraient sentis chez eux.

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Quand la dernière porte de leur placard -de quel vestiaire sans fenêtres et aigri par des odeurs tenaces de sueur avait-il été sauvé?- s'est refermée, j'ai applaudi à tout rompre. J'ai regardé D. et j'ai poussé un "waouh".

P.S.1: Les carnets de la Silembloc Cie, c'est ici
P.S.2: les trois dernières photos ont été réalisées par mon morveux...

vendredi, 05 juillet 2013

Chose qui fait battre mon coeur.

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La ténacité et la persévérance de ma fille qui vient de décrocher son Bac S avec mention assez bien.

vendredi, 28 juin 2013

Ailleurs

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Pénultième vendredi de cette année. Ces derniers jours ont été rythmés par les examens des morveux de la Biquetterie: Bac S et L, Brevet. Au moment où j'écris, j'ai une pensée toute particulière pour mon fiston qui doit être penché quelques centimètres au-dessus de sa copie d'histoire-géo, la langue tirée -signe de concentration extrême- sa mémoire accrochée à une imposante liste de dates-repères.
Hier, j'ai surveillé l'épreuve de Français du Brevet: rencontre de deux beaux textes -Le soleil des Scorta de Laurent Gaudé et Ellis Island de Perec- et en trait d'union, l'exil vers l'Amérique. Au moment de dicter le texte de Perec, j'ai failli allumer mon mac, le brancher au video-projecteur pour leur montrer des photos du film de Perec et Bober. Donner corps à des mots qui n'étaient que contraintes grammaticales et orthographiques pour la vingtaine de candidats devant moi.


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Au moment de la rédaction, j'ai failli leur dire de ne pas se précipiter vers la classique suite de texte et de prendre le risque du sujet de réflexion:" Le monde d’aujourd’hui laisse-t-il encore place, selon vous, à un ailleurs qui fasse rêver ?". Je n'ai rien dit. J'ai circulé dans les allées en jetant des coups d'oeil indiscrets sur la vingtaine de suites de textes qui s'élaborait. Les correcteurs liront dix-neuf fois une série de stéréotypes eldoradiens. Seule une copie a pressenti que l'Ailleurs et ses rêves présentent quelques failles du moment où il devient un Ici.

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Il fut aussi question d'Ailleurs pour l'épreuve du bac L. Le corpus de textes déclinait les différentes variations du journal de bord de Robinson, de Defoe à Chamoiseau, en passant par Tournier et Valéry. Quand la morveuse est revenue avec le sujet et ses feuilles de brouillon, je n'ai pas pu m'empêcher de ressortir ce billet.

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Pénultième vendredi de cette année. En attendant les résultats des examens, je replonge dans un livre ramené d'Etonnants Voyageurs qui accapare tout mon temps libre et mes pensées -parole de lectrice et non de mère- depuis une semaine: Congo, une histoire de David Van Reybrouck.

mercredi, 19 juin 2013

Résister par l'équilibre.

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Hier, moiteur accablante qui rend tout mouvement gourd. Lourdeur du corps. Déposer le poids chez D., boire un litre de képhir et s'embarquer pour le cirque théâtre d'Elbeuf. Au programme, la présentation de la saison 2013-2014. Sur l'affiche, un éléphant immobilisé dans un équilibre improbable semble suspendu au fil de sa mémoire.
Pendant la présentation des spectacles à venir, D. s'exclame et s'enthousiasme. A chaque "oh", je prends la mesure de mon inculture. Je n'ai aucun repère, rien à quoi me raccrocher; aucun nom d'artiste évoqué n'éveille en moi le moindre souvenir. Les images de mon fils jonglant à tour de bras avec tout ce qui lui tombe dans la main ne m'aident pas plus. Je me sens comme un Sarmathe qui soudain aurait été propulsé à Rome, un jour de grande festivité. Terra incognita.
J'irais bien tout voir. Je sélectionne en fonction du niveau sonore des "ah" de D.: Morsure, Vortex, Opus, Klaxon, Extrémités, Clockwork et Acrobates.
La semaine prochaine, c'est la présentation de la saison théâtrale de la Scène Nationale d'Evreux-Louviers. Terra cognita. De l'un à l'autre, il ne me restera plus qu'à trouver un savant équilibre sur mon calendrier pour l'année à venir.


vendredi, 14 juin 2013

Evidence étiologique

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A une semaine de l'été, vous vous demandez encore où est passé le printemps. Explication.
Hier matin, 9h30, je me poste dans le couloir qui longe ma salle pour accueillir mes biobios de 6ème. J'aime ce rituel, les saluer l'un après l'autre -le pas encore réveillé, l'enthousiaste, le qui traîne ses baskets pas lacées, la sérieuse, le qui déborde déjà d'énergie, la souriante, le grincheux- avant d'embarquer pour deux heures de cours. Y. s'est placé le dernier de cet hétéroclite défilé. Le cheveu est en bataille ou plus exactement en débandade, le regard d'habitude malicieux derriere les lunettes prendrait bien la poudre d'escampette. Madame, hier mes parents ne se sont pas mis d'accord pour savoir chez qui j'allais dormir. J'ai passé la nuit chez ma grand-mère et je n'ai pas mes affaires. Je ne sais pas à quel supplice- celui de Tantale ou de Sisyphe- il pensait que j'allais le condamner. Je l'invite à entrer et à s'organiser avec son binôme.

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Au programme du jour, nous poursuivons notre découverte des Métamorphoses d'Ovide avec le mythe de Déméter qui hurle son désespoir depuis que sa fille Perséphone a disparu, enlevée par le dieu infernal, Hadès. Elle affame la Terre comme dernier recours devant l'insupportable. Zeus est contraint d'arbitrer pour retrouver le calme. L'arbitrage est frileux: il ne peut remonter l'enfant à la surface; elle a mangé sept grains de grenade sur les rives du Styx. Elle passera donc six mois dans les entrailles de la Terre -l'automne et l'hiver- et six mois auprès de sa mère -le printemps et l'été.
Dehors, une pluie incessante frappe les carreaux et l'horizon est imperturbablement gris. Le mythe fait réagir: que fabrique donc Perséphone cette année? Aurait-elle oublié de remonter? Il n'en faut pas plus à Y. pour retrouver toute sa malice et s'exclamer: votre Perséphone, elle a décidé de rester aux Enfers; elle en a ras-le-peplos de la garde alternée.

dimanche, 02 juin 2013

Le monde qui vient

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Petit matin enfin printanier. Rondeurs du jour. Café pris sous le premier rayon de soleil tombé non loin du cerisier de Montmorency. Je parcours mon carnet Etonnants Voyageurs. Série de notes éparses depuis quatre ans. Cette interrogation toujours recommencée autour des pouvoirs de la littérature à dire et à changer le monde.

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Penser à dire à l'Ours que la dernière page est noircie d'une pensée d'Atiq Rahimi. "En changeant du monde nous finirons bien par changer le monde. La littérature est le pouvoir des mots contre les mots du pouvoir, aujourd’hui plus que jamais on a besoin de la littérature parce que toutes les idéologies n’ont su défendre ou changer le monde."
Lui suggérer de me préparer un nouveau carnet pour 2014...

mercredi, 29 mai 2013

Vapotage et pierre de patience ou comment conclure sur Etonnants Voyageurs

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Etonnants voyageurs, Lundi 20 mai, après-midi, cinéma Le Vauban, "Dire la guerre"
Après deux jours de festival, nous savions que si nous voulions avoir l'assurance d'assister à cette rencontre autour de Syngué Sabour en présence d'Atik Rahimi, il fallait renoncer à toute tentation de fin de matinée, entamer le pique-nique et la file d'attente dans un même élan joyeux, dès midi. Pour poursuivre la rencontre du matin "Croire en l'histoire", j'ai lu, assise à même le sol, La chambre de veille de François Hartog. Rapidement le hall d'attente s'est révélé trop étroit.
Dans la salle de cinéma, l'éclairage intimiste empêchait toute tentative de lecture. Pour veiller une deuxième heure, j'ai observé mes voisins, les qui parlent fort, les qui trouvent l'attente longue, les qui se plaignent des bourrasques de vent, les qui supportent les précédents en silence et surtout les qui mériteraient qu'on leur ponde une loi rien que pour eux: deux gougnafiers, père et fils -l'un fumeur repenti et l'autre trop jeune pour avoir besoin de se sevrer ou alors de sa tétine ou du sein maternel- ont sorti leur cigarette électronique et se sont mis à tirer là-dessus -j'ai appris ce matin que cela s'appelait "vapoter"- tout en cherchant à imprimer à leur visage la sagesse du vieux marin aguerri qui enfin s'octroie quelque indicible plaisir en fumant sa pipe. J'ai bien failli combattre les volutes au caramel ou à la fraise par quelque fleur de pays, parole de fumeuse.
Tout cela me ferait presque perdre le fil de mon billet. Syngué Sabour, donc. Le roman m'avait profondément marquée et je me méfie toujours de ces adaptations pour le grand écran: elles touchent à mon cinéma intérieur, pire encore, elles l'effacent irrémédiablement. Celle-là fera exception. Peut-être parce que, dans ce cas-là, le réalisateur est aussi l'écrivain, et qu'il avait conscience que le second devait trahir le premier pour pouvoir relever le défi. 
 

dimanche, 26 mai 2013

Etonnants Voyageurs (4)

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Etonnants voyageurs, Lundi 20 mai, salle Mauperthuis, "L'avenir du roman"

"Si tout n'est pas signe et système de signes, il y a de l'indicible. Et c'est même parce qu'il y a de l'indicible qu'il y a littérature. C'est parce qu'il y a indicible qu'il y a humanité, qu'il y a accueil de l'Autre. Si tout était dicible, transparent, échangeable, tout serait dit depuis longtemps et nous n'en ferions pas tant d'histoires. Mais justement, les histoires, nous n'arrêtons pas, en tout lieu, dans toutes les cultures, depuis le commencement des temps d'en raconter, d'en écrire avec une telle obstination qu'il faut bien supposer à cette manie quelque impérieuse nécessité. Pour approcher l'indicible, le faire affleurer, nous reconduire à son mystère, nous sommes, pour reprendre la belle expression de Nancy Huston, une espèce affabulatrice.
Ne craignons pas d'affirmer que le poème en nous, le foisonnement de nos fictions est ce qui nous reconduit à l'essentiel dans le chaos des temps présents"
C'est par ces mots que Michel Le Bris a ouvert la conférence "L'avenir du roman".  L'intégralité de la conférence est ici.


vendredi, 24 mai 2013

Etonnants Voyageurs (3)

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Etonnants voyageurs, samedi 18 mai, après-midi,"Les écrivains contre la censure"

Censure: du lat. censura, charge du censeur à Rome, puis jugement sévère.
Il y avait foule pour cette rencontre. Ce n'était pas une table ronde mais l'expérimentation d'une nouvelle disposition: seul Boualem Sansal se tenait sur l'estrade et dans le public une vingtaine d'auteurs était prête à intervenir sur le thème de la censure.
Force est d'admettre que pour les auteurs originaires d'un pays soumis à la censure, il fut simple de témoigner. Restaient les autres qui eux-aussi voulaient avoir voix au chapitre. Sorj Chalandon s'est lancé dans un développement sur l'auto-censure journalistique, ne surtout pas laisser parler ses émotions dans ses articles même lorsqu'il se trouve sur un front de guerre. Serge Bramly a vanté les bienfaits de la censure en France qui a le mérite de montrer les barrières à transgresser.
Tout cela a fini par faire réagir Atik Rahimi, sans doute sa pierre de patience avait atteint ses limites: "chez moi, tout le monde se bat pour ce qu'il ne possède pas alors qu'ici on se plaint de cette liberté..."

Le texte d'ouverture de Boualem Sansal
L'intégralité de la rencontre

mercredi, 22 mai 2013

Etonnants Voyageurs (2)

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Etonnants voyageurs, samedi 18 mai, matinée
A peine le programme des trois jours en main et déjà cette frustration toujours recommencée, année après année: impossible d'être à la fois au Palais du Grand Large et dans une des salles intra muros. Ne pas penser à tout ce qu'on ne pourra pas voir, entendre; se décider pour un lieu.

Théâtre Chateaubriand, Regards sur la guerre
Je renonce donc à ouvrir le festival avec une table ronde et littéraire et m'engouffre dans deux documentaires.
Cinq caméras brisées
s'ouvre sur cette constatation amère du palestinien Emad Burnat: son premier fils est né en 1995 avec les accords d'Oslo, son dernier fils, en 2005 dans des temps d'incertitude -indécent euphémisme. Alors il filme. Il filme son fils qui grandit, son village, Bil'in, qui rapetisse, le mur qui s'élève pour protéger la colonie juive voisine, ses oliviers qui brûlent, la révolte des uns et la vie qui se fraye malgré tout un chemin. Il filme pour transformer sa colère en quelque chose d'utile. Cinq caméras plus loin -toutes ont été brisées par des soldats israéliens- cette certitude: il filme pour guérir de ses blessures.

Irak, l'ombre de la guerre d'Anne Nivat : je retiens de ce documentaire un plan sur l'Euphrate dans la douceur poussiéreuse d'une fin de journée. Au milieu, un homme nage à contre-courant. Pour le reste -qu'est devenu l'Irak, dix-huit mois après le départ des Américains, grands importateurs de démocratie devant l'Eternel?-  l'omniprésence de la réalisatrice à l'écran et sa voix-off en continu sont autant d'ombres portées sur ceux qu'elle interroge. Une heure plus loin, cette pensée d'un Irakien: l'Inde a eu Gandhi, l'Afrique du Sud, Mandela et l'Amérique, Martin Luther King. Lui attend un Gandhi-Mandela-King pour le Proche-Orient... 

mardi, 21 mai 2013

Etonnants Voyageurs

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Quitter la Bretagne cette nuit à 3h , arriver en Normandie à 6h, se pointer au collège à 8h. Ne plus être tout à fait sûre d'avoir passé trois jours à St Malo pour le festival Etonnants Voyageurs. Profiter d'une heure de trou pour venir au moins l'écrire ici. A suivre...

dimanche, 12 mai 2013

Incertitude

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Contraint de voir la vie en rose, le réverbère, à l'heure du crépuscule, réussira-t-il à broyer du noir en quelque rêve amer?

dimanche, 05 mai 2013

Les mauvaises gens

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Hier après-midi, j'ai sorti le hamac, ai enfilé deux pulls et une grosse paire de chaussettes; sous un ciel gris, je m'y suis installée: l'espace était parfait pour lire un Davodeau en noir et blanc.

Ca se passe dans les Mauges, région traditionnaliste coinçée entre église et usine -certains historiens mal intentionnés prétendent que ce nom serait la contraction de "mauvaises gens".
Ca s'ouvre avec une scène de liesse au moment de la libération et se referme sur la joie de mai 81: entre les deux, Davodeau retrace le parcours d'un homme et une femme, syndicalistes et militants ouvriers, ses parents; il n'hésite pas à se mettre en scène, les mains et le crayon dans cette matière familiale qu'il fait remonter à la surface.

Je suis de la même génération que Davodeau. J'ai grandi, non loin de Paris, dans une ville royaliste coincée entre église et église. J'y ai poussé comme une mauvaise herbe qui cherche la tangente au milieu d'allées rectilignes. Je me souviens de la consternation paternelle quand Mitterand est devenu président.

Autant dire qu'en refermant Les mauvaises gens, je me suis sentie plus proche de cette enfance-là que de la mienne.

Parcours davaudien sur les îles indigo

 

samedi, 04 mai 2013

Transformons nos territoires en immense potager!

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Ce jour-là, la cinémathèque de Paris et son expo Jacques Demy n'ouvraient qu'à midi. Du temps à improviser qui m'a conduit tout droit dans un espace improbable et renversant: le parc de Bercy et sa maison du jardinage. Y glaner une heure et laisser là-bas la file d'attente s'allonger.
Aujourd'hui, les Colibris appellent à multiplier ces espaces improbables dans les rues de nos villes.

mardi, 30 avril 2013

Petite poucette

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Ce dernier essai de Michel Serres, Francesco m'en avait conseillé la lecture alors que je lui avouais mon désarroi face à une éducation nationale qui ne perçoit pas l'enjeu de ce qui est en train de se jouer. Alors que tout est en accès libre sur la toile, il devient urgent de revoir notre position face au savoir. Nous rendre compte qu'il serait bien plus vital d'apprendre à apprendre à ces jeunes qui nous sont confiés. Les aider à exercer un regard critique. Michel Serres les appelle Petite Poucette, baptisés ainsi pour leur capacité à envoyer des SMS avec leur pouce. Il les évoque avec confiance, persuadé qu'ils réinventeront une manière de vivre ensemble, des institutions, une manière d'être et de connaître.
Il faut lire de toute urgence ces quelques pages, ne serait-ce que pour suspendre nos jugements hâtifs sur petit poucet et petite poucette.
Boni:l'article de Libé "Petite poucette, génération mutante" et l'émission 3D journal consacré à l'université du XXIème siècle.

mardi, 23 avril 2013

Mémoires

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Mémoire: n.f. du latin memor, oris "qui se souvient"

Ai vu hier un film splendide que j'avais trouvé sous L'Arbre à Palabres: Nostalgie de la lumière de Patricio Guzman. Dans le coin le plus aride de notre planète bleue, le désert d'Atacama, des astronomes scrutent un ciel transparent pour retrouver l'histoire intacte de nos origines. Le calcium présent dans les étoiles est identique à celui qui structure notre squelette, apparu après le bing-bang.
Au pied des observatoires, des Chiliennes, inlassablement, cassent la croûte de sable, à la recherche de leurs proches disparus sous la dictature de Pinochet: la sécheresse du désert a momifié les restes humains. La quête de ces femmes n'a jamais croisé celle des astronomes.
Le film se referme sur ces mots: "Je suis convaincu que la mémoire a une force de gravité. Elle nous attire toujours. Ceux qui ont une mémoire peuvent vivre dans le fragile temps présent. Ceux qui n'en ont pas ne vivent nulle part."

Ai lu hier que le C.A.P.E.S. de Lettres Classiques venait d'être rayé des concours de l'Education Nationale. Enterré, envoyé ad patres. Allez donc lire ou relire la juste colère d'une douzaine de membres du jury sur le site du Monde: Langues anciennes, cibles émouvantes. Qu'ils ne s'inquiètent pas trop cependant: les fossoyeurs du ministère ont oublié que la mémoire a une force de gravité. Elle nous attire toujours...

lundi, 22 avril 2013

Métaphore pour tous.

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Lundi, veille du mardi 23 avril.
Leur enclave est bien cadrée, bien gardée, disent-ils. Mais tout bas, on riT. Il suffit de prendre un peu de recul.

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samedi, 20 avril 2013

Alea jacta est ou quand rien ne se passe comme prévu.

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Hier la biquetterie était vide ou presque. Les unes étaient parties pour le Sud et les autres n'étaient pas encore rentrés de Touraine. Ne restaient plus que la tenancière de ces lieux et Zic avec son gros ventre qui ballotait de droite à gauche au moindre déplacement.
Je me réjouissais d'avance de cette journée dans laquelle j'allais pouvoir me lover comme bon me semblait. En l'occurrence, j'avais décidé de prendre à bras le corps la préparation d'un stage au titre tout aussi effrayant que vaste: "Articuler les différentes composantes du cours des Langues et Cultures de l'Antiquité". Commencer par remplir l'espace du bureau pour désagréger cette sensation désagréable de terra incognita: poser une tasse de café, ouvrir des classeurs et des onglets sur la toile, garder le paquet de tabac à une distance raisonnable. Rapprocher une feuille blanche et un stylo.
Mais quand les dés sont jetés rien ne saurait les abolir.
Zic s'est soudain agitée, accompagnant ses déplacements de miaulements nouveaux. J'ai eu beau lui expliquer qu'elle ne pouvait pas me faire un coup pareil, que je n'y connaissais rien en matière d'accouchement félin, que ma morveuse qui veut devenir sage-femme ne rentrait que le lendemain, qu'elle devait au moins aller dans l'établi où nous lui avions disposé un coin douillet, elle a résolument filé à l'étage et a installé ses flancs contractés dans un tas de tissus, non loin de la machine à coudre.
Ce que j'ai fait le reste de la journée ressemble à ça: déplacements désordonnés de mon bureau à l'étage -déjà deux de sortis- de l'étage à mon bureau -mettre en lien les langues anciennes avec la langue française- retourner à l'étage -le 3ème est apparu mais reste inerte dans sa poche, le placer sous le museau maternel- rejoindre mon bureau -mettre en lien les langues anciennes avec les cultures de la Méditerranée. Oui, reconstruire Carthage- remonter et textoter fébrilement à une copine qui s'y connait: comment sait-on que c'est fini? Redescendre et m'étonner d'avoir oublié ma tête là-haut. Aller la récupérer et admirer l'expulsion du 4ème.
J'ai su alors qu'elle en avait fini. Je me suis assise à même le sol et ai longuement regardé le quatuor se déhancher maladroitement vers les mamelles. Me suis dit que Zic avait agi avec une grande confiance face à cette terra incognita. Le soir venu, j'ai retrouvé ma table de travail et ai tranquillement agencé ce qui le matin me semblait un paquet de noeuds inextricables.

vendredi, 19 avril 2013

De bruit et de silence

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Ce matin, la caresse solaire a salué un symposium de la canopée. Les narcissi pseudonarcissi, eux, somnolaient encore dans la torpeur de leur parfum.

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jeudi, 18 avril 2013

Se mouiller

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Durcet, 13 avril
Ce jour-là, un panneau n'a pas suffi à faire le printemps. Le bitume imbibé continuait sa folle histoire avec les nuages, rivalité de teinte.

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Encapuchonnés, godassés, nous avons été quelques courageux à affronter le chemin des poètes de stèle en stèle. Les poètes auraient dû lire leur texte, étape après étape. Ils ont préféré ne pas se mouiller ou alors juste du bout du pied...

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P.S.: Tenancier de Biloba, si tu passes par là...
1. Il me faudrait indiquer sous les deux dernières photos, le nom des poètes.
2. Aurais-tu une photo de la stèle portant le poème Mathématique?

vendredi, 12 avril 2013

Une pause, quatre soupirs.

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Les unes de nos journaux pourraient jouer unanimement de cet euphémisme: "Contraints à la pause".
Contraint à la pause le planteur capillaire qui pensait que, dans notre monde capitalisé jusqu'à la pointe du cheveu, tous les chemins menaient à Singapour. Deux soupirs.
Contraint à la pause le grand rabbin qui, après avoir usurpé un titre d'agrégé de philosophie, s'imaginait que penser consistait à placer son nom sur la pensée d'un autre pour la faire sienne. Deux soupirs.
ET vous votre pause -vous savez celle entre deux temps de travail- à quoi ressemble-t-elle? Hier, entre deux cours, au lieu d'aller courir fumer ma clope, je suis restée dans ma salle et me suis baladée sur la toile. Je vous ramène ce webdocumentaire A l'heure de la pause de Stéphane Le Gall-Viliker, entre éoliennes et écorces qui frémissent.

mercredi, 10 avril 2013

Buzz

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L'Atlas Punitions

Buzz: de l'anglais buzz "bourdonnement, brouhaha" ou "coup de fil"
Rumeur créée pour faire parler de soi.

Quelle est donc cette épidémie qui touche tous les collégiens et quelques inconscients de la salle des profs? Ces derniers jours, il suffit qu'une situation ou une parole soit jugée grotesque par les individus susnommés pour qu'ils se mettent à imposer à leur main une étrange gymnastique: ils replient l'annulaire et le majeur vers la paume, tendent le pouce, l'auriculaire et l'index puis montent le tout vers l'oreille. Dans le même temps ils infligent à leur visage une grimace d'ahurissement puis disent "non mais allô quoi". Demandez-leur d'où vient ce tic soudain et collectif. Ils vous parleront avec mépris d'une poupée siliconée et écervelée. Fabula acta est.

samedi, 06 avril 2013

Obscène

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Obscène: du latin ob scaenam, ce qui est devant la scène, par conséquent, ce qui n'est pas sur la scène offert aux regards.
Est-ce pour cela que, lorsque l'obscénité se retrouve propulsée sous les projecteurs, elle est toujours accompagnée d'un théâtralité bruyante?

vendredi, 05 avril 2013

clopin-clopant

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Tiens, ça me fait tout drôle de ne plus avoir à faire de décompte...
A priori, je n'aurais pas dû lire ce roman. Avant même sa sortie en février, tous les blogs en parlaient. Celui qui fait office de libraire dans mon coin a inévitablement investi dans une belle pile de cette valeur sûre. Couverture à l'américaine assurant son auto-promotion: une plâtrée d'adjectifs et une pincée de prix littéraire. La machine était lancée. Ouvrez la caisse enregistreuse. Si d'aventure vous prenait l'envie d'en retourner un, pour jeter un coup d'oeil furtif sur la 4ème de couverture, à l'heure où ce qui porte l'appellation incontrôlée de librairie dans mon coin est vide, vous vous infligeriez une série d'exclamations admiratives de la lectrice lambda au Time magazine mais vous n'en sauriez pas plus.
Je l'ai ouvert à la fin d'une journée bancale, qui n'était pas prévue comme ça, que j'aurais voulue autre. Me suis dit qu'un roman qui marche tout seul trouverait bien la force de me porter. Me suis retrouvée en compagnie d'Hazel et sa bonbonne d'oxygène, Augustus et sa jambe en moins, Isaac qui va perdre son dernier oeil et leur groupe de paroles pour cancéreux. "Poignant", au moins la couverture ne mentait pas. Ai vite compris que le rôle du "drôle" était magistralement tenu par les dialogues. Quant au "lumineux", je l'ai trouvé là, dans la clope toujours éteinte accrochée aux lèvres d'Augustus: John Green avait sans doute prévu la censure qui allait aussi toucher la littérature!

lundi, 01 avril 2013

Aujourd'hui un pur mensonge.

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366/366
M'y voici donc. C'est aujourd'hui le dernier réel à prise rapide. En cela, je ne fais qu'évoquer une pure vérité. Je me suis glissée pendant un an dans cet espace du petit matin en un tête-à-tête avec la contrainte du jour. 366 jours commencés ainsi, cela pourrait presque s'appeler un rituel. Que faire après? Je pourrais transformer en confetti les billets écrits, un à un. Cela me prendrait une nouvelle année.

dimanche, 31 mars 2013

Aujourd'hui le monde est petit.

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365/366
... ou du moins il n'est pas assez grand pour nous impressionner. Hier nous avons réservé un gîte pour aller écouter de plus près cet autre printemps des poètes à Durcet, les 13 et 14 avril.

samedi, 30 mars 2013

Aujourd'hui je pourrais écrire sur ma tête.

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366/366 364/366
Contrairement à ce qu'annonçait le billet d'hier, ce n'est pas aujourd'hui que je signe mon dernier réel à prise rapide. J'ai retrouvé une des fois où j'ai avancé de deux cases au lieu d'une, logée entre "c'est long" et "ce qui vous empêche d'écrire". Il ne me reste plus que deux petits jours et sur mon front un point d'interrogation. Gommer l'idée que le clavier pourrait rester sec après.

vendredi, 29 mars 2013

Aujourd'hui ça change tout le temps.

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365/366
Ca change chaque jour, la contrainte des 366 réels à prise rapide. C'est lassant à la fin. Oui surtout à la fin. Lorsqu'on se rend compte qu'une erreur s'est glissée quelque part. A en croire mon décompte, demain serait le dernier réel à prise rapide. A en relire mes billets, j'ai commencé un 2 avril. Vous serez bons pour un 367/366 le 31 mars, suivi d'un 368/366 le 1er avril!
Le bureau des réclamations est ouvert dans les commentaires. Vous pouvez aussi vous amuser à chercher où s'est glissée l'erreur!

jeudi, 28 mars 2013

Aujourd'hui action éclair.

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364/366
Prendre mon café-clope, assise sur le petit muret dehors*. Voir un duo de tourterelles équilibristes sur le fil électrique. Se dire qu'on utiliserait bien le verbe "se chevaucher" pour tenter de les décrire mais que cela ne conviendrait pas à leurs ébats volages.

*Même si le printemps ne veut pas se montrer, je reprends mes bonnes vieilles habitudes.